La fièvre monte

Secteur de la santé

Ouardirhi Abdlaziz

Le secteur de la santé traverse une phase de contestations très profonde. Il y a un ras-le-bol qui est exprimé par toutes les catégories de professionnels de la santé. Médecins , infirmiers, techniciens, tous dénoncent des conditions de travail qui ne cessent de se dégrader.

La coordination syndicale nationale du secteur de la santé, regroupant les six syndicats les plus représentatifs, composée de la Fédération nationale de la santé (CDT), de la Fédération nationale de la santé publique (FDT), du Syndicat indépendant des infirmiers (SII), de l’Union nationale de la santé (UGTM), de l’Union nationale du secteur de la santé (UNTM) et de l’Organisation démocratique de la santé (ODT). Une nouvelle phase de lutte a été annoncée, avec la mise en place de grèves nationales, de débrayages programmés pour les 29 et 30 janvier, ainsi que des arrêts de travail prévus pour les 4, 5 et 6 février 2025, dans toutes les structures sanitaires, centres de santé, hôpitaux, sauf les services d’urgence et les soins intensifs qui assurent la continuité des prestations.

Engagements non respectés 

Le mouvement de grèves s’intensifie, il fait tache d’huile. Tantôt se sont les médecins qui font grève, juste après ce sont les infirmières, les infirmiers, les techniciens, les internes, les résidants. Face à ce malaise grandissant, et à tous ces débrayages, on ne voit pas comment tout ceci va s’arrêter.

Par ces mesures, les professionnels de santé souhaitent exprimer leur

mécontentement, leur ras-le-bol, face aux tergiversations, au non-respect des engagements pris par le ministère de la Santé lors de la réunion du 23 juillet 2024.

Quels sont ces accords ?  

Pour avoir un aperçu, ci-dessous quelques-uns des engagements et accords cosignés le mardi 23 juillet 2024, dans un procès-verbal entre le ministère de la Santé et de la Protection Sociale et les syndicats représentant le secteur de la santé.

Il a été convenu une augmentation mensuelle de 500 dirhams net au profit du personnel infirmier, toutes catégories confondues, et de 200 dirhams nets en faveur des personnels administratif et technique des professionnels de la santé, en tant qu’indemnités de risque dans le cadre des spécificités du secteur et de mise en œuvre des groupements sanitaires territoriaux, et qui sera décaissée à partir du 1er juillet 2025.

Il a également été convenu d’améliorer les conditions de promotion au profit des professionnels de la santé dans le cadre de l’élaboration des textes d’application de la fonction sanitaire, à travers la création d’une commission spéciale à cet effet qui entamera ses travaux à partir de juillet 2024.

Le procès-verbal de l’accord prévoit aussi le versement d’une indemnité spéciale pour l’engagement au sein des programmes de santé au profit de tous les professionnels de la santé, y compris la médecine de famille, la médecine des addictions, les unités de la médecine du travail.

Le dossier des lauréats de l’Ecole Nationale de la Santé Publique et de l’ancien Institut National d’Administration de la Santé sera étudié à travers une commission qui débutera ses travaux à partir de ce mois de juillet. Concernant le statut juridique des professionnels de la santé, un engagement a été pris pour préserver tous les droits et acquis des professionnels de la santé dans la fonction publique.

La liste des revendications et accords est longue. On comprend mieux les raisons des hésitations et du ministère de la Santé, et plus particulièrement les tergiversations du nouveau ministre de la Santé  Mr Amine Tahraoui (nommé le 23 octobre 2024 ), face aux revendications des professionnels de la santé . On comprend que le paquet des revendications est énorme, légitime, certes, mais difficile à concrétiser en même temps.

Répondre aux doléances des professionnels

Il ne faut pas être devin pour comprendre que ces désidératas ne seront pas comblés de sitôt. Dans l’état actuel des choses, et au regard de la situation socio-économique marquée par le chômage, le sous-emploi, la sécheresse, il va falloir agir avec sagesse, clairvoyance, circonspection, modération et réalisme. Les deux parties (ministère de la Santé et de la Protection Sociale et les syndicats représentant le secteur de la santé) doivent laisser ouverte la porte à un débat digne de foi, authentique, réel, un débat sensé, rationnel et pertinent.

Il n’est pas dit que toutes les revendications, les accords et engagements soient tous réalises en même temps. De toutes les façons, c’est impossible à réaliser.

Ce qui est important, c’est de répondre aux doléances des professionnels de la santé par des actes, des réalisations, la satisfaction de ce qui peut l’être aujourd’hui, et programmer avec les représentants des professionnels de la santé le reste avec un échéancier, raisonnable et acceptable par toutes les parties.

Qui des malades ?

Pour terminer, il est de notre devoir de soulever les contraintes auxquelles sont confrontés les malades chaque fois que les hôpitaux et les centres de santé sont paralysés par des grèves.

Les professionnels de santé défendent leurs revendications, et font valoir leurs droits à la grève, c’est normal dès lors que le gouvernement fait la sourd oreille.

Mais à coté, il y a des vies en jeu. Aussi, il est de notre devoir de penser à tous les malades qui sont victimes de ces débrayages continuels. Des malades qui s’adressent à l’hôpital public, car ils n’ont pas les moyens pour consulter dans le privé.

Ces malades sont souvent des personnes âgées souffrantes de pathologies chroniques, de l’hypertension artérielle, du diabète, de l’insuffisance rénale, du cancer etc.

Il y a aussi des malades qui ont des rendez-vous, qui viennent de loin, et qui devaient être opérés, mais auxquels on dit qu’il faut revenir un autre jour.

C’est inadmissible, la raison ne peut en aucun cas accepter de telles situations, car  il s’agit de la vie de nombreux malades qui est en jeu, et la responsabilité ici est partagée, entre le ministère de la Santé et les syndicats. Surtout quand chaque partie campe sur sa position.  

Dans cette lutte qui n’a pas lieu d’être entre le gouvernement et les syndicats, il serait plus sage que les deux parties s’assoient autour d’une table, pour un débat responsable, dans un climat serein, ne doivent pas se poser en adversaires. Chaque partie doit chercher à tirer le meilleur en privilégiant les bonnes relations, et l’apaisement pour en finir avec cette situation délétère, qui perdure et qui risque de provoquer une implosion de tout un système social sensé aider, soutenir, soigner notre population, et plus particulièrement les plus vulnérables, celles et ceux qui sont malades. Malheureusement, ce que nous constatons, c’est que ces mêmes malades sont aujourd’hui pris en otages.

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