«L’autisme est un prétexte pour parler de nos différences»

Propos recueillis par Omayma Khtib

Après le Festival international du film de Los Angeles, Nejib Belkadhi participe à la compétition officielle du Festival international du film de Marrakech (FIFM) avec son film «Regarde-moi». Le film, dont la sortie nationale a eu lieu le 15 novembre, traite la maladie de l’autisme, il retrace les rapports compliqués et intenses entre Lotfi, un immigré tunisien vivant en France, qui retourne en Tunisie pour s’occuper de son enfant autiste. Lotfi incarné par l’acteur tunisien Nidhal Saidi a remporté le prix de la meilleure interprétation masculine au FIFM. Nous avons rencontré le réalisateur dans les coulisses du FIFM, voici les propos.

Al Bayane : Parlez-nous de votre participation à la compétition officielle du FIFM à travers votre film «Regardez-moi»?

Nejib Belkadhi : C’est toujours une joie de revenir au Maroc, cela me fait très plaisir d’être présent ici dans le cadre de ce grand festival, surtout que « Regardez-moi » est le premier film Tunisien à participer à la compétition officielle au FIFM.

Ce que je trouve très intéressant cette année, c’est que le festival revient avec un nouveau souffle, accompagné d’une nouvelle équipe qui a fait une très jolie sélection au niveau de la compétition. Je vois aussi que le festival cette année est plus ouvert sur le Maghreb et surtout sur l’Afrique.

Comment avez-vous trouvé le feed-back du public marocain après la projection de votre film ?

Juste magnifique, franchement j’étais très surpris par cet accueil. Nous avons eu le plaisir de rencontrer deux public totalement diffèrent vu qu’il y’a eu deux projection au film. Entre le palais des congrès, majoritairement avec des festivaliers et des professionnels, chose qui était extraordinaire. Et la deuxième projection pour le grand public marocain quoi était fascinante aussi. Je suis très content de l’accueil du public marocain à mon film.

Nous avons fait le tour de plusieurs festivals avec ce film, entre, le Canada, les Etats Unis, la Tunis, notamment à Carthage, à Toronto, à Los Anglos et aujourd’hui à Marrakech, et c’est toujours un plaisir de rencontrer des nouveaux publics et voir que les propos de mon film les touchent tous.

Parlez-nous du personnage «Youssef» qui a eu beaucoup de succès lors des deux projections.  Comment l’avez-vous repéré?

Youssef, est le rôle de l’enfant atteint d’autisme dans mon film. Je dois dire, que c’était le rôle qui me faisait le plus peur. Premièrement parce que je me disais, que si je ne trouve pas l’enfant qui pourra jouer ce rôle, et me donner un personnage crédible à l’écran, le film risque de tomber à l’eau.  Deuxièmement, je craignais deux publics spécifiques est sont bien les parents d’autistes, et les spécialistes (les gens qui travaillent avec les autistes). C’est deux publics là, étaient les plus critique vu que c’est les gens qui connaissent les syndromes de cette maladie et se sont eux qui connaissent très bien ses enfants là. Il fallait absolument que je sois hyper rigoureux quant au casting de ce rôle-là.

Après un an et demi dans un centre à Tunis, à filmer les enfants, à les observer,  je voyais à quel point l’autisme est très riche en émotion. Plus je m’instruisais dans ce monde, plus je me demandais quel acteur de 8 ou 9ans allait pouvoir me donner cette vérité et ce réalisme. Ça tenait du miracle à vrai dire.

A un certain stade, j’ai pensé à choisir un enfant autiste et de traiter mon film d’une approche documentaire. Mais par souci de réalisme et de crédibilité, j’ai vu que cela mettrait probablement le film en danger, parce que tout dépendra des humeurs de l’enfant, de son état mental. Aussi nous ne savions pas si nous avions le droit à la base de faire travailler un enfant autiste dans un film. Jusqu’au jour ou nous avons décidé de faire un casting pour des enfants neurotypiques. Ensuite, j’ai repéré Driss qui se présentait pour le casting avec sa maman. En le voyons se diriger vers nous, j’ai senti qu’il avait quelque chose de particulier, une certaine aura, quelque chose de très particulier, une intelligence émotionnelle très forte, et donc c’était lui. Nous avons  beaucoup travaillé sur les détails pour perfectionner le rôle, les cris, l’intensité des cris, sur les regards, sur les longs regards aussi, et surtout sur la gestualité de la main.

Quel serez votre message pour les gens qui n’ont pas encore regardé le film?

Je tiens à souligner que le propos du film n’est pas que sur l’autisme. L’autisme était un prétexte pour parler de la différence, car mon film parle de l’acceptation de la différence. Aujourd’hui, nous vivons dans une société qui n’accepte pas la différence quel que soit sa forme. Nous avons du mal avec les gens qui ne sont pas comme nous, qui ne pensent pas comme nous, qui ne s’habillent pas comme nous, qui ont une autre vision de la vie.

L’enfant autiste est un enfant très intelligent, mais qui a sa propre vision du monde. Il a sa propre bulle, il a ses propre codes pour déchiffré la vie, des codes très différents des nôtres et c’est cela que je voulais dire à travers ce film.

C’est aussi un film sur la paternité, je tenais absolument à parler de cela parce que je trouve que le cinéma arabe à tuer le père.  Dans des situations pareilles, on nous montre très souvent le père s’enfuir et c’est la mère qui y fait face.

Que pensez-vous de la censure dans le cinéma?

La censure n’a pas lieu d’être, je l’ai subi en Tunisie. J’ai été black listé durant 10ans par la télévision tunisienne parce que j’avais fait une émission qui avait un propos social assez satyrique, et qui dit social dit politique forcement et du coup cela n’a pas plus au dirigeant du pays dans le temps.

Je trouve que personne n’a le droit de censuré l’art. Il faut comprendre, que le cinéma n’est pas fait pour caresser dans le sens du poil, le cinéma est fait pour caresser contre le sens du poil. L’art est fait pour blesser, il est surtout là pour gratter où il ne faut pas. Sans oublier que la censure est la plus grande publicité que puisse avoir un film.

Related posts

Top