Le livre blanc du patronat trace les grandes orientations

Secteur privé

Par Fairouz El Mouden

La CGEM met en avant ses priorités pour la relance du secteur privé. Dans son livre blanc présenté vendredi dernier à Casablanca, le patronat propose une série de mesures à même de soutenir une croissance économique soutenable, responsable et durable qui concorde avec les objectifs du nouveau modèle de développement.

Le livre blanc fixe 10 priorités autour de thématiques essentielles, notamment le développement  et l’accompagnement de la très petite, petite et moyenne entreprise (TPME) et le changement des codes de la commande publique. Les recommandations du patronat plaident pour la mise en place d’une nouvelle approche pour le développement des compétences professionnelles et  l’accélération de la libéralisation du secteur électrique et la décarbonation de l’industrie.  Le secteur de la Logistique n’est pas en reste, il est question de le rendre compétitif et plus productif. Le chantier de la fiscalité figure encore et toujours dans les priorités de la CGEM. Une réforme fiscale à même de relancer la demande nationale et améliorer l’attractivité du secteur formel. Le code du travail doit être en adéquation avec les évolutions de la société, estime la confédération dans son livre blanc. Enfin, la CGEM recommande la promotion de l’innovation, la transformation digitale et la recherche du développement et le renforcement de  l’Etat régulateur et planificateur.

Des mécanismes d’accompagnement intégrés  au profit de la TPME

Les Très Petites et Moyennes Entreprises (TPME) jouent un rôle essentiel dans le développement et la cohésion social, dans la croissance économique et  la création d’emplois. Toutefois, elles souffrent de nombreux maux, à savoir sous-capitalisation, de difficultés d’accès aux financements et aux marchés publics, ou encore d’une législation du travail freinant leur croissance et leur compétitivité.

Le livre blanc  émet quelques recommandations pour dépasser ses blocages : doter le Maroc d’un Small Business Act (SBA), refonte du cadre juridique et institutionnel, facilitation d’accès aux marchés publics et évoluer la CCG vers une banque publique d’investissement orientée TPME. Ces mesures permettraient d’atteindre les objectifs du NMD en termes d’entrepreneuriat en ciblant 12 000 entreprises exportatrices et 3 000 jeunes entreprises à croissance rapide (« gazelle ») d’ici 2035, note la confédération dans son livre blanc.

Réduire la  sous-capitalisation des entreprises marocaines de manière ciblée

Les PME marocaines ayant eu à s’endetter lourdement pour traverser la crise (notamment via Damane Oxygène/ Relance) d’où leurs fragilisations et elles risquent fortement de ne pas disposer des capacités financières nécessaires pour se développer de manière pérenne post-Covid.

Les quasi-fonds propres, produits financiers aujourd’hui largement utilisés à l’étranger pour recapitaliser les PME en temps de crise, sont une option de financement pertinente. Des fonds sectoriels dotés de 2 à 3 milliards de dirhams pourraient être déployés pour investir des obligations convertibles avec bons de souscription d’actions (OC-BSA) auprès des PME performantes opérant dans des secteurs stratégiques (p.ex. Tourisme, Industrie).

Changer les codes de la commande publique et stimuler la demande et  promouvoir le made in morocco

La commande publique liée à l’initiative entrepreneuriale, à l’économie verte et durable, ou encore à l’inclusion économique est indispensable. Pour la CGEM, il s’agirait de changer les codes de la commande publique, pour les administrations ou les établissements publics afin de permettre de donner une chance aux entreprises jeunes et petites et de renforcer la préférence à l’intégration locale dans la commande publique.

Nouvelle approche pour le développement des compétences professionnelles

Le développement du capital humain, abondamment évoqué par le NMD, constitue l’une des clés de la réussite du Maroc. Le Livre Blanc propose plusieurs mesures pour améliorer concrètement « l’adéquation des compétences avec les besoins de l’économie et de la transformation structurelle», ambition exprimée pour 2035. Il s’agit d’amender la Loi 60-17 qui ne fait que renforcer les dysfonctionnements chroniques dont souffre le dispositif de la formation continue. Il est ainsi urgent de simplifier et digitaliser les mécanismes des Contrats Spéciaux de Formation dont la complexité ne permet qu’à 1% des entreprises assujetties à la TFP d’en bénéficier. Il est aussi question de Créer de nouveaux types de centres de compétences alliant les forces du public et du privé et d’’instaurer des Instituts à Gestion Déléguée (IGD).

Accélérer la libéralisation maîtrisée du secteur électrique et  décarbonation de l’industrie

 Le NMD pose l’objectif pour le Maroc de devenir champion régional de l’énergie bas carbone et d’atteindre un coût de l’énergie électrique pour les industries énergivores de 0,5 dh/kWh à horizon 2035. Pour cela il nécessaire, estime, la CGEM de maximiser la valeur ajoutée locale de ce secteur économique et mettre  l’accent sur la réforme du secteur et de ses acteurs et sa libéralisation progressive, en intégrant la moyenne tension dans le périmètre libéralisé, avec un régulateur fort, garant de la véracité des coûts et de la qualité des opérateurs. Par ailleurs, il est également recommandé de permettre des investissements  par des tiers avec faculté de vente d’électricité à l’autoconsommation.

Logistique : plus de compétitivité et de productivité des ressources foncières industrielles

Le Livre Blanc propose, plusieurs mesures pour atteindre l’objectif du NMD de diminuer le coût du transport et de la logistique à 12% du PIB en 2035. Parmi les enjeux clés du secteur figure sa structuration. Il est proposé dans ce sens d’implémenter rapidement une mesure encourageant l’agrégation des acteurs logistiques, soit en proposant des incitations à l’investissement, soit en orientant les marchés publics vers des achats auprès d’agrégateurs logistiques structurés.

Ainsi, le patronat  appelle à « développer des zones d’activité de qualité et à prix compétitifs accessibles à toutes les entreprises » et préconise de rendre le foncier industriel plus accessible aux petites structures en particulier. La CGEM propose également de privilégier la location de longue durée pour l’attribution du foncier public à des activités économiques et veut des mesures fortes et coercitive visant à stimuler la valorisation du foncier existant.

La fiscalité pour relancer la demande nationale et rendre le secteur formel plus attractif

La révision de la fiscalité est une nécessité rappelée par le NMD, qui appelle à « optimiser le plein potentiel fiscal de l’économie nationale ». La CGEM appelle à une réforme fiscale capitalisant sur les travaux des dernières assises de la fiscalité tenues en 2019, pour atteindre une fiscalité nationale assurant son rôle de levier de développement économique et d’instrument de redistribution et de justice sociale.

8 mesures, détaillées dans ce Livre Blanc, sont proposées, comme l’initiation de la baisse de l’IS afin de le ramener au taux internationalement admis, la réduction progressive de la cotisation minimale en vue de sa suppression (au plus tard en 2025), la réforme de la TVA qui doit assurer la neutralité de cette taxe pour les entreprises, et bien d’autres mesures. La CGEM propose davantage d’innovations dans un but d’accélérer la formalisation de l’économie à travers des statuts spéciaux permettant un mode de recouvrement de l’impôt et des cotisations sociales simplifié, ou la mise en place d’une fiscalité verte pour accélérer la décarbonation de l’économie. L’introduction d’une TVA intermédiaire de 10% sur 2 ans pour les secteurs économiques les plus touchés par l’informel pourrait, par ailleurs, être une première mesure rapidement marquante pour réduire la part de l’informel. La plupart de ces mesures peuvent être mises en place dès la Loi de Finances 2022.

Code du travail : adéquation avec les évolutions de la société et de l’économie

Le Code du travail, promulgué en 2004, est resté inchangé pendant ces 17 dernières années alors que certains de ses articles sont devenus obsolètes ou sujets à différentes interprétations. En premier lieu, la CGEM prône l’introduction de la flexibilité du travail au niveau des dispositions du Code du travail, en conciliant compétitivité des entreprises et sécurité légitime des salariés. Elle recommande aussi de réglementer les nouveaux modes de travail comme le travail à distance et le travail à temps partiel, qui pourraient avoir un impact déterminant sur l’activité économique des femmes et des travailleurs en région, et participer fortement à la portabilité des droits des travailleurs (protection sociale, retraite, …) et à la mobilité de l’emploi.

Encourager l’innovation, faciliter l’accès à la r&d et promouvoir la transformation digitale

Le Livre Blanc propose un certain nombre de mesures autour de la fiscalité, la gouvernance ou la structuration de l’écosystème national. Il s’agit en priorité de  Labelliser des centres de recherche de qualité, qu’ils soient universitaires, centres privés ou même intra-entreprise, et subventionner tout projet de R&D industriel réalisé par ces centres et de procéder à la refonte du cadre réglementaire et à la levée des barrières pour permettre aux acteurs porteurs d’innovations technologiques, notamment dans le domaine numérique, d’accéder aux marchés cibles. Il est tout aussi capital d’accompagner les entreprises dans leur processus de transformation digitale à travers des programmes de formation et/ou des subventions spécifiques.

Renforcer l’état régulateur et planificateur

Le cœur du modèle de développement étant d’accélérer l’entrepreneuriat et les initiatives privées, les prérogatives économiques de l’État doivent évoluer et progressivement se resserrer autour des fonctions de régulation des marchés. L’un des principes de la nouvelle administration doit également être l’efficience des dépenses publiques. L’État doit permettre de libérer des marges de manœuvre pour le recrutement d’une élite de l’administration intéressée et focalisée sur des problématiques de régulation et de planification à très haute valeur ajoutée. Plusieurs secteurs nécessitent une gouvernance locale plus rapprochée, mais il est nécessaire de doter les régions d’outils d’intervention flexibles et adaptés au contexte régional conclut le livre blanc.

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