«Le Maroc s’est doté d’un arsenal juridique permettant de sécuriser le contrat électronique»

Laila Qamar, conseillère juridique, doctorante chercheuse en droit des affaires

L’activité du commerce électronique reçoit habituellement la traduction dans un outil juridique classique : le contrat. Toutefois, celui-ci se conclue nécessairement à distance et prend donc la forme électronique ou digitale. Comme tout acte juridique, pour être validé, nécessite une signature. Ainsi, pour le contrat électronique, il faut créer une signature électronique permettant d’identifier les cocontractants. Pour comprendre le fonctionnement du contrat électronique, nous avons posé la question à Laila Qamar, conseillère juriste, doctorante chercheuse en droit des affaires. Elle précise dans cette interview la différence entre un contrat électronique et un  contrat classique.

Al Bayane: Comment fonctionne le contrat électronique ?

Laila Qamar: Pour faire simple, un contrat électronique est un contrat signé ou conclu par voie électronique et  soumis aux mêmes modalités de fonctionnement que son équivalent matériel ou papier. Ainsi, le contrat électronique conserve toutes les caractéristiques de base d’un contrat classique, avec quelques spécificités. Autrement dit, il est régi à la fois par les règles de droit commun des contrats mais également par des règles spéciales justifiées par la particularité de sa forme : son immatérialité.

Tout contrat électronique doit respecter les conditions de validité d’un contrat papier : le consentement des parties,  la capacité et l’objet et la cause.

En matière de validité de l’acte, la loi 53-05 affirme l’équivalence entre le support papier et le support électronique pour tout ce qui touche à l’écrit dans le cadre d’une contractualisation électronique. Mais cela, à condition que la personne dont émane le contrat soit facilement identifiable et que le document soit conservé dans de bonnes conditions (de manière à garantir son intégrité).

Quelles sont les différences entre un contrat électronique et un  contrat classique ?

Les différences entre les deux types de contrats sont essentiellement formelles et reposent sur les circonstances suivantes : le contenu de l’accord n’est pas recueilli dans un document papier, mais au sein d’un fichier numérique, les parties ne sont pas présentes dans le même lieu physique, lors de la signature, mais l’accord est conclu à distance et le consentement est exprimé par voie électronique, par la signature électronique du contrat ou éventuellement, d’autres modalités d’acceptation en ligne.

Pourquoi passer d’un contrat classique à un contrat électronique ?

Aujourd’hui, avec le contrat électronique, le suivi du cycle de vie se fait en ligne, en toute simplicité et de façon instantanée : vous recevez alertes et notifications en cas de problème, et l’option de verrouillage du document vous permet d’éviter les ajouts de dernière seconde non désirés.

Vous éliminez toute une série de frais inévitables dans le cadre d’une contractualisation papier. Pas d’impression, pas d’envoi postal, pas de transport, pas d’archivages physiques – vous n’avez qu’à prendre en charge les coûts des logiciels et de la création d’une signature électronique, soit uniquement des dépenses ponctuelles.

Un contrat électronique, contrairement aux contrats sur papier volant, ne risque jamais d’être perdu. Il pourra même être récupéré si jamais il a été supprimé par inadvertance. Le meilleur moyen de sauvegarder un contrat ou un document important est de le transformer sous forme numérique. Comme vous pouvez transférer le document en copie autant de fois que vous le voulez, cela garantira la fiabilité des échanges, car chaque partie garde les mêmes versions du contrat. De plus, la traçabilité et la sécurité des documents sont garanties.

La gestion et le contrôle des données contractuelles s’avèrent être une opération chronophage et complexe. En effet, il faudrait consulter, trier puis reclasser des centaines, voire des milliers de paperasses. Mais avec le contrat électronique, c’est tout autre chose : il suffit de rechercher sur l’ordinateur le document en un seul clic. Il y a donc plus de temps à consacrer aux activités et à la productivité.

Préparer un contrat classique n’est pas toujours simple. Cela peut prendre plusieurs étapes et prendre du temps. Mais avec le contrat électronique, le processus est accéléré. Le contrat est dématérialisé plus vite et disponible presque immédiatement. C’est d’ailleurs l’un des objectifs visés par ce format numérique : réduire les temps d’attente et accélérer les processus.

Comment le législateur marocain sécurise le contrat électronique ?

Le Maroc s’est doté d’un arsenal juridique permettant de sécuriser le contrat électronique, notamment à travers l’audit obligatoire de sécurité informatique, l’obligation de sécurité en matière de traitement des données à caractère personnel, la certification électronique, le cryptage et la répression de certaines infractions.

La pandémie du Covid-19 a mis en évidence la nécessité de développer rapidement des services publics en ligne afin que les citoyens puissent les utiliser pour s’adresser à distance aux pouvoirs publics et pour permettre à l’administration et aux acteurs économiques publics et privés de développer de nombreux télé-services et de contribuer ainsi à l’accélération de la transformation numérique du Royaume. En ce sens, la loi 43.20 a permis de lever les différents obstacles juridiques identifiés au développement du marché de la confiance numérique au Maroc. Les modifications apportées par cette nouvelle loi ont permis d’encadrer davantage les niveaux non qualifiés en rajoutant un niveau intermédiaire dit « avancé » à l’instar de la réglementation européenne. Cette loi  permet aussi de mettre à niveau le cadre actuel en encadrant des services de confiance complémentaires pour répondre aux nombreux besoins exprimés par les acteurs économiques, les administrations et aux nouveaux usages du numérique.

Par ailleurs, la loi marocaine n° 53-05 sur l’échange électronique de données juridiques a pour objet de fixer le régime applicable aux données juridiques échangées par voie électronique, à l’équivalence des documents établis sur papier et sur support électronique et à la signature électronique. Elle détermine également le cadre juridique applicable aux opérations effectuées par les prestataires de services de certification électronique, ainsi que les règles à respecter par ces derniers et les titulaires des certificats électroniques délivrés. En outre, la loi institue une autorité nationale d’agrément et de surveillance de la certification.

Aussi, le législateur marocain à travers la loi n°07-03 qui a été reproduite à partir de la loi française dite loi Godfrain, traite toutes les infractions qui touchent les systèmes de traitement automatisé des données et réprime les intrusions ainsi que les atteintes aux STAD.

Pour l’intrusion informatique, elle prend « plusieurs formes suivant les méthodes utilisées par les pirates informatiques, créant ou exploitant les vulnérabilités existantes, ou suivant le temps passé à l’intérieur du système piraté »

A ce niveau, il  existe une distinction entre l’accès et le maintien frauduleux dans un STAD selon la loi n°07-03 qui permet de sanctionner toutes les intrusions non autorisées. Par le fait, il y a deux types d’accès non autorisés qui peuvent être envisagés :

 L’accès dans l’espace, qui consiste à pénétrer par effraction dans un système informatique. C’est-à-dire, l’accès frauduleux. Et l’accès dans le temps, qui s’agit du fait d’outrepasser une autorisation d’accès donnée pour un temps déterminé. C’est-à-dire, le maintien frauduleux.

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