LE PETIT CINEASTE : Du scénario

Pourquoi dit-on souvent que le scénario n’est pas le film ? Beaucoup de gens le croient fort et le répètent souvent sans nous dire exactement pourquoi ! Commençons d’abord par le commencement et définissons ce que c’est qu’un scénario.

Beaucoup répondront, un scénario c’est d’abord et avant tout, une bonne histoire, une bonne histoire et une bonne histoire ! Mais les bonnes histoires ont déjà existé et cela même avant l’invention du cinéma ! Elles existaient dans les contes, dans les romans, dans les nouvelles et même dans les pièces de théâtre, mais personne ne les avait appelées scénario !

Une histoire n’est jamais un scénario et ce dernier n’est pas uniquement une histoire à lire, à raconter ou à publier. Un scénario est là pour être filmé. C’est dans cet acte de «filmer» que tout se joue. Je vais m’aventurer et dire qu’un scénario est juste un plan de route pour arriver à une destination qu’est le film. Il nous permet de connaître l’itinéraire, le point de départ, les virages et le point d’arrivée, mais jamais ce qu’on va vivre durant ce voyage et l’impact que cela aurait sur notre vie. On sait où on va, mais jamais ce qui va nous arriver ni même si on va arriver à destination ou pas!

Pourquoi un bon scénario ne peut pas donner forcément un bon film et vice versa ? Tout simplement parce que il y’a celle ou celui qui fait le film ou bien celles et ceux qui le font. On ne filme jamais un scénario à la lettre tel qu’il a été livré, pour la première fois, par son scénariste, même si ledit scénario est écrit par le réalisateur lui-même, sinon on ne fait pas du cinéma ou juste on croit le faire. La sensibilité de chaque réalisateur joue un rôle déterminant dans cette opération qui d’apparence a l’air d’une grande trahison. Le rapport réalisateur scénario est un rapport purement œdipien si on considère que le réalisateur est le père adoptif du scénario.

Imaginons un scénario comme un bébé qui vient de naître, Le réalisateur serait «le père» chargé de son éducation en l’absence de «la mère» qu’est le scénariste. Dans ce cas, le budget serait considéré comme la première confrontation du scénario avec les contraintes de la réalité voire de la vie. La réalité financière nous oblige à modifier un scénario, pas forcément vers le moins bien. Ce n’est nullement un choix mais juste une fatalité à laquelle aucun cinéaste ne pourrait échapper.

Un bon casting nécessite aussi une réécriture basée sur le choix fait des acteurs ainsi que leurs remarques après lecture du scénario. Chaque acteur pourrait vous inspirer à sa façon et vous oblige, d’une manière ou d’une autre, à revoir vos scènes pour les réadapter et les améliorer ou les rater aussi. Deux acteurs différents n’interpréteront jamais le même rôle de la même façon. Un scénario grandit au milieu des acteurs comme un benjamin au milieu de ses grands frères.

Le repérage est l’auberge des scènes, là où elles vont résider. Le repérage nous oblige, qu’on le veuille ou non, à changer le traitement de nos scènes et à leur donner de la forme voire de la texture. L’imaginaire se réconcilie avec le réel qui dicte ses lois. On ne trouve jamais un décor qui correspond parfaitement à ce qu’on avait imaginé avant. Celui qui prétend l’avoir trouvé est juste un rêveur.

Les répétitions et le tournage des scènes impactent le rythme du jeu des acteurs ainsi que leurs déplacements dans les décors, les réactions des uns vis-à-vis des autres donnent une nouvelle alchimie des choses jusque-là inattendue. Le tournage va même jusqu’à nous pousser à modifier les dialogues prononcés par les acteurs, les omettre ou en ajouter d’autres.

Le montage nous oblige souvent à revoir l’ordre chronologique des scènes, à calculer leur durée et repenser leur utilité. On le fait pour sauver le rythme général du film, harmoniser l’atmosphère et le ton et pallier les bosses et trous qui peuvent affecter la narration et qui existaient, à notre insu, dans pratiquement chaque scénario.

On n’arrête pas de réécrire un scénario et cela jusqu’à la sortie du film. Je pense que même le film suivant est une sorte de réécriture du précédent. Ce n’est nullement un choix mais une obligation qui s’impose par la force des choses et la nature du métier lui-même, ce métier qui n’est autre que le cinéma. On fait le même film, on peint le même tableau et on écrit le même roman. L’homme est un perfectionniste tragique ! Faire un bon film n’est pas aussi rationnel qu’on le pense. Un bon scénario n’est qu’une plateforme solide qui sert comme un minimum de garanti pour faire un film. Pour que celui-ci soit bon, c’est le Cinéma qui s’en charge et le bon dieu s’il est avec vous bien sûr.

Mohamed Mouftakir

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