En marge de la 24ème édition à Tétouan du 22 au 29 novembre 2024
Point de vue
Par Fouzia Elbayed, *Chercheure en anthropologie culturelle et critique d’art
Les festivals sont au centre de la stratégie et la politique culturelle. C’est l’occasion de créer une dynamique croissante et une animation des structures où se rencontrent les professionnels du produit culturel.
Le ministère de la Culture et de la Communication annonce l’organisation du festival national du théâtre dans sa 24ème édition à Tétouan du 22 au 29 novembre 2024.
Comme pour les éditions précédentes qui se sont tenues à la ville de la colombe blanche, son succès réside dans la coordination, le dialogue et la concertation permanente avec l’ensemble des professionnels de la culture : la direction des arts, le service théâtre et manifestations, les responsables du ministère de tutelle dans la région, les collectivités locales et territoriales, les lauréats de l’ISADAC, un tableau de bord avec la répartition des tâches au sein des commissions techniques et scientifiques.
Un programme attractif, riche que varié
Une rencontre annuelle qui continue de briller sous les feux de la rampe durant toute une semaine de rayonnement culturel et artistique et sous le signe du renouvellement incessant, de belles retrouvailles et de découvertes de talents captivants. Le large public aura à se délecter d’un programme fort attractif aussi bien riche que varié derrière lequel s’active une équipe de professionnelles chevronnés du ministère de tutelle, appliquée et engagée à donner le meilleur de soi selon que le mérite notre quatrième art.
A côté de la programmation officielle où entre en compétition douze troupes pour exposer leur nouvelle production et exhiber leur savoir-faire artistique afin de convaincre les membres de jury qui auront à trancher sur les meilleures performances à partir d’une grille d’évaluation.
Les prix du festival et leur valeur, selon que l’organise le décret du Prix National du Théâtre, se présenteront comme suite : les membres de jury du festival discernent des prix au plus valant. Seront donc au podium le prix Espoir, celui de la meilleure performance masculine et féminin, le prix du meilleur texte, de la mise en scène théâtrale, de la scénographie, des costumes et enfin le Grand Prix du festival.
Ancrer le rituel de la traçabilité
Le temps sera donné au débat critique avec le public après le passage de chaque représentation en présence des membres de la troupe. C’est pourquoi pour la deuxième année consécutive les organisateurs du festival ont chargé une équipe de chercheurs et de spécialistes de la critique d’écrire des analyses critiques, des comptes rendus et des couvertures médiatiques en parallèle sur toutes les activités du programme. Le but est d’ancrer le rituel de la traçabilité et de décortiquer les éléments de la composition esthétique et techniques des pièces de théâtre en compétition.
Soulignons que le rapport de la critique au processus de la création théâtrale est un rapport fondamental à la vie du théâtre et à son évolution, pour qu’il reste enthousiasmé, cheminant vers le renouvellement et des sommets inaccessibles pas encore exploités ni accomplis. Parce que le théâtre est un art créatif total. Le besoin de la critique est essentiel car elle remodèle l’impulsion de la conscience dans le processus théâtral dans sa globalité.
Activités parallèles
D’autres activités culturelles en parallèle auront lieu dont le salon d’exposition des éditions livresques en art du spectacle et le salon d’exposition des costumes de théâtre marocains pour la première fois dans cette édition après celui de la photographie l’année précédente.
Les costumes ne sont pas un simple apparat, mais ils sont l’expression visuelle de la personnalité du personnage. Ils symbolisent l’appartenance à un cadre spatio-temporel et à une classe sociale.
Les participants à l’exposition des costumes sont Maria Seddiki – Asmaa Hamouch – Badr Al-Saoud Al-Hassani – Tarik Ribh – Safia Maanaoui – Sanaa Chadal – Noura Ismail – Rafika Ben Maimoun en collaboration avec la fondation Tayeb Saddiki
L’un des moments phare qu’attendent les critiques et écrivains du théâtre c’est le contact et la communication directe avec les passionnés de la production en format de livre, études, pièces de théâtre, analyses critiques, dramaturgiques et autres types de recherches académiques focalisant la lumière sur le genre théâtre et sa relation avec son environnement culturel. La présentation et la signature de douze nouvelles publications va attirer les festivaliers comme à l’accoutumée et va occuper une partie importante dans le programme de cette manifestation culturelle tant convoitée.
Après l’ouverture du bal dans la cérémonie inaugurale, en présence des invités du festival dont Dr Yi Yulin le Président de l’Association des Scénographes chinois et M. Shan Kian le responsable du département de la scénographie à l’Académie de Théâtre de Shanghai, le festival rend un vibrant hommage à des artistes qui ont tant donné à l’art et la culture dont :
Mohamed Dirham, Mohamed Choubi, Hajriya Amara, Zoubair ben Bouchta et Hassan Badida. Après les rencontres entre la communauté des théâtreux, toutes générations confondues, vont bon train.
Les salles de spectacles « Cinéma espagnol », le « Centre Culturel IKLIL » revêtent leurs plus belles parures afin d’être au diapason de la manifestation où s’expose des spectacles contemporains, voire des ateliers aux bénéfices des assoiffés d’opportunité dans les lieux de formation : Théâtre Cadi Ayyad, la maison des Jeunes de Taboula, celle de Houmane El Fetouaki et celle de Zerktouni.
La réflexion sur le théâtre à l’Agora
L’espace Agora n’est pas omis du programme du festival. Au menu du débat une conférence sur la thématique de la scénographie aura lieu « Le métier du scénographe et les questions de la création théâtrale au Maroc »
Un choix pertinemment judicieux du comité scientifique dont Issam EL YOUSFI, Tarik RIBH et Mahmoud CHAHDI ayant pour objectif de donner ses titres de noblesses au scénographe comme étant l’architecte des formes et des volumes, le concepteur des objets, des couleurs, des lumières et des textures et le poseur du décor. Sur quatre axes les conférenciers sont appelés à intervenir sur la relation qui relie 1. Le scénographe à l’écrivain; 2. Le scénographe au metteur en scène; 3. Le scénographe à l’acteur; 4. Le scénographe au spectateur.
Parmi les nouveautés de cette édition les organisateurs ont jugé bon d’octroyer leur première chance aux novices de la mise en scène dans les rangs des lauréats de l’ISADAC. Ainsi le festival offre à cinq jeunes isadaquiens l’occasion d’expérimenter des mises en scène, en dehors de la compétition officielle au complexe culturel RIAD SULTAN à Tanger, une remarquable opportunité pour brosser leur talent, renforcer l’estime de soi, développer des compétences et des performances, communiquer avec les autres via la créativité, enfin prendre des décisions dans son projet artistique au sein de sa troupe de théâtre.
Le théâtre de rue, où le public avec sa dynamique devient un acteur participatif dans les représentations, sera au programme aussi. Quand les artistes interviennent dans l’espace public, ils sont conscients qu’ils sont dans un espace de communication, de la vie mondaine et civile, de la naissance de l’opinion publique, d’échange de discours ambivalent et ambiant.
La particularité des arts de la rue en tant que genre proprement dit, mérite que les critiques d’art et les chercheurs s’y intéressent vu ses spécificités, son identité mais aussi sa quête d’une reconnaissance dans le champ culturel.
Sur ce, par la même occasion quatre troupes vont évoluer dans les espaces publics ouverts -Place ELFADDAN Jdid– selon le principe de rapprocher et déplacer le spectacle vers le public pour créer une sorte de complicité avec lui : 1- OverBoys Original dans “Lafraja “ 2- La Cie Zid avec “TARO” 3- Cie Haraka avec “MICRO Trottoir” 4- Cie ColoKolo dans “ Chouf Le Ciel”.
Le festival national du théâtre est le fruit des efforts conjugués de plusieurs volontés qui ont foi au quatrième art comme étant l’art le plus étroitement lié à l’homme et à la société, par les questions et les problèmes qu’il soulève qui dépassent les limites de l’esthétique jusqu’aux enjeux philosophiques voire existentiels.