Le traité de Marrakech signé en 2013 n’a pas encore été ratifié par le Maroc

La célébration de la journée mondiale du Braille le 4 janvier remet sur la table l’entrée en vigueur au Maroc du Traité de Marrakech en faveur des non voyants. Il y’a 3 ans, précisément  en Juin 2013, le Royaume signait à Marrakech «le traité visant à faciliter l’accès des déficients visuels et des personnes ayant des difficultés de lecture des textes imprimés aux œuvres publiées». Il s’agit de restrictions faites aux droits d’auteur pour reproduire les livres déjà publiés dans des formats accessibles aux déficients visuels. Trois ans plus tard, le Maroc n’a toujours pas ratifié ce traité. Et pourtant, celui-ci devrait mettre fin à la famine des livres chez les déficients visuels, sachant qu’aujourd’hui, seulement 1 à 7% des œuvres publiées dans le monde sont disponibles en braille. Une situation dont souffrent les étudiants, enseignants et intellectuels non voyants. Az El Arab Idrissi Regragui, président fondateur de Ligue Braille Maroc, ayant le statut d’observateur lors de la conférence diplomatique de Marrakech qui a vu l’adoption de ce traité, revient sur les défis de l’application de ce traité, sa non ratification par le Maroc et son impact sur les personnes souffrant de déficience visuelle.

A Bayane : Si le braille a été développé depuis longtemps, il est encore méconnu aujourd’hui. Que peut-on faire avec le Braille?

Az El Arab Idrissi Regragui : Le braille est un système pour apprendre à lire, écrire,  compter, faire des mathématiques, de la musique. C’est un moyen d’autonomie, d’indépendance et de participation. Apprendre le braille ne se limite pas uniquement à l’école. C’est un moyen qui nous donne la possibilité d’être indépendant, de participer et d’avoir une place  dans la société. C’est un code qui permet d’être autonome, d’avoir des aptitudes d’apprentissage et de développer son savoir.

Les nouvelles technologies ont permis de créer des appareils électroniques qui produisent du code braille dynamique. Ce sont des points qui apparaissent sur une plage mais qui sont éphémères. Ce n’est pas quelque chose que l’on peut tenir sur ses doigts et lire tranquillement. La technologie a effectivement aidé à prendre des notes sous forme électronique, à apprendre surtout l’informatique. C’est un support qui peut consolider le braille. Toutefois, il ne peut en aucun cas le remplacer. Grâce aux supports audio, on peut certes écouter des livres, mais on a quelque fois du mal à comprendre l’orthographe d’un mot, à saisir les ponctuations existantes. Le braille est une précision qui nous permet de faire cela. On peut l’utiliser partout : lire, noter des adresses, faire sa liste des courses. On devient autonome et ainsi on peut participer activement à la société.

Qu’en est-il du braille dans les administrations marocaines?

Le Braille est un moyen de communication. Il a été évoqué plusieurs fois dans la Convention relative aux droits des personnes handicapées que le Maroc a ratifiée en 2009. Dans cette convention, au moins quatre articles : l’article 2, 9, 21 et 24 parlent clairement de l’importance du braille pour donner l’accès à l’information à tous les déficients visuels. Si un non voyant se rend dans une administration, il doit avoir plus de possibilités pour obtenir l’information qu’il veut, avoir des supports en braille pour pouvoir prendre des notes et atteindre son objectif. Pour ceux qui travaillent, ils doivent avoir un poste aménagé, une plage braille pour ordinateur leur permettant d’exercer en toute autonomie et combler leurs besoins administratifs. Par ailleurs, les déficients visuels doivent pouvoir aller dans les établissements publics ouverts à tous, y trouver des affichages en braille et obtenir toutes les informations dont ils ont besoin.  Malheureusement,  au Maroc, on est encore loin de cela.

Le Maroc est signataire du traité de Marrakech visant à faciliter l’accès des déficients visuels et des personnes ayant des difficultés de lecture des textes imprimés aux œuvres publiées. Qu’en est-il de l’application de ce traité au Maroc aujourd’hui?

Pour essayer de faire avancer les choses, en 2013, ici au Maroc, s’est tenue à Marrakech une conférence diplomatique qui a vu la signature du traité visant à faciliter l’accès des déficients visuels aux œuvres publiées. C’est une convention qui permet aux déficients visuels d’avoir accès à la documentation, aux documents imprimés. Il s’agit de restrictions aux droits d’auteur au profit des déficients visuels. Ce traité a été signé ici par le Maroc en juin 2013 et n’est entré en application qu’à partir de septembre dernier. Il y’a plus de 25 pays qui l’ont ratifié. Malheureusement, le Maroc ne l’a pas encore fait. Nous avons déjà demandé au gouvernement d’accélérer la procédure pour que ce traité rentre en vigueur. Les étudiants, enseignants et professeurs déficients visuels ont besoin de livres en braille. Il n’y a même pas 1% de livres imprimés en braille dans les pays en voie de développement. Vous pouvez aller dans les grandes bibliothèques, mais vous ne trouverez aucune référence en braille. C’est un appel au gouvernement à accélérer la procédure pour la ratification de ce traité. En effet, ces pays qui ont ratifié le traité ont assez de livres et de documents écrits en braille. Nous pouvons importer ces livres et documents à partir de ces pays et les faire circuler au Maroc.

Ce traité permet l’importation et l’exportation des ouvrages publiés et reproduits en braille entre les pays signataires. Ces livres peuvent passer entre les frontières gratuitement. Donc plus il y’a de pays qui ratifient ce traité, plus il y’a de reproduction et plus il y’a d’accessibilité pour avoir ces documents. Cela permettra aux étudiants et intellectuels déficients visuels, dans un esprit d’égalité de chances et de non discrimination, d’avoir accès à ces informations et leur faciliter la communication.

D’après vous, qu’est ce qui freine aujourd’hui la ratification de ce traité par le Maroc?

Concrètement, il y’a quelques soucis par rapport aux auteurs. Cela doit se faire sur la base d’un certain règlement afin que ces ouvrages qui seront reproduits ne soient destinés qu’aux étudiants présentant une déficience visuelle et non à d’autres fins, juste pour des besoins de savoir et non pour être revendus. Il faudrait sensibiliser les auteurs et les maisons d’éditions à l’importance de ce traité. Nous sommes bien d’accord qu’ils doivent garder leurs droits. De ce fait, s’ils donnent leur autorisation, il faudrait que cela soit bien réglementé et que les ouvrages reproduits ne soient destinés qu’aux déficients visuels. On pourrait par exemple les mettre dans des bibliothèques où des déficients visuels pourraient venir les consulter. On pourrait également trouver une formule qui permettrait de faire le contrôle.

Selon ce traité, quelles sont les institutions chargées aujourd’hui de reproduire les ouvrages publiés en braille?

D’après le traité, les ouvrages peuvent être reproduits par les bibliothèques nationales ou par les organisations reconnues et ayant la possibilité de transcrire et reproduire des documents en braille. Ce sont ces deux entités qui ont cette possibilité mais il faut penser à une commission qui mettra en place un instrument pour l’exécution de ce traité. Avant tout cela, il faudrait que l’Etat se décide à ratifier le traité parce qu’il y’a un grand manque même au niveau des livres scolaires de physique, mathématiques, sciences naturelles, des romans adaptés aux déficients visuels.

Danielle Engolo

 

Le Braille, un système d’autonomie

Le braille a été créé en 1825  par Louis Braille. A l’âge de 3 ans, Louis Braille devient aveugle à la suite d’un accident. Avec son père, il invente un système sous forme d’une cellule de 6 points ordonnés de gauche à droite et se lisant dans le même sens. Le premier point se trouve au sommet à gauche. S’en suivent le point 2, le point 3, le point 4, le point 5 et le point 6. Avec ces petits points, il est possible de faire 63 combinaisons avec lesquelles, on peut écrire toutes les lettres alphabétiques, la ponctuation, les signes numériques, les codes musicaux.

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