Les réels enjeux, pour un accès équitable

Les médicaments génériques 

Ouardirhi Abdelaziz

Soulever le problème de la prise en charge des malades fait obligatoirement référence aux médicaments qui sont des produits stratégiques dans la promotion de la santé.

Mais voilà que ces mêmes médicaments sensés apaiser, soulager, contribuer à la restauration des états de santé déficients des malades, sont parfois hors de portée de ces mêmes malades et plus particulièrement celles et ceux qui sont pauvres. Pourtant, il existe des médicaments efficaces et pas trop chers. Il s’agit des médicaments dits génériques. De quoi s’agit-il ? On vous explique.

Qu’est-ce que le médicament générique ?  

La définition Marocaine du médicament générique est contenue dans la loi 17/ 04 du code du médicament et de la pharmacie, dans son article 3 aliéna 5. Définition : « on entend par spécialité générique d’une autre spécialité, une spécialité qui a la même composition qualitative et quantitative en principes actifs, la même forme pharmaceutique, et dont la bioéquivalence avec la spécialité de référence a été démontrée par des études appropriées de biodisponibilité. »

Les médicaments génériques existent au Maroc depuis les années 70, et même pour certains médicaments, le générique a été introduit avant le princeps. C’est-à-dire issus de la molécule mère. Les effets thérapeutiques générés par les génériques sont similaires à ceux des princeps avec un avantage certain sur le coût intéressant tant pour le patient que pour les caisses de l’Assurance Maladie Obligatoire (AMO).

Des prescripteurs réticents

Ce qui devrait normalement et en toute bonne logique permettre un meilleur accès de tous aux médicaments et partant, d’une démocratisation de la santé. Sur le terrain, il en va autrement. Il faut dire que les génériques, ces  médicaments moins chers, n’ont pas la cote. Ils sont boudés, ignorés par  certains médecins, qui reprochent aux génériques des problèmes de tolérance (diarrhée, voire palpitations, sensation d’essoufflement) et d’efficacité, problèmes qu’ils attribuent au conditionnement, différent du médicament générique (gélule au lieu du comprimé habituel, enrobage différent du médicament modifiant son goût, son absorption ou sa conservation, etc.).

Mais cette réticence est aussi motivée par des considérations que tout un chacun connait. Et dans ce registre, certains laboratoires fabricants de médicaments princeps utilisent des méthodes qui vont convaincre les plus hésitants…..    

Ceux qui en profitent

Le prix des médicaments au Maroc reste encore très élevé, ce qui  limite énormément l’accès des patients aux soins. Une situation choquante et pénalisante pour un grand nombre de nos concitoyens démunis.

Les Laboratoires fabricants ces médicaments ont toujours eu le monopole de ces produits, ils agissaient comme bon leur semble, même en ce qui concerne les prix. Pour justifier les hausses constantes, ils mettaient en avant l’argument de la cherté des matières premières ….

Bref, les fabricants s’en mettent plein les poches depuis des décennies. Le malade  c’est le dernier de leur souci. Les grossistes arrivent en seconde position. Ils se sucrent également les fraises au passage, toujours sur le dos des malades. Et puis, comme il n’y a pas deux sans trois, il y a les pharmaciens qui empochent 30 %  du prix du médicament et c’est encore une énième fois le patient qui casque. Maintenait, je comprends mieux pourquoi on l’appelle le « Patient ».

Médicament moins cher,   mais tout aussi efficace

Le nombre des produits vendu en pharmacie s’élève à prés de 5.000 spécialités, ce qui donne une idée sur les opportunités de gains qui sont réalisées par tous les intervenants. Il ne faut surtout pas venir nous raconter des histoires à dormir debout : des pharmaciens sont en faillite, d’autres sont en prison et autres balivernes.

Les pharmacies sont comme des supers marchés où le client va faire ses achats, chacun fait ses courses en fonction de ses moyens. Il y a des produits chers, qui sont hors de portée des petites bourses. Autrement dit, un riche va avoir un  accès aux médicaments plus facilement qu’un pauvre. Le riche va pouvoir se payer les molécules innovantes, qui vont lui permettre de guérir plus vite.

Pourtant, des solutions existent pour remédier un tant soit peu à ces anomalies. Parmi ces solutions, il y a le médicament générique qui coûte 30 à 50 % moins cher que le médicament dit original. C’est une solution qui a le mérite de permettre aux économiquement faibles, à ceux qui ont des revenus modestes de pouvoir se faire correctement soigner en ayant accès à des médicaments efficaces, qui ont toutes les garanties dont la fameuse (A.M.M), la bioéquivalence ……

Prescription justifiée, et utilisation rationnelle du médicament

 Pour bien comprendre les réels enjeux que représentent les médicaments génériques, il nous faut savoir par exemple que ceux-ci occupent une place très importante dans l’arsenal thérapeutique de nombreux pays riches, qui accordent une place importante aux génériques. Ce qui permet de soigner le plus grand nombre possible, et qui contribuent grandement à assurer un équilibre des dépenses des assurances maladies.    

A titre d’exemple, les médicaments génériques représentaient 56 % de l’ensemble des médicaments en Allemagne et 64 % en Grande Bretagne en termes d’unités. Ce taux était de 63 % aux USA et ce malgré la présence d’un lobby important des laboratoires pharmaceutiques. En termes de dépenses, ces génériques représentaient à peine 22 à 26 %.

Au Maroc, le poste médicaments représente 34 % des dépenses globales de santé. Ce chiffre cache plusieurs réalités : Les prix des médicaments sont trop chers 

–   Un recours faible aux médicaments génériques qui ne dépassent pas 25%                                        

–   70% des médicaments sont achetés en officines sans consultation médicales préalables.

Exception faite du ministère de la Santé qui déploie de très grands efforts pour développer la culture du générique au Maroc et de certains laboratoires génériques.  Il est évident que le développement des médicaments génériques au Maroc reste entier.

Au moment où notre pays met en place la couverture médicale universelle (CMU), ce qui va permettre à des millions et millions de nos concitoyens d’avoir un meilleur accès aux médicaments. Il est très souhaitable que les professionnels de santé s’impliquent encore plus dans la politique du médicament, avec sagesse, pondération, en particulier les prescripteurs et certains assurés, en vue d’adapter leur comportement respectif pour une prescription justifiée, et une utilisation rationnelle du médicaments.

Au final, à bien y regarder et à analyser le médicament générique sous ses différents angles, il est très clair que tout le monde est gagnant. Il s’agit pour le prescripteur, malades, caisses d’assurances maladies, ANAM de contribuer à une action citoyenne qui profite à tous.

Pour les malades, il va de soi que l’utilisation des médicaments génériques contribuera grandement à développer et préserver l’assurance maladie obligatoire. Pour les organismes gestionnaires de l’assurance maladie (CNOPS et CNSS), cela permettra de préserver l’équilibre de leurs budgets.

Pour les médecins qui sont les prescripteurs, cela leur permettra de soigner plus de patients et de mieux orienter les ressources financières de l’AMO.

Pour les pharmaciens, de se repositionner comme acteurs essentiels du circuit du médicament.

Pour les industriels, de pouvoir discuter avec les autorités de la politique du prix du médicament.

Mais là, c’est tout un chantier  poussiéreux,  qu’il va falloir dès aujourd’hui remettre à l’ordre du jour. C’est un défi constant.

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