Moins de stars, plus de cinéphilie

La touche égyptienne du voyage commence dès l’avion ; le commandant de bord adresse aux «voyageurs marocains ses meilleurs vœux  à l’occasion de la fête de l’indépendance» ; il faut le faire ! Et il termine son speech de bienvenue à bord par un vibrant «tahya mesr», oui vive l’Egypte. L’avion lui, est plutôt sous le signe de la Cop 22 avec le retour chez elles des délégations ayant assisté au rendez-vous climatique de la ville ocre. Mes compagnons de vol sont par exemple des Ethiopiens qui ne cachent pas leur admiration pour notre pays.

Arrivé à l’heure, nocturne, au Caire, l’immense aéroport ne grouille pas de monde. Les temps sont difficiles. Le festival de cinéma du Caire, qui a démarré il y a quelques jours, en est aussi une illustration. Notamment avec la quasi absence de stars internationales.  Au pays qui a connu l’âge d’or du star-système, cela relève presque de la frustration : la  38e édition du festival international du film du Caire  a choisi en effet un profil bas : fini le temps des mégas stars invitées à grands frais. «Nous avons opté de mettre en valeur les stars de l’ombre, celles qui sont souvent derrière la caméra, les réalisateurs en particulier», a souligné Madame Magda Wassef, présidente du festival depuis deux ans. Grande cinéphile, critique de cinéma, ancienne «Madame cinéma» de l’Institut du Monde arabe à Paris où elle avait initié notamment une semaine du film arabe, a apporté une  touche sobre et  plus cinéphile. Cela  semble déjà  marquer son mandat. Elle s’est entourée dans ce sens d’un grand critique de cinéma, Cherif  Rizk Allah, comme directeur artistique.

Les deux ont en outre cette qualité rare au pays des pharaons, ils sont francophones ! Moins de stars donc cette année, les temps sont difficiles pour tout le monde…le festival a en outre recentré ses activités vers le centre ville et la maison de l’Opéra a été élue siège du festival ; accueillant notamment l’ouverture et la clôture loi des fastes des éditions précédentes.  « Dar l’opéra »  est un vaste complexe multi-services relevant du ministère de la culture. On y retrouve la grande salle de l’opéra qui accueille les projections officielles mais de nombreux musées et centre de recherches. Situé près du Nil à quelques pas  de la gigantesque statue de Saad Zaghloul, le lieu ne semble pas réussir au festival du point de vue de l’affluence.

Certaines projections se déroulent presque à huis clos ; j’ai été moi-même le seul spectateur dans une salle de plus de 400 places d’un film chinois présenté dans le cadre du panorama du nouveau cinéma chinois. Des observateurs internationaux imputent cela à la multiplication du nombre de sections et de films. Il y a, en effet, pas moins d’une dizaine de sections et de programmes parallèles.  Au total, cette année ce sont plus de 300 films qui seront projetés. Seul le festival de Toronto, qui est plutôt un marché, a autant de projections.

Le Maroc est présent à plusieurs niveaux. Sarim Fassi Fihri a présenté l’expérience marocaine dans le cadre d’un colloque sur la législation au cinéma. Ahmed Boulane est membre du jury Horizons du cinéma arabe où concourt le film Petits bonheurs de Mohamed Cherif Tribak.

Pour la compétition officielle, le Maroc est plutôt présent par une coproduction Mimosas, coproduit par Lamia Chraibi et qui sera présenté lors de la prochaine édition du festival de Marrakech.

Le comédien Omar Lotfi est également présent au Caire où il fait partie du jury Cinéma de demain. Un hommage posthume a été rendu dimanche dernier au critique de cinéma et écrivain Mostafa Mesnaoui décédé l’an dernier lors de la précédente édition du festival du Caire.  Les livres que le festival du Caire aima beaucoup.

Dans le sac officiel distribué aux invités, les organisateurs ne se contentent pas du classique catalogue officiel, il y a aussi une dizaine de publications sur différents thèmes abordés par le festival (des livres hommages à Mesnaoui, Mohamed Khan, au cinéma chinois, au printemps arabe…).

Séquence de pèlerinage en marge du cinéma  à un lieu hautement symbolique, la célèbre Place Tahrir, centre névralgique de la ville et point nodal de la révolution depuis 2011. Aucun geste de mémoire à l’égard de ce moment historique alors que la ville regorge de symboles historiques pour des personnalités ou d’autres événements importants ; la place reprend sa vie paisible de carrefour du trafic, et centre administratif de la capitale. Le peuple égyptien vaque à ses occupations quotidiennes dans la sérénité. Face aux aléas de la vie, aux lourdeurs administratives, ce magnifique peuple dispose d’une arme défensive stratégique, la bonne humeur. Et le Maroc et son Roi notamment jouissent d’une grande estime. «Vous avez le meilleur chef d’Etat du monde», me dit tout naturellement un jeune représentant de l‘organisation.

Mohammed Bakrim

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