Il n’y plus d’informations ! Ni sur le sport, ni sur le cinéma ni sur les variétés, ni… sauf pour en parler dans le contexte de la pandémie qui englobe le monde dans sa sphère infernale. Le Covid 19 monopolise l’espace médiatique. Le confinement décrété dans plusieurs pays a encore renforcé cette tendance à l’enfermement dans le sujet unique.
Quelques statistiques donnent l’ampleur de ce phénomène médiatique inédit. En France, par exemple, on a relevé au mois de mars que 19 000 articles par jour ont été consacrés à la pandémie. Du 1er janvier 20120 au 19 mars, 250 765 articles sont publiés sur le sujet. Lors des deux jours qui ont annoncé le confinement, toujours en France, c’est-à-dire les 16 et 17 mars, 40% de la production journalistique a été consacré à l’annonce de cette décision. Globalement, à la télévision le temps d’antenne ce sont 378 heures d’informations sur le sujet. Tout simplement du jamais vu ; vertigineux et historique. Le covid 19 s’impose dans toutes les typologies de presse, dans toutes les rubriques, dans toutes les émissions.
Les spécialistes de l’analyse du discours médiatique ont forgé un terme pour décrire ce tsunami informatif. Ils parlent d’un «Blast» : c’est-à-dire un événement qui efface tous les repères traditionnels, toutes les grilles, et presque toutes les informations. Certes, le phénomène n’est pas absolument nouveau puisque il y a eu des événements similaires qui ont monopolisé l’espace médiatique…mais la différence c’est sur la durée. Il y a eu des précédents mais à la durée limitée, par contre avec ce virus cela dure encore et encore.
Les médias sociaux sont devenus le support principal de l’information domestique, davantage encore depuis le confinement. Une étude internationale a montré que la navigation sur le Web a augmenté de 70 % dans le monde. « L’engagement dans les médias sociaux a augmenté de 61% ». Le grand gagnant dans cette explosion médiatique est Whatsapp qui a vu son utilisation augmenter de 40%.
Au Maroc, en l’absence de statistiques fiables, on peut constater néanmoins le même phénomène pour ce qui de l’usage du Web et des réseaux sociaux. Les Marocains, toutes générations confondues étaient déjà dans l’air du temps avec pratiquement une addiction aux nouveaux médias électroniques notamment Whatsapp. En face, la télévision « classique» fait de la résistance et semble réussir son examen de passage notamment le J.T de 21h de la première chaîne (avec une brillante Nadia Elmouden et une valeur prometteuse Mariam Aloufir). C’est un journal complet avec une reconfiguration éditoriale qui a été rapidement adaptée à la situation.
Les couvertures régionales de l’évolution de la pandémie et des mesures prises ont le souci de se déployer sur l’ensemble de la carte du Maroc : de Jerada… à Dakhla…, Tinghir…L’angle étant bien sûr de rassurer, de tranquilliser, de développer une image d’un Maroc idyllique où les rayons des magasins sont bien garnis, les masques hygiéniques disponibles et à bon marché et où les policiers sont accueillis dans les quartiers au rythme de l’hymne national…
Sur la 2, Salah Elghoumari s’est trouvé une nouvelle identité avec sa nouvelle (é)mission qu’il réussit très bien, très pédagogique tranchant avec la langue de bois et un tabou de la télévision concernant la gestion temporelle qui régit ce média en affirmant «on est prêt à répéter autant qu’il le faut pour passer le message». Oui, en effet, il était temps que la télévision (publique) retrouve une logique de discours émancipé des contraintes des annonceurs.
La presse écrite est la victime collatérale de la pandémie. Déjà moribonde, elle subit de plein fouet les conséquences du rétrécissement de son espace vital, le lectorat, le retrait des annonceurs. L’annulation des activités et des événements publics limite sa fonction de relais. Le passage au télétravail et aux seules versions numériques auront des conséquences stratégiques sur son devenir. Non seulement c’est un modèle économique qui va être remis en question, mais c’est la configuration même de la profession qui sera appelée à connaître une profonde mutation. Le tout numérique n’en est qu’un des principaux aspects accéléré aujourd’hui par le virus.