Rapprochement stratégique entre la Chine et les Talibans

Attendons pour voir…

Nabil Bousaadi

S’il n’y a plus aucun soldat étranger en Afghanistan depuis qu’il a été repris par les Talibans le 15 Août dernier, le drapeau chinois flotte toujours dans le ciel de Kaboul et le 2 septembre la diplomatie chinoise a eu un entretien téléphonique avec les nouveaux maîtres du pays.

Au cours de cet entretien, Pékin, 2ème puissance économique mondiale, soucieuse de protéger ses intérêts dans la région, a promis de maintenir ouverte son ambassade à Kaboul et d’augmenter son aide à l’Afghanistan à condition, toutefois, que soit préservée la stabilité du pays.

Est-ce à dire qu’après le départ des soviétiques et des américains, les chinois chercheraient à « contrôler » l’Afghanistan à leur manière ?

Ce n’est point là l’avis de Valérie Niquet, chercheuse à la Fondation pour la Recherche stratégique et spécialiste de l’Asie qui considère, pour sa part, que nous sommes en présence d’ « un jeu de rapport de force où, d’une façon assez cynique, le régime va essayer de profiter de la situation ».

Quoiqu’il en soit, les chinois, qui ont toujours entretenu des relations « très ambigües » avec les Talibans puisqu’ils furent, parmi les rares pays à dialoguer avec eux lorsqu’ils prirent le pouvoir en 1996 avant de s’en écarter en se positionnant du côté des puissances occidentales après les attaques du 11 septembre 2001, ont saisi l’occasion du retour des fondamentalistes religieux aux commandes du pays pour s’en rapprocher, de nouveau, vingt années plus tard.

Ainsi, c’est lors d’une rencontre qui eût lieu à Tianjin en Chine, en Juillet dernier, que l’empire du milieu a officialisé sa relation avec les Talibans. Au cours de cette entrevue, Wang Yi, le chef de la diplomatie chinoise, avait qualifié les insurgés afghans de « force militaire et politique essentielle » et, comme le rappellera Antoine Bondaz, chercheur à la Fondation pour la recherche stratégique,  ces derniers s’étaient engagés « à ne pas soutenir les forces qui iraient à l’encontre des intérêts chinois en échange d’une aide à la reconstruction du pays si la situation y est stable » ; une stabilité d’autant plus nécessaire que si l’Afghanistan s’embrase, cela va, incontestablement, éclabousser le Pakistan qui reste, pour Pékin, un important partenaire économique.

Mais le rapprochement entre la Chine et les Talibans n’est pas lié aux seules questions économiques, comme d’aucuns pourraient le croire, car en partageant une frontière de 76 kilomètres avec l’Afghanistan, Pékin craint fort que ce pays ne devienne un refuge pour les séparatistes de la région autonome ouïghour du Xinjiang et envisagerait même de réclamer le rapatriement des quelques 3.000 réfugiés ouïghours qui s’y étaient installés dans les années 1970.

Or, à en croire Antoine Bondaz, si la Chine venait à évoquer cette question, elle mettrait les Talibans au-devant d’une importante contradiction car si ces derniers ont toujours officiellement déclaré « vouloir soutenir les kashmiris musulmans en Inde », ils vont éprouver de grandes difficultés à coopérer efficacement avec la Chine pour l’aider à récupérer « ses » ouïghours ».

Mais comme les Talibans n’ont pas les moyens de choisir leurs alliés du fait de leur isolement sur la scène internationale, ils seront obligés de respecter leurs engagements vis-à-vis de Pékin ; ce qui, d’un autre côté, reste, pour eux, le seul moyen de montrer au monde entier qu’un grand pays comme la Chine les soutient et, par la même occasion,  de renforcer leur légitimité à l’étranger.

Aussi, même si les caisses de l’Etat sont vides et que l’économie du pays est exsangue, la Chine ne fait preuve d’aucun empressement car en craignant que les combats qui ont actuellement cours dans la vallée du Panchir ne soient le prélude à une nouvelle guerre civile, elle préfère attendre de voir qui contrôlera réellement le pays.

Est-il possible que les Talibans soient évincés avant même de prendre réellement en main les rênes du pays ? Attendons pour voir… 

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