Un contrôle aux abonnés absents

En matière de réglementation, les centres de langues et communication sont régis par la loi 06. 00 portant statut de l’enseignement scolaire privé au Maroc. Toutefois, son application et le suivi de sa mise en œuvre se heurtent à plusieurs contraintes, notamment la multiplicité des intervenants, la pénurie des inspecteurs au Maroc…

Les centres de langues et communication sont traités au même titre que les écoles privées. Ils sont soumis à la même réglementation tel que prévu dans l’article 1 de la loi 06.00 qui intègre l’enseignement des langues dans la liste des établissements scolaires privés, excepté les centres de langues internationaux qui sont régis par les accords de coopération entre le Maroc et les pays concernés, explique à Al Bayane, Tazi Malak, directeur adjoint à la direction de l’enseignement privé, au ministère de l’éducation nationale. Ainsi, « aucun centre ne peut exercer, sans l’aval préalable ou l’autorisation de l’académie régionale concernée », insiste-t-il.

En effet, conformément à la législation en vigueur, les demandes de création des centres de langues sont soumises à différents interlocuteurs, en fonction de la population cible, nous explique-t-il. Ainsi, si le centre cible les enfants et adolescents, il faudra s’adresser au ministère de l’éducation nationale ; s’il s’intéresse plutôt aux adultes et professionnels, la demande s’adressera plutôt au ministère de l’enseignement supérieur et de la formation professionnelle. «Aujourd’hui, nous ne pouvons pas donner avec exactitude le nombre de centres de langues et communication sur l’ensemble du territoire, puisqu’ils sont répartis entre différents intervenants», confie le responsable.

Concernant les centres de langues ciblant les populations jeunes, l’octroi des autorisations par les Académie régionales de l’éducation et de la formation (AREF) qui dépendent du ministère de l’éducation nationale, est soumis à plusieurs critères et étapes. Pour créer un centre de langues à Casablanca, il faut se rendre à l’AREF de Casa-Settat qui met à la disposition de la personne désirant créer un centre de langues, un cahier de charges. Près de 7 documents sont également requis, entre autres le plan du lieu, l’accord de la commune, la CIN, la fiche technique. Après avoir déposé ces documents en trois exemplaires, une autorisation provisoire est délivrée.

Pour l’obtention de l’autorisation définitive d’ouverture, il faudra engager les travaux conformément au cahier de charges et déposer un dossier de 23 documents au niveau de l’AREF. Par la suite, une commission mixte se réunit au sein de l’AREF, composée d’un représentant de l’académie, du ministère de la santé, de la protection civile et de l’éducation nationale. Ce n’est qu’après leur consultation et vérification administrative et pédagogique du centre que l’autorisation est accordée. « Ils vérifient par exemple si le plan est respecté, de même que les surfaces, sachant par exemple que selon les standards du ministère, c’est 1,5m² par personne, à raison de 30 personnes maximum par salle », explique-t-il.

Le contrôle des centres, «une équation insolvable» ?

Tous les centres de langues, qu’ils soient internationaux ou pas, devraient être contrôlés de manière régulière par l’académie. Selon l’article 31, les centres internationaux sont soumis au contrôle de l’AREF quant à leur respect des clauses des accords conclus entre le Maroc et les gouvernements et organismes étrangers. Quant aux autres centres,  leur évaluation est stipulée par les articles 22 et 23 de la loi 06.00 qui prévoient un contrôle administratif, pédagogique et du rendement de ces établissements. Ces contrôles visent à vérifier si les normes d’équipements sont respectées, à évaluer le personnel pédagogique… «Chaque année, il y’a une note ministérielle que nous envoyons aux académies, pour demander qu’il y’ait au moins un contrôle par établissement par an et qu’ensuite, le bilan de ces contrôles soit envoyé au niveau central pour en faire une synthèse», explique notre interlocuteur. Si un contrôle par an est insuffisant pour des centres d’apprentissage de langues, celui-ci demeure toutefois irréalisable. La preuve, plusieurs défaillances sont enregistrées au niveau des centres de langues, qui ne mentionnent par exemple pas le numéro et la date de l’autorisation octroyée par l’académie sur leurs différents imprimés, flyers, tracts… comme le stipule l’article 6 de la loi 06.00.

En cause, le manque de personnel, l’insuffisance des inspecteurs, explique notre interlocuteur. « Le problème dans cette affaire, c’est le manque de personnel, notamment le manque d’inspecteurs. Un seul inspecteur est en charge d’un district tout entier. Il fait donc beaucoup de choses et ne pourrait donc pas être efficace pour assurer un contrôle effectif et vérifier tous les centres », explique-t-il. Et d’ajouter : «le contrôle des centres privés et de langues est une équation insolvable. On fait avec les moyens de bord. Par exemple, dans les régions du sud, où il y’a à peine quelques écoles et centres privés, il est évident de faire le contrôle. Mais dans une grande ville comme Casablanca, c’est difficile de le faire avec le nombre d’établissements qui existent». Le responsable du ministère de l’éducation nationale pointe également du doigt la multiplicité des intervenants, comme entrave à un contrôle effectif conformément à la loi. «Il y’a plusieurs intervenants dans ce domaine : formation professionnelle, enseignement supérieur, éducation nationale. C’est ça qui rend difficile le contrôle, car face à une situation, chacun avance que cela ne relève pas de son ressort», explique-t-il.

Pour remédier au déficit de contrôle des centres de langues et autres établissements scolaires privés, le responsable propose de s’inspirer du modèle anglais où les contrôles et évaluations de pareilles structures sont confiés au personnel privé (bureaux d’étude…) qui reçoit des autorisations pour exercer. «Nous devons nous acheminer vers ce genre de gouvernance», avance-t-il.  D’ailleurs, le ministère de tutelle pourrait bientôt, en partenariat avec le ministère de la justice, introduire la fonction d’«Assermentés». Affectés au niveau des directions provinciales, ils pourront combler le vide des inspecteurs et dresser des procès verbaux d’infraction au niveau des structures scolaires privées, pouvant donner lieu à des poursuites pénales, souligne notre interlocuteur. Bien plus, la loi 06.00 adoptée il y a 17 ans, devrait subir sous peu une réforme, pour être adaptée aux enjeux actuels, a également souligné le responsable.

Danielle Engolo

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