Par Kebir Mustapha Ammi
Il a dit :
Qu’ont-ils besoin de détruire ?
Et de détruire encore ?
Qu’ont-ils besoin d’oublier mon visage, mes gestes et ma voix?
Qu’ont-ils besoin de croire en mon absence quand je suis pourtant là devant eux?
Qu’ont-ils besoin d’oblitérer mes blessures et de jeter mes larmes aux chiens ?
Qu’ont-ils besoin d’oublier que je suis un homme comme eux ?
Ils m’ont tout pris et continuent de croire que la brutalité est leur meilleure alliée
Je suis un vieil homme et j’ai fait le serment de bâtir
Et de bâtir encore
Quand je n’aurai plus de forces
J’ai fait le serment
De bâtir
Sur le visage des absents
Sur leur front
Avec leurs larmes
Sur un champ de ruines
Je m’assois toujours
Sur cette pierre
Quand je suis las de marcher
Et tout à l’entour résonne de voix éteintes et de larmes
Je m’assois sur cette pierre
Où les doigts du souvenir réinventent pour moi une maison chaque soir
Je me souviens
D’une porte qui claque
D’un pas léger dans mon cœur
D’un rayon de lune dans les branches d’un arbre
Nous sommes partis
Pour rejoindre les errants
Sur une longue route
Sous un ciel sombre
J’ignorais que tout œuvrait dans l’âme obstinée d’un enfant
Pour que cet instant perdure et ne meure pas
Il a ajouté:
Aucun Dieu n’a bâti le monde à la gloire des plus forts
Combien de héros sont tombés de leurs stèles ?
Et combien de larmes faut-il verser encore
Pour que la raison retrouve la raison ?
Les vaincus d’aujourd’hui peuvent être les vainqueurs de demain
Le cynisme du temps est sans égal
L’ordre des jours n’est pas un cycle clos
Puis il a dit :
Ou la lumière apporte la joie
Au cœur qui la regarde et se laisse guider par elle
Ou elle n’est pas
Mais il n’y a personne pour entendre un vieil homme, un errant qui porte un ciel paisible et fraternel sur ses épaules sur une route tortueuse, longue et désespérée.