Librairie Agora: pour que le livre retrouve son aura

Mokhtar Chaoui*

Une nation sans livres est une nation sans âme ;  un peuple sans librairies est un peuple condamné à l’oubli. Voilà pourquoi les librairies doivent être déclarées d’utilité publique. Un pays sans librairies n’est rien d’autre qu’une coquille vide ; on a beau le rafistoler de l’extérieur, on a beau appliquer sur son visage des tonnes de mascara, on a beau l’orner de paillettes propagandistes dorées, on a beau le «photoshoper» avec la plus puissante des applications, il sonnera toujours creux car c’est toujours l’intérieur des êtres et des choses qui est à l’origine de l’authentique éclat.

Chez nous, les librairies sont aussi rares que l’intégrité. Il faut beaucoup chercher pour les dénicher. Nombre d’entre elles ont disparu, soit converties en cafés ou en restaurants-chawarma ; soit en papèteries focalisées sur les rentrées scolaires et survivant le reste de l’année grâce à la vente des stylos, cahiers, rames de papiers et surtout recharges téléphoniques et photocopies. Les libraires qui s’accrochent à  leur métier, contre vents et marées, et qui continuent de souffrir la désertion du lectorat sont véritablement les Donquichottes des temps modernes. Garder une librairie ouverte ou inaugurer une nouvelle est un acte militant qui doit être salué comme il se doit. Voilà pourquoi l’ouverture de la nouvelle librairie Agora à Tétouan ne doit pas passer sous silence. Elle va à l’encontre de la conjoncture actuelle qui ne jure que par les réseaux sociaux, terreaux de la médiocratie, et ne cesse de ruiner les libraires, de déconsidérer la lecture et de décapiter la culture.

De nos jours, il faut être véritablement un passionné du livre, ou un fou doublé d’un masochiste, pour ouvrir une nouvelle librairie. C’est le cas d’Abdelaziz Sbaï qui est un amoureux des livres depuis toujours, qui est fou à sa manière, car il faut être fou à lier pour acquérir un local aussi spacieux, aussi cher, et le convertir en librairie alors que n’importe quel autre commerce lui rapporterait des millions.

L’ouverture de la librairie Agora, dont l’inauguration officielle est prévue pour le 2 novembre 2021, est donc une bouffée d’air frais et une nouvelle opportunité pour les mordus de culture, car Agora ne se limitera pas à vendre des livres, elle sera un haut lieu de culture avec des rencontres littéraires, des signatures-dédicaces, des séminaires, des expositions, etc.

Les Tétouanais sont véritablement chanceux de disposer de ce nouveau joyau en plein centre-ville. Il leur reste à l’honorer avec leur présence et à contribuer à la renaissance de la culture en général et de la lecture en particulier.

Alors soyons digne d’Agora

et sagesse plus intelligence

le bon Dieu de la culture nous accordera.

* universitaire et écrivain

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