Quelle médecine voulons-nous pour les Marocains ?

Système National de Santé

Ouardirhi Abdelaziz

Pour qu’un système de santé puisse fonctionner, il est essentiel qu’il dispose de ressources humaines qualifiées en nombre suffisant, de matériels et technologies, de structures adaptées, et d’un financement qui soit à même de répondre aux divers et multiples besoins nécessaires pour la bonne marche des hôpitaux, et des services de soins de santé.

Pénuries de personnels

Bien avant le début de la pandémie de Covid au mois de mars 2020, nous avons sur ces mêmes colonnes attiré l’attention des décideurs, des responsables du ministère de la Santé sur la pénurie liée aux personnels de santé (médecins-infirmiers), à laquelle se trouvait  confronté notre système de santé.

Quand le coronavirus a étendu ses tentacules sur l’ensemble du territoire national, et que pratiquement toutes les régions, toutes les villes ont commencé à enregistrer des cas de Covid par centaine, les structures hospitalières se sont retrouvées face à des flux de malades de plus en plus nombreux.

Les médecins et les infirmiers en nombre insuffisant, se sont retrouvés face à des surcharges de travail éreintantes et rebutantes.

Pour résumer, nous disons que la crise de la covid-19 a mis en évidence le problème profondément ancré des pénuries de personnels dont ne cesse de pâtir notre pays à ce jour.

Les leçons de la pandémie

Si, il y a une chose que cette pandémie Covid m’a appris, et permis de voir bien en face, c’est sans conteste le rôle essentiel joué par les personnels de santé qui étaient en première ligne tels des soldats en blouses blanches pour combattre un ennemi invisible.

Grace à leurs actions continues dans le temps, à leur savoir et grande maitrise de l’art de soigner, les infirmiers, les infirmières, les médecins, ont pu sauver de milliers de vies, souvent au détriment de leur propre santé. C’est pourquoi  nous ne devons pas oublier qu’au Maroc, plusieurs médecins et infirmiers ont payé le prix fort pendant cette pandémie. Il nous appartient de rendre hommage à ces professionnels de santé, de reconnaitre leur dévouement, leur aide et soutien, leur engagement total auprès des malades.

La deuxième chose que cette pandémie m’a appris, c’est que l’Etat a fait preuve de laxisme pendant des années, en ce qui concerne l’augmentation des postes budgétaires au département de la Santé, arguant à chaque fois des contraintes budgétaires.

Cette augmentation aurait permis depuis plus de 15 ans d’augmenter les effectifs des hôpitaux et le nombre de lits dans les services d’urgence.

Finalement cette pandémie de la Covid-19, avec tous les malheurs, toutes les victimes, les morts entrainés, a réussi à mettre à nu la pénurie chronique des médecins et des infirmiers dont souffre le Maroc depuis plus de 20 ans.

Des besoins à combler

Il est utile de rappeler que le nombre de médecins exerçant au niveau des établissements publics de santé est à peine de 12.454 dont 3.616 généralistes, 8.337 spécialistes.

Quand au personnel infirmier  et techniciens de santé, qui exercent dans le secteur public, leur nombre est de 33.837.  Le ministre de la Santé, le professeur Ait Talab khaled, c’est exprimé sur cette question de pénurie. Il a reconnu lui-même que pour répondre aux besoins de santé de notre population, le Maroc a besoin de 32.000 médecins et 65.000 infirmiers.

Exceptionnellement, Covid oblige le projet de loi de finances (PLF) au titre de l’exercice 2022 a alloué 23,5 milliards de dirhams, une hausse de 19 % par rapport à 2021. Il s’agit du budget de fonctionnement et d’investissement.

Quelle médecine pour les Marocains ?

Comme on le constate, le besoin est énorme comparativement à l’enveloppe budgétaire qui est accordée au ministère de la Santé.

Le ministère des Finances octroie des postes budgétaires au compte goutte : 5.000 au total pour recruter des médecins (des généralistes, des spécialistes), des infirmiers, des sages-femmes, des auxiliaires, des ambulanciers, des agents de service, des administratifs …

Face à cette situation que la raison ne peut accepter, face à cette réalité choquante et pénalisante, on est en droit de se poser la question de savoir : quelle santé peut-on offrir aux citoyens Marocains ?

De nombreux pays de la région et subsahariens consacrent des budgets conséquents pour la santé de leurs citoyens, et sont même en avance sur nous concernant la couverture médicale universelle.

Les soins de santé coutent très chers, la haute technologie aussi, les médicaments, les réactifs, les appareils, les infrastructures et tant d’autres éléments nécessaires pour la santé, représentent des dépenses conséquentes, et ce n’est pas l’actuel budget de la santé qui permettra de répondre efficacement à toutes les demandes de soins de santé de notre population, sachant que plus de 15 millions ne disposent pas de couverture sanitaire de type AMO ou autres . 

Il ne fait aucun doute qu’avec un budget de 7 %  de celui de l’Etat, ce ne sera qu’une médecine au rabais.

L’OMS préconise que le budget soit de  12 %, ce qui n’a jamais été le cas depuis 1956, une situation qui est due à une politique qui considère que le secteur de la santé publique n’est pas productif. Partant de ce préalable qui est en déphasage total avec la réalité, nos hôpitaux ont toujours été et demeurent des victimes de politiques financières qui suscitent des interrogations.

Une situation intenable pour certains établissements hospitaliers, qui peinent à assurer convenablement leurs tâches d’accueil et de soins des patients.

Et le secteur privé dans tout ca ? C’est un autre volet de la question, qui malheureusement est connu de tous, vu que ce secteur est préoccupé par  d’autres considérations. Et nous avons tous suivi l’attitude adoptée par certaines cliniques qui n’ont pas hésité à exiger des avances de 4 ou 6 millions et des chèques de garantie aux patients qui se trouvaient dans un état grave lors de cette pandémie ………

Top