Inflation : un rebond nettement marqué en 2021
Par Fairouz El Mouden
La vague de la hausse des prix se poursuit et s’intensifie d’un mois à l’autre. L’inflation atteint des niveaux jamais atteints et son évolution reste persistante en 2022. Plusieurs facteurs expliquent cette hausse des niveaux des prix selon le HCP. Les perspectives annoncent l’accentuation de cette hausse et son aggravation à l’image des perturbations des chaines d’approvisionnement, de la hausse nette des cours du baril de pétrole, des effets de la sécheresse et à l’évolution des tensions géopolitiques et la crise de l’Ukraine. Ainsi, des niveaux records ont été atteints en février 2022 avec des taux d’inflation allant jusqu’à 7,9% aux USA, de 5% dans la zone Euro, de 54,4% en Turquie et 3,6% au Maroc.
«L’inflation au sens de l’indice des prix à la consommation a atteint son plus haut niveau pendant le mois de février 2022 avec 3,6% en termes de glissement annuel. Cette hausse est due essentiellement à la hausse de l’indice des produits alimentaires de 5,5% et de celui des produits non alimentaires de 2,5%», indique le Haut commissariat au Plan dans sa dernière note relative à l’inflation.
De l’année 2000 à 2022…
A partir des années 2000, la hausse des prix à la consommation a été sensiblement modérée dans la plupart des économies du monde entier, précise le HCP qui explique que cette évolution a été marquée par un recul du niveau de l’inflation au sein des pays de l’OCDE, passée de plus de 10% au début des années 80 à environ 2,0% aux années 2000. Ce niveau est passé à 4,0% en 2021, après 1,4% en 2000, soit le taux d’inflation le plus élevé depuis plus de 20 ans. Pour la zone Euro, le taux d’inflation a été de 2,6% en 2021 contre 0,3% en 2020. Pour les pays du G7, ce taux a été de 3,5% en 2021 contre 0,9% en 2020. Soit un niveau supérieur au seuil cible de 2,0%. Pour les économies non-OCDE, les taux d’inflation ont été respectivement pour les années 2021 et 2020 de 8,3%, contre 3,2% pour le Brésil, 0,9% contre 2,5% pour la Chine, 4,9% contre 5,6% pour l’Inde et de 6,7% contre 3,4% pour la Russie.
Le phénomène inflationniste est plus marqué depuis le début de l’année 2022 pour toucher toutes les économies avancées et émergentes. Ainsi, depuis avril 2021, les taux d’inflation en termes de glissement annuel ont dépassé le seuil de 2,0%. Ces taux ont atteint des niveaux record en février 2022. L’inflation a poursuivi sa montée aux Etats-Unis passant de 7,5% en janvier 2022 à 7,9% en février 2022 et a atteint 3,6% contre 2,9% en France. Une accélération a été plus marquée en Turquie de 54,4% contre 48,7%. Dans la zone Euro, l’inflation persiste au mois de février 2022 au sommet de 5,0% Pour le Maroc, l’indice des prix à la consommation a évolué en dessous de la barre de 2,0% sauf pour les années 2002, 2006 et 2008 respectivement de 2,8%, 3,3% et 3,9%.
Au Maroc, «l’inflation au sens de l’indice des prix à la consommation a atteint son plus haut niveau pendant le mois de février 2022 avec 3,6% en termes de glissement annuel, soit 5,5% pour l’indice des prix des produits alimentaires et 2,5% au niveau des produits non alimentaires de 2,5%.
La hausse des produits alimentaires, explique la HCP a «débuté depuis le mois de janvier 2021 avec des taux de 1,8% pour les huiles et graisses pour atteindre des variations à deux chiffres avec 13,7% en février 2022. La hausse des prix des pains et céréales a connu une accélération notable depuis septembre 2021 avec 5,0% pour atteindre 13,2% en février 2022. Pour les produits non alimentaires, la hausse la plus importante a été enregistrée au niveau des carburants et lubrifiants avec des hausses successives depuis avril 2021. Le prix du gasoil à la pompe a dépassé le niveau de 11dh/litre. L’augmentation du mois de février a été de 22,0% en termes de glissement annuel». L’indice moyen sous jacent des prix à la consommation (ISJ) a connu une hausse de 3,5% en février 2022 contre 0,9% au mois d’avril 2021.
Choc d’une hausse accélérée
L’indice des prix a subi une accélération à la consommation depuis le début de l’année 2022. Il a atteint le niveau de 3,3% au cours des deux premiers mois de l’année 2022, comparativement aux deux premiers mois de l’année 2021, résulte principalement de la hausse de l’indice des produits alimentaires de 4,9% et de celui des produits non alimentaires de 2,4%. Pour les produits alimentaires, les hausses les plus importantes concernent les «huiles et graisses» avec 14,2%, «pains et céréales» avec 11,5%, les «légumes» avec 4,5% et les «viandes» avec 4,1%. En revanche, les prix des «fruits» et des «poissons» ont enregistré des baisses, respectivement de 5,4% et 1,0%. Pour les produits non alimentaires, la hausse a concerné principalement les prix des «Carburants» avec 20,1% et des «Tabacs» avec 3,5%.
La hausse des prix devrait se maintenir en 2022 à des niveaux supérieurs à la moyenne de la dernière décennie. Les effets externes et la sécheresse devraient accroitre davantage les incertitudes quant à l’inflation au niveau national. Les risques inflationnistes resteraient incertains à court terme. La hausse des cours des matières premières importées et la crise dans la région de la Mer Noire conjugué avec une montée vertigineuse des prix du baril à environ 140$/baril serraient de nature à maintenir le taux d’inflation au cours de l’année 2022 à des niveaux relativement élevés.
Jouahri: «Nous sommes dans une phase de pression inflationniste»
Le Maroc ne connaît pas actuellement une situation de stagflation, a assuré mardi à Rabat, le Wali de Bank Al-Maghrib (BAM), Abdellatif Jouahri.
Le Royaume ne traverse pas une période de stagflation, «au contraire, nous sommes dans une phase de pression inflationniste qui se confirme», a expliqué M. Jouahri lors d’un point de presse tenu à l’issue de la première réunion du Conseil de BAM de l’année 2022.
La pression inflationniste se fait sentir, qu’il soit dans les pays développés ou les pays émergents, a-t-il ajouté, mettant en relief la trajectoire haussière de l’inflation qui est passée de 1,4% en 2021 à un taux prévu de 4,7% en 2022.
L’année 2022 est marquée par l’inflation importée, a-t-il fait observer, estimant nécessaire de procéder à une actualisation plus fréquente de l’indice des prix à la consommation (IPC) en cette conjoncture.
Par ailleurs, le Wali de Bank Al-Maghrib a expliqué le maintien d’une politique monétaire accommodante par une croissance économique atone qui a ralenti, suite au repli de la valeur ajoutée agricole. Le maintien du taux directeur à 1,5% est motivé également par le retour prévu de l’inflation à des niveaux modérés en 2023, a-t-il fait remarquer.
Compte tenu des incertitudes qui entourent les développements géopolitiques liés à la situation en Ukraine et leurs implications éventuelles aux niveaux international et national, M. Jouahri a souligné que la Banque centrale continuera d’assurer un suivi étroit de l’évolution de la conjoncture économique et financière et procédera à une actualisation régulière de ses prévisions et de ses analyses.