Attendons pour voir…
Nabil El Bousaadi
Le génocide en cours dans la bande de Gaza a, non seulement fait voler en éclats la normalisation des relations entre Ankara et Tel-Aviv qui avait vu le jour, en 2022, après une décennie de brouille mais, également, donné l’occasion au président turc, Recep Tayyip Erdogan, qui considère que le Hamas est un mouvement de résistance, de qualifier, à plusieurs reprises, Israël d’Etat terroriste et de critiquer son Premier ministre Benyamin Netanyahu pour avoir « surpassé Hitler ».
Ainsi, après avoir, dans une précédente étape, rappelé, en novembre dernier, l’ambassadeur de Turquie en Israël, le président Erdogan qui, bien qu’étant une des voix les plus anti-Israël, estimait, à l’époque, qu’il lui était impossible de « rompre complètement » avec l’Etat hébreu, s’est trouvé, désormais, contraint de courber l’échine face aux critiques qui, ces dernières semaines, se sont intensifiées contre la poursuite des échanges commerciaux avec Tel Aviv après avoir contribué à la débâcle de l’AKP, le parti islamo-conservateur de la Justice et du Développement, lors des municipales de mars dernier.
C’est à ce titre que dans son communiqué, en date de jeudi, le ministère turc du Commerce qui avait déjà restreint, en avril dernier, les exportations des entreprises turques à destination d’Israël concernant 54 catégories de marchandises, dont, principalement, des produits composés d’acier, de fer et d’aluminium, a déclaré que, pour continuer à « soutenir la juste cause de (ses) frères palestiniens », la Turquie a suspendu ses relations commerciales avec Israël, « jusqu’à ce que le gouvernement israélien autorise un flux ininterrompu d’aide humanitaire vers Gaza ».
Pour rappel, selon des informations émanant de l’Union des Exportateurs turcs et de l’Agence de statistiques « Turkstat », les exportations de la Turquie vers Israël avaient atteint 5,43 milliards de dollars, en 2023, contre 7,03 milliards de dollars en 2022 et 6,36 milliards de dollars en 2021.
Mais bien que ce communiqué n’ait pas précisé si le pétrole provenant d’Azerbaïdjan, qui couvre plus du tiers des besoins d’Israël et transite par le port turc de Ceyhan, en méditerranée, était concerné par la décision d’Ankara, le chef de la diplomatie israélienne, Israël Katz, estimant que le comportement du président turc est celui « d’un dictateur » qui fait fi des « intérêts du peuple, des entrepreneurs turcs et des accords commerciaux internationaux », prévoit de « créer des alternatives au commerce avec la Turquie, en se concentrant sur la production locale et les importations en provenance d’autres pays ».
En considérant, enfin, que, comme a tenu à le signaler la presse israélienne, la décision d’Ankara risque de causer d’important dommages à l’industrie et au commerce en Israël mais, aussi, de donner un coup de pouce au concert des protestations qui visent à isoler le Premier ministre israélien sur la scène internationale si les pays arabes venaient à suivre le mouvement après que le chef de la diplomatie turque, Hakan Fidan, ait annoncé que son pays allait se joindre à l’action en justice intentée par l’Afrique du Sud contre Israël devant la Cour internationale de Justice (CIJ), attendons pour voir.