Réconforté par son succès militaire lors de la guerre qui l’avait opposé à l’Arménie durant l’automne 2020, l’Azerbaïdjan entend exercer son contrôle sur l’intégralité de l’enclave du Haut Karabakh, à majorité arménienne, qui s’était autoproclamée indépendante de l’Azerbaïdjan en septembre 1991, et n’envisage aucun statut spécial pour la région.
Aussi, pour protester contre ce qu’ils considèrent comme étant les conséquences néfastes de «l’exploitation illégale» des minerais par des arméniens, des Azerbaïdjanais, envoyés par Bakou et se présentant comme étant des militants écologistes désireux d’accéder aux « sites miniers illégaux » se trouvant dans les parties du Haut-Karabakh contrôlées par les arméniens empêchent, depuis le 12 décembre dernier, la circulation sur l’unique route qui relie l’enclave à l’Arménie, à savoir le fameux « corridor de Latchine » et pour montrer sa « bonne foi », le président azerbaïdjanais, Ilham Aliev, a vivement conseillé aux 120.000 arméniens qui résident dans la région, de rejoindre leur pays en empruntant les « camions des casques bleus » déployés par Moscou pour l’acheminement des vivres ainsi que les véhicules du Comité International de la Croix Rouge (CICR) chargés de transporter les malades et les médicaments.
Les photos publiées sur les réseaux sociaux montrent que des dizaines de militants, venus « officiellement » pour dénoncer les extractions de minerai effectuées, de manière « illégale », par les arméniens, se relaient, chaque jour, pour bloquer le corridor de Latchine en brandissant le drapeau azerbaïdjanais et des pancartes comportant des messages écologistes.
Mais, s’il s’agit, selon Hikmet Hajiiev, un conseiller du président azerbaïdjanais, de « représentants de la société civile » venus afin de « stopper le transport illégal de ressources naturelles », la sincérité de leur engagement écologique est remise en cause par Taline Papazian, maître de conférences à Sciences Po Aix-en-Provence, qui reconnaît avoir « du mal à croire que des défenseurs de l’environnement soient obligés de bloquer un corridor humanitaire (…) afin de parvenir à solutionner des problèmes sur des mines qui se trouvent à des dizaines de kilomètres de là où, eux-mêmes, ont planté leurs tentes ».
Se trouvant donc coupés du reste du monde depuis plus d’un mois et en plein hiver, les habitants du Haut-Karabakh, tentent, tant bien que mal, de survivre dans des conditions précaires, privés de nourriture, de soins, d’électricité et, pour une grande partie d’entre eux, séparés de leurs familles restées en Arménie.
Ce blocus a plongé les établissements de santé dans une situation critique si bien que, comme l’a expliqué à France 24, Taline Papazian, « les hôpitaux, notamment ceux qui accueillent des patients en état critique, sont dans une situation très difficile » car ces malades « risquent de mourir, faute de pouvoir être transportés vers [la capitale arménienne] Erevan, rapidement ». Il a, également, contraint les autorités arméniennes à mettre en place un « rationnement » en nourriture et en gaz « au goutte-à-goutte » et à fermer plusieurs écoles.
La circulation des marchandises étant devenue impossible, le Parlement arménien avait été contraint, le 14 décembre dernier, de voter une résolution accusant l’Azerbaïdjan de « couper le Haut-Karabakh du reste du monde » et, pour appuyer cette initiative, l’administratrice de l’Agence des Etats-Unis pour le développement international (USAID), Samantha Power, avait appelé l’Azerbaïdjan à rouvrir « immédiatement » le corridor de Latchine dès lors qu’il constitue « une voie essentielle pour l’acheminement des vivres et des fournitures médicales indispensables ».
Mais, si le rapport publié par Kristinne Grigoryan, défenseuse des droits de l’Homme d’Arménie, contient des « informations indéniables sur le caractère factice de cet évènement » et sur le lien direct de ces « militants » avec les services de renseignements azerbaïdjanais qui semblent l’avoir orchestré, de quoi demain sera-t-il fait dans cette enclave du Haut-Karabakh ? Attendons pour voir…