“Nous essayons de survivre au chaos grâce à l’ordre de l’art.”, Jaume Cabré.

Fouad Chardoudi, le peintre poète…

Mohamed Nait Youssef

Un peintre poète. Né à Salé en 1978, Fouad Chardoudi est l’une des palettes importantes de l’art contemporain marocain. Sa voix poétique dépasse les frontières géographiques pour embrasser d’autres horizons plus vastes et créatifs. Depuis une vingtaine d’années, l’artiste est en quête permanente d’un style novateur, profond reflétant sa vision du monde. D’où la grandeur de son geste pictural  magistral. Or, dans ce chaos et anarchie dominant l’œuvre se dégagent un lyrisme latent, une poésie ensommeillée dans les entrailles de la toile.

«C’est un travail de recherche perpétuelle et profonde. Au début, j’ai commencé par le réalisme en imitant ce que je vois. Mais, depuis une vingtaine d’années, j’ai découvert que je suis poète, et j’ai une vision qui devait se manifester dans mon travail pictural. A vrai dire, cette vision devait être profonde ayant des sens et des significations, et qui résume ma philosophie de vie et comment je vois le monde.», nous confie l’artiste. Après une période marquée par le réalisme,  Fouad Chardoudi s’est consacré entièrement à l’art abstrait qui lui ouvre de nouvelles voies de la création et de l’abstraction.

«L’abstrait m’a donné cette possibilité de sortir de ce discours réaliste pour explorer d’autres champs de l’imagination, de la créativité, mais aussi de trouver d’autres issues pour relire le monde et le reconstruire d’une autre façon.», a-t-il révélé.

Dans cette quête, l’artiste a trouvé son style qui porte sa marque et sa signature. Par ailleurs, ce chaos que les gens voient dans ses œuvres n’est qu’une incarnation du monde où nous vivions aujourd’hui. «J’essaie d’analyser et de déconstruire ce chaos, mais avec une approche artistique qui reproduit un autre discours.», a-t-il fait savoir.  

Au-delà de ce chaos, il y a une touche lyrique, une poésie émanant des œuvres de l’artiste peintre. «Au milieu de ce chaos, du désordre,  il y a un ordre, une certaine harmonie. C’est une sorte de jeu, de formes, de couleurs, d’ombres, de lumières, des espaces,… En revanche, dans ce jeu, il y a plusieurs règles.», a-t-il expliqué.

Incontestablement, pour réaliser une œuvre, il faudrait de l’art, de la manière, mais aussi de la matière. 

«Je prépare mes propres matières, mes toiles et peintures passent d’abord par des étapes avant de les utiliser sur la toile. Car, il faut que la toile ait sa propre identité et son empreinte au niveau des couleurs et des formes. Ainsi, j’ai passé par une période où j’ai travaillé sur le monochrome. À vrai dire, j’aime parfois laisser l’œuvre ouverte à plusieurs lectures et interprétations et de ne pas donner des explications et références directes.», a-t-il souligné.

La notion de l’espace est presque omniprésente dans le travail de l’artiste. «L’espace est incarné dans mon travail selon des formats différents, même dans le choix de la couleur. En d’autres termes, l’espace influence le travail.», poursuit-il.

Une toile mouvementée dont chaque geste pictural révèle une ontologie directe du peintre poète. Par ailleurs, son néo-expressionnisme invite l’œil s’évader dans un monde où l’anarchie et l’harmonie cohabitent en toute symbiose.

«Le mouvement et les contradictions qu’on voit dans une toile sont presque les mêmes métaphores qu’on lit dans une poésie.», a-t-il ajouté. Et d’ajouter : «j’essaie de donner à chaque travail, une identité chromatique. Toutefois, chaque support dont la toile, le papier, le bois… a ses propres techniques de  travail. »

L’artiste opte pour le grand format pour avoir plus d’espace afin de s’exprimer généreusement et librement.

«Je travaille sur l’espace de la toile qui devrait être aérée afin de laisser le regardant de l’œuvre une possibilité de méditer, de voyager et d’interpréter le travail.», précise l’artiste.   

Fouad Chardoudi est poète. Il a déjà signé quatre recueils de poésie : «Le Ciel quitte la gare», «Tenir une traînée d’astre», «En guise de précaution» et «Inimitiés d’un seul jour».

«Je ne sépare pas le travail poétique du travail pictural. Ils sont inséparables. C’est la même vision et philosophie qui m’habite dans les deux univers. En effet, la poésie est présente dans ma peinture et vice-versa parce que l’âme créatrice est la même.», révèle l’artiste.

Natif de Salé, Fouad Chardoudi a exposé au Maroc et à l’étranger, en Italie, en France, en Espagne, en Tunisie, en Egypte et dans plusieurs pays du Golf. Ses toiles ont fait le tour des galeries et musées.

«Je suis né à Salé. J’ai étudié à l’ancienne médina. Cette cité importante dans la géographie et l’histoire du pays vu sa richesse culturelle, civilisationnelle, patrimoniale et historique, a accompagné mes créations poétique et picturale, mais je regrette la réalité  actuelle de cette ville parce qu’elle était oubliée et marginalisée pendant plusieurs années. Salé est une plaie qui a grandi avec nous.», conclut-il.

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