« Une présence au milieu de l’absence » de Azlarabe Alaoui Lamharzi

Par : M’barek HOUSNI

Il est permis d’approcher l’image autrement que par le cinéma, quand on d’abord cinéaste confirmé, scénariste, producteur et professeur de cinéma doublé d’un chercheur et d’un académicien. C’est le cas de Azlarabe Alaoui Lamharzi.

Lors d’un voyage en Egypte, dans son antre antique, au sud, il fut accaparé par une lumière antique et a troqué sa caméra par un appareil photo. Les photos/images glanées dans le parcours au sein du plus grand complexe religieux de l’antiquité, le Karnak, à Louksor, montrent qu’il fut en plus touché par un message de par-delà le temps. La preuve en est les poèmes qui sont inspirés par ces mêmes captations via l’image. Comme s’il lui fallait et l’image et le mot pour exprimer/sortir tout l’effet ressenti, profondément. Ça va sans dire.

Et c’est indéniable. Car toute cette absence d’une vie, d’une histoire de deux mille ans (excusez du peu) en ces temples majestueux confère une présence authentique. Elle est ressentie, touchant l’âme alors que le corps déambulant semble être entraîné par l’étonnement singulier plongé dans un passé glorieux, comme lors d’une révélation inattendue. Baignant dans une lumière naturelle constante et éternelle, cela incite à créer afin que le moment individuel de la visite ne se perde pas après avoir vu le moment précédent, ici et maintenant.

Mais Azlarabe Alaoui n’a pas simplement créé un beau livre. Non, il a ajouté un élément distinctif pour donner du piquant à l’ouvrage, à la manière d’un homme de cinéma introduisant un hors-champ dans le cadre : une pomme. Chaque image la présente quelque part, et elle a une histoire. Un ami marocain lui avait fait ce cadeau, apparemment sans raison apparente, mais peut-être avec un dessein insoupçonné. Dans la présentation, l’auteur raconte : « Il m’a dit qu’elle me servirait de compagnon lors de ma prochaine visite au temple. » Et c’est exactement ce qui s’est produit, mais comme une nécessité imposée par un fait imprévu. Capturant les photos et porté par des sensations étranges, l’auteur partage : « La pomme dans ma main gênait le mouvement de prise de vue. J’ai doucement placé la pomme sur la tête d’Osiris, mais au bout d’un moment, une chose étrange s’est produite, du moins c’est ce qu’il m’a semblé : la vie s’est étendue aux membres d’Osiris, et son parfum est passé de l’ambre et du camphre à celui du jasmin et du chrysanthème. »

Ce fut comme une illumination, et le reste a suivi. Cependant, c’était sans compter sur la vigilance de la police veillant sur le sommeil éternel des pharaons. Comment oser faire voyager une pomme dans les monuments et l’ajouter aux photos ? « Monsieur, je ramène la vie au temple avec cette pomme », fut la réponse de l’auteur, a expliqué Azlarabe Alaoui.

Cela montre que ce livre était une idée au départ et est devenu une histoire captivante, que l’on prend plaisir à suivre en contemplant les photos en blanc et en lisant les poèmes. Ces poèmes n’illustrent pas à travers les mots ce qui est vu, mais révèlent des sensations différentes. Ce sont celles que seuls les vers sont capables d’émouvoir à leur manière. En voici deux :

En présence du sacré…

« Des cantiques se font entendre ici et là…/Ils répètent sur ce qu’ils se sont mis d’accord à élire/ Ces sens qui portent la force du temps…/L’écho des murs traverse les lettres, dont les sens se déchirent…/Ça se démonte par morceaux…/Qui effacent les péchés de son front »

Danse des rois..

« La place résonnait de battement des tambours et de danse du zār…/ les corps immobiles des maîtres dansaient./Ils se balancent sans bouger, titubent sans annoncer leur présence…/ Ils se tiennent hauts et errants, chantant fort le silence…/Personne ne les écoute…/Personne ne crie le slogan du louange en présence de hurlements…/La génération de chiens a rempli le monde d’aboiements, s’est aplati sur la terre le lieu était désert. »

Ainsi, le voyage dans le temps,  en images, poétique, écho du voyage terrestre, nous rapproche de l’ancien temps dans le calme du soleil, à travers un présent où l’absence prend toute sa valeur, une découverte que le livre nous offre. Quelle belle endurance !

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