Point de vue
Pourquoi la confiance et la crédibilité envers les élus et les institutions élues ont-elles baissé
Malgré tous les progrès qu’a connus notre expérience démocratique au fil des décennies, je me pose parfois, et avec insistance, une question existentielle (au sens politique du terme) autour de l’utilité d’être un politicien élu représentant des citoyens, un parlementaire, ou même le président d’un groupe parlementaire, dans un contexte marqué par le fait que le gouvernement, avec ses départements, ses institutions publiques, ses ministres et ses responsables centraux, ignore la plupart des initiatives, propositions et alertes venant d’un élu dont le rôle principal est de transmettre les préoccupations, les souffrances, les espoirs et les aspirations des citoyens aux décideurs publics ?
Je m’interroge avec force, par conséquent, sur quelle crédibilité, quelle confiance et quelle place dans la réalité pourrait avoir le représentant de la nation, lui que les gens voient dans la même situation qu’eux, avec une vision claire mais impuissant, incapable de changer une réalité amère, ou de résoudre un problème, bien qu’il ait pris toutes les initiatives nécessaires pour porter la voix et les préoccupations des citoyens.
La plupart des problèmes et des questions dans la société, qu’ils soient locaux ou de dimension nationale, sont soulevés sous forme de questions parlementaires ou de propositions de loi, ou sont signalés dans les interventions des députés qui sont réellement proches des préoccupations des citoyens (quelle que soit leur proportion, et ceci est un autre débat qui mérite d’avoir lieu). Cependant quel sens donner au fait de se retrouver, lorsque l’on soulève une question, face à un gouvernement et des responsables qui ne bougent pas le petit doigt, ne forment pas une commission d’enquête, ne prennent pas le temps de prêter attention à un problème, ne cherchent pas une solution innovante, mais adoptent systématiquement une attitude d’ignorance dans le traitement de la plupart des initiatives !?
Certes, il est indéniable que le gouvernement actuel a commencé récemment à réagir avec un peu plus de positivité à certaines propositions de loi. En revanche, les initiatives législatives les plus fortes, qui pourraient avoir un impact et un effet sur la vie quotidienne des gens, continuent d’être largement ignorées. Comme « la proposition de loi sur le plafonnement des prix des produits subventionnés » ; « la proposition de loi pour accorder une aide financière aux jeunes à la recherche d’un emploi » ; « la proposition de loi relative à la raffinerie la Samir » ; » la proposition de loi sur les zones montagneuses » ; et des dizaines d’autres encore.
En effet, la démocratie représentative connaît des difficultés à travers le monde, mais personne n’a encore réussi à inventer un meilleur mode (ou moins mauvais) que la démocratie représentative pour gérer les affaires publiques.
Dans notre pays, le Maroc, nous avons une Constitution très avancée quant au rôle de la politique et des politiciens et aux dimensions démocratiques. Nous avons une volonté royale forte de lier la responsabilité à la reddition des comptes et de lier la pratique politique à l’éthique, à l’efficacité, à l’écoute du pouls de la société et à l’interaction avec les préoccupations des citoyens. Nous avons également une histoire respectable de traditions de pratique partisane et politique fondée sur le principe du pluralisme.
Mais, que nous manque-t-il !? Et pourquoi les gens ont-ils cessé de faire confiance à tout ce qui est « politique » !? Pourquoi n’avons-nous pas réussi à rendre nos institutions élues attractives et à en faire un espace pour trouver de véritables solutions aux problèmes des gens !? Pourquoi n’avons-nous pas réussi à protéger et renforcer notre parcours de développement remarquable par un parcours démocratique qu’épouseront les citoyens et où ils verront le reflet de leurs attentes et aspirations !? Pourquoi n’avons-nous pas réussi à libérer les énergies de millions de jeunes, d’intellectuels et de femmes et à les convaincre que l’action politique a un sens, une signification et une utilité, et que l’engagement dans la construction démocratique n’est pas un luxe, n’est pas un métier et n’est pas une hérésie !?
Il est certain que la réponse à ces questions brûlantes et cruciales est une réponse au présent et à l’avenir de notre cher pays. Il est également certain que les réponses ne seront ni théoriques ni abstraites, mais pratiques, réalistes et complexes, et qui nécessitent une persévérance à long terme. Cependant, ces réponses ne sont pas impossibles, car un voyage de mille miles commence toujours par un pas.
Les premiers pas consistent à ce que le gouvernement (quel que soit le gouvernement) interagisse avec sérieux et responsabilité avec les questions et les initiatives enclenchées par les représentants de la nation. C’est aussi commencer collectivement, institutionnellement, sociétalement et médiatiquement, à valoriser les initiatives sincères et pertinentes, tout autant que nous jetons la lumière sur les pratiques négatives et mauvaises dans l’espace politique. Puis, nous devons, en tant qu’État, société et partis, faire tout notre possible pour que les institutions élues soient un espace réservé uniquement à ceux qui veulent servir l’intérêt général avec des mains propres, honnêteté, droiture et compétence. Nous devons également cesser de donner une fausse idée de la compétence en matière de gestion politique et gouvernementale, car la compétence techniciste et spécialisée, quelle que soit son importance, ne suffit pas. Ce qui est requis, c’est la compétence politique, la capacité à communiquer avec les gens et les institutions élues, et au premier rang desquelles le parlement, la capacité à trouver des solutions innovantes, et le courage politique de prendre des décisions et de les défendre.
Ce sont là les premiers pas à entreprendre pour restaurer la confiance, retrouver la crédibilité… et libérer les énergies, tel que mentionné dans le document du Nouveau Modèle de Développement.