Un militant qui a fait des droits de l’homme sa première et dernière cause

Vibrant hommage à feu Ahmed Chaouki Benayoub

La salle des conférences de la Bibliothèque nationale du Royaume du Maroc à Rabat a abrité, jeudi, une rencontre, à l’occasion du premier anniversaire de la disparition de feu Ahmed Chaouki Benayoub, expert national et international en matière des droits de l’homme et ancien Délégué interministériel aux droits de l’Homme, qui avait fait des droits de l’homme sa première et dernière cause, comme consécration d’un combat politique qui s’étale sur plusieurs années.

Né en 1957 à Marrakech, il est décédé le 26 septembre 2023 à l’âge de 66 ans, des suites d’une longue maladie.

Selon des déclarations et témoignages contenus dans une vidéo, diffusée en boucle à l’ouverture de cette rencontre, placée sous la modération de son compagnon de lutte M’Bark Bouderqa, le défunt avait pris l’engagement de consacrer sa mission à la tête de la délégation interministérielle à la défense et à la promotion de ces droits pour qu’ils deviennent une discipline, enseignée à part entière dans les programmes universitaires au Maroc. Il rêvait d’en faire une branche à part au niveau de l’enseignement universitaire, projet qu’il n’a pas pu concrétiser avant sa mort.

Selon le défunt, les droits de l’homme est une affaire de souveraineté au même titre que les questions sécuritaire, religieuse et d’autres d’Etat.

Il a réalisé des études sur les questions juridiques humanitaires, dont un guide sur “la justice des mineurs”, “les garanties juridiques d’un procès équitable” et “la Commission d’arbitrage indépendante”.

Il a également contribué à des ouvrages collectifs tels que « Kadhalika Kane » « Les droits de l’homme et la transition démocratique au Maroc », « le Maroc et les disparitions forcées » et « Le parlement de l’enfant ».

Soulignant la place de la culture des droits de l’homme dans la vie du défunt, Pr.  M’Hamed El Azhar, a indiqué que feu Ahmed Benayoub est issu d’une famille marocaine typique, dont le père répétait à longueur de journée que (Innama Addinou Al Mouâmala) : « la religion, c’est le bon comportement avec les autres » et le bon traitement d’autrui. Ce n’est pas le rituel qui est déterminant dans la vie du fidèle, mais c’est son comportement dans la société qui prime.

D’après le défunt, c’est son père qui lui avait inculqué, dès son jeune âge, les normes à respecter dans son comportement dans la société pour y jouer un rôle constructif.

Pr El Azhar a également rappelé la place que les droits de l’homme occupent dans la législation nationale et la Constitution de 2011, selon laquelle la richesse de la culture marocaine s’explique par la diversité, la complémentarité et le brassage de ses différents affluents et l’apport des 25 conventions internationales ratifiées par le Maroc en la matière.

Et c’est dans ce climat familial et national que le défunt avait grandi et enrichi plus tard ses connaissances pour consacrer son combat aux droits de l’homme au Maroc et en faire sa première et dernière cause, conscient de la nécessité de tenir compte de l’évolution du Maroc moderne, qui rejette en bloc la notion de conflit des civilisations et des cultures, a-t-il ajouté.

Partant de son éducation, le défunt croyait que pour que l’individu puisse jouir pleinement de ses droits, il doit avant tout en être convaincu et se battre pour les arracher.

C’est le cas à présent des différents barreaux du Maroc qui militent pour un meilleur projet de procédure civile, que celui proposé par le gouvernement et qui constituerait, en cas d’adoption, une entrave à la justice.

Selon Pr El Azhar, feu Ahmed Benayoub tenait à répandre la culture des droits de l’homme au Maroc où son patrimoine arabo-islamique s’est enrichi, au fil du temps, des affluents africains, andalous, hébraïques et méditerranéens. Et ce dans le respect des spécificités culturelles régionales, qui distinguent les identités sociales des unes et des autres (Jabli, Doukkali, Sahraoui, etc…).

Malheureusement, l’histoire récente nous enseigne que ce sont ces spécificités culturelles et ethniques qui servent de plus en plus comme outils pour diviser, détruire des pays ou redessiner des frontières et des cartes, a estimé pour sa part le philosophe Abdelilah Belkeziz.

Cette instrumentalisation malveillante a marqué d’ailleurs l’évolution du concept des droits de l’homme dans la pensée humaine. Au départ, on parlait au 19ème siècle, celui des lumières, des droits naturels, qui allaient être consacrés dans le contrat social, tel que développé et conceptualisé par de nombreux philosophes, selon lesquels la nature a doté les humains de droits naturels.

Il s’agissait donc de l’Etat de nature, qui se caractérisait par l’absence d’une autorité protectrice à même de garantir aux gens leurs droits naturels, pourtant inaliénables. C’était donc l’anarchie qui régnait où les gens étaient en cesse en guerre les uns contre les autres.

Pour sortir de cet état d’anarchie, nombreux étaient les penseurs qui appelaient à la mise en place d’un Etat capable de jouer le rôle de protecteur de ces droits naturels définis dans le contrat social.

Plus tard, l’on est passé des droits naturels aux droits civils dont la protection doit être assurée par l’Etat et ensuite aux droits politiques.

Et il a fallu attendre la Révolution française et la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen pour pouvoir avoir une idée plus précise de ces droits ainsi des notions de l’homme et du citoyen dont on parle, a-t-il rappelé, notant que tout au long de l’évolution de ces droits, c’est le citoyen européen qui était concerné et non pas l’homme dans sa globalité.

Nés en Occident à l’époque des Lumières, les droits de l’homme n’ont jamais dépassé les droits du citoyen européen, a-t-il expliqué.

C’est ainsi qu’au lendemain de la seconde guerre mondiale, les pays occidentaux avaient commencé à évoquer sans cesse le non-respect des droits de l’homme dans les pays d’Europe orientale et en Union soviétique et aujourd’hui dans les Etats qu’ils qualifient de voyous. Et jamais en Palestine, où l’armée sioniste poursuit sa guerre, qui a fait déjà plus de 41.000 morts et des milliers de blessés.

Selon Pr. Abdelilah Belkeziz, c’est dans la foulée de l’instrumentalisation honteuse de ces droits et de leur transformation en idéologie, que les pays européens avaient mené leurs croisades et guerres d’expansion et de colonisation pour démanteler l’empire ottoman ou coloniser pour soit disant « policer» par exemple l’empire chérifien et maghzénien au Maroc. C’est dans le même sens que le droit d’autodétermination des peuples a été développé au même titre que les droits des classes populaires, des minorités et des microscopiques entités et clans de toutes sortes pour diviser, détruire, démanteler, dominer ou raser de la carte des pays, des tribus, des familles et des peuples.

Avec la mondialisation en cours, l’on assiste, a-t-il ajouté, à une véritable falsification et détournement de la notion des droits de l’homme, que les puissances mondiales utilisent comme politique de chantage et se servent comme outil pour justifier les génocides et les guerres d’extermination qu’ils commettent pour « lutter contre le terrorisme » et assurer le droit de l’entité sioniste à se défendre et à raser de la carte la bande de Gaza en Palestine et à contraindre ses habitants à l’abandonner au colons juifs par exemple. Et pourtant ce sont ces Européens qui sont responsables de l’Holocauste ou Shoah !

Pour le bâtonnier Abderrahim Jemai, feu Ahmed Benayoub était un fervent défenseur des droits de l’homme, qui a consacré sa vie à la fondation d’une véritable école nationale en la matière. Oui, le défunt avait totalement raison, car sans respect des droits de l’homme, aucune justice n’est possible, a dit le bâtonnier, qui s’est révolté contre la tentative d’enterrer définitivement la cause palestinienne et les droits de l’homme en Palestine par l’entité sioniste qui poursuit sa guerre d’extermination d’un peuple sans arme et son génocide avec la complicité honteuse de l’Occident, qui se targue d’être la chantre des droits de l’homme.

Il s’est ensuite attardé sur l’œuvre du défunt en la matière et ses contributions à l’expérience de la justice transitionnelle au Maroc, à celle de l’IER, et aux travaux du Conseil national des droits de l’homme et diverses autres organisations spécialisées.

M’Barek Tafsi

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