Les trésors du royaume

par Mustapha Labraimi

Enfin ! Pourrait-on dire. Un projet de loi est en cours de discussion par le gouvernement pour encadrer juridiquement le patrimoine du royaume. Que de dégâts, de pillages a-t-il subit depuis fort longtemps pour que l’on se soucie de sa préservation, de sa protection et de sa mise en valeur.

S’il n’est jamais tard pour bien faire afin que les générations futures puissent jouir du potentiel patrimonial national, toutes catégories confondues, l’occasion se prête pour rendre hommage à la société civile qui s’est organisée dans l’associatif pour sensibiliser et entreprendre, autant qu’elle pouvait, le combat pour le patrimoine.

Identité du territoire, marque de l’Histoire et activant la mémoire, le patrimoine dépasse la nostalgie du passé pour construire l’avenir. L’évolution de la société, malgré les déficits qui grèvent son développement, impose de dépasser la simple « conservation des monuments historiques et des sites, des Inscriptions, des objets d’art et antiquités » pour considérer le patrimoine dans sa globalité, du géosite à l’expression culturelle multiforme. De ce fait la loi sur le patrimoine ne peut être « en tranches » séparant les catégories patrimoniales en fonction des prérogatives ministérielles.

Des coupes géologiques ont disparu, notamment celles concernant le Quaternaire dans la zone littorale, enfouies sous des gravats de démolition ou arasées sans aucune retenue, des géosites sont menacés de disparition, des fossiles et des minéraux, parfois uniques, sont commercialisés et font l’objet de trafics illicites, des espèces du vivant sont braconnées pour en tirer profit aux dépens de la richesse nationale, des médinas tombent en ruine, des monuments sont délaissés alors que des pans entiers de notre culture sombrent dans l’oubli. Il faut le dire, le danger menace ; qu’il s’agisse de sites, de paysages, de bâtiments, d’objets, de mémoires, de récits oraux, de documents écrits, de rituels, de festivals, de métiers, de savoir-faire, de savoir-être, de valeurs et de toute autre production relevant des spécificités de notre géographie et de notre civilisation.

Si des efforts importants ont été prodigués pour la mise à niveau de certaines villes anciennes, il reste encore à faire pour que la valeur patrimoniale soit prise en considération à travers l’ensemble du royaume et contribue au développement local. La fonction du patrimoine ne se limite pas à raviver l’héritage glorieux du passé, à se détendre dans des paysages naturels magnifiques et à consolider l’appartenance nationale, elle permet une induction de la population avec son environnement dans son évolution avec le temps, créant des richesses et ouvrant des perspectives d’inclusivité à des personnes pouvant s’estimer exclues du bienêtre réalisé par ailleurs.

Les changements qui se manifestent à travers le royaume (infrastructures, expansion de l’urbanisation …) imposent une urgence à l’adoption de la « loi relative à la protection du patrimoine culturel, du patrimoine naturel et du patrimoine géologique ». De même, ses textes d’applications et sa mise en œuvre effective devront préserver des entités nombreuses du patrimoine national d’être en péril. Car, il ne s’agit pas seulement d’harmoniser la juridiction nationale avec les instruments internationaux concernant le patrimoine adoptés par le royaume, mais de procéder à la mobilisation des volontés et des moyens pour que « les trésors du Maroc », là où ils se trouvent, soient préservés de toute menace et mis à contribution pour le développement national. Nos trésors patrimoniaux, nos « trésors vivants » constituent la vigueur de notre présent et la base de l’émancipation des générations futures dans le cadre de nos spécificités et de nos fondamentaux. « We can » disait l’autre.  

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