générationnel que connaît le court métrage marocain. Une lourde tâche les attend, celle de succéder à un legs très riche et très prestigieux (Lakhmari Bensaidi, Mouftakir, Fadili… ). Nous les avons rencontrés à Tanger pour les écouter, voir leur film…
Le nouveau court métrage marocain
Trois questions à Mohcine Nadifi
Au nom du père…
Mohcine Nadifi est à Tanger en compétition officielle avec son court métrage L’esclave du Mâl
Qu’est ce vous pourriez nous dire sur votre parcours en termes de cinéphilie, de formation et de rapports avec le court métrage ?
Passionné par le cinéma depuis toujours, j’appréciai tout genre de films et en regardais excessivement, au fur et à mesure que le temps passait, mon amour pour le septième art et mon ambition s’intensifiaient, pour pouvoir toucher et ressentir ces émotions qui me stupéfiaient, j’ai tout d’abord expérimenté le monde du théâtre. La veille de mes treize années, l’occasion de faire partie du décor se présente à moi : Nour-eddine Lakhmari me propose le rôle principal d’une sitcom en 40 épisodes avec Rachid El Ouali, Nezha Regragui et Choumicha. Ma première expérience fut passionnante et très instructive, Lakhmari a su donner une liberté aux comédiens et tout le monde pouvait participer à la réécriture, chaque journée de tournage était un nouveau défi en créativité et improvisation. Depuis ce tournage, l’idée de faire du cinéma me hantait de plus en plus, et ce, chaque jour beaucoup plus que la veille à tel point que le septième art est devenu parti intégrante de moi-même. De ce fait et sans plus attendre, je me suis investi corps et âme dans ma quête en me lançant dans l’écriture de scénarios. Par la suite, je me suis rendu compte que paradoxalement, plus le temps passait, plus ma soif du cinéma grandissait après les diverses fonctions que j’ai pu occuper dans ce domaine. En effet, j’ai eu la chance de jouer dans un certain nombre de films et séries, chose qui m’a permis d’explorer les devants des projecteurs, mais aussi d’apprendre quelques ficelles du métier, principalement grâce aux stages que j’ai effectués derrière la caméra. Parallèlement, malgré tout cela, j’ai réalisé que le plus important et ce qui m’a permis de ne plus penser à m’investir ailleurs, n’était pas uniquement l’expérience que j’ai vécu tout au long de mon parcours, mais une personne en particulier : mon père « Que Dieu ait son âme »… En effet, un jour, en lisant un de mes scénarios, (qu’il avait trouvé par pur hasard), me propose de le produire ! Une idée que nous trouvions percutante et enrichissante à la fois, le court-métrage en question traite des phénomènes d’actualités au Maroc et qui soulève jusqu’au jour d’aujourd’hui la polémique, à savoir, la drogue et la corruption. Je n’y croyais pas au départ, mon rêve pouvaient enfin être concrétisés, je me demandais si c’était une farce de mauvais goût, oui, il avait le sens de l’humour, mais dès que le mot «deadline» ait raisonné dans ma tête, je savais que c’était sérieux… C’était incontestablement l’ultime chance pour moi de réaliser mon rêve et mon film. Ainsi, au fur et à mesure que le tournage approchait, ma motivation prenait de l’ampleur ! Une fois sur le plateau, j’ai compris pourquoi je me trouvais là, à m’acharner et à me battre, dans ce bas monde. Ce n’était ni moi ni ma conscience qui agissait ! Ce n’était ni moi ni ma conscience qui agissait ! Une fois ma première aventure en tant que réalisateur achevée, j’ai pris la décision de faire des études en audio-visuel à Montréal. Mon cœur avait pris le dessus, j’avais des idées à échanger avec une sensibilité pour laquelle j’ai passé toute ma vie à dissimuler ! Souhait de tout artiste. Pendant ma quête dans le pays des pieds gelés et des cœurs chauds, j’ai eu une conversation téléphonique avec mon père concernant notre implication sur le long-métrage « CasaNegra » un film sur lequel il s’était investi corps et âme, et ce, depuis le début de l’écriture. Avant sa sortie, le film avait déjà raflé une dizaine de prix ! Mon père était fier de cet accomplissement. Ce jour-là, j’ai appris une leçon fondamentale de la vie : peu de temps avant l’événement, mon père a rendu l’âme. Ce jour-là, j’ai appris une leçon fondamentale de la vie : sachant que personne ne sait de quoi demain est fait alors, j’ai compris qu’il fallait que je m’investisse dans chaque film comme si c’était le dernier… J’ai toujours eu la conviction que l’art et la culture ont le pouvoir de changer les choses, d’aider certains à se réconcilier avec leur passé et d’autres à mieux aller de l’avant. À travers le cinéma, on peut parler librement de ce qui nous fâche, qui nous révolte, c’est en quelque sorte un moyen pour moi d’extérioriser, et de partager ce que je ressens avec autrui. « L’esclave du Mâl(e) » est pour moi le résultat d’une multitude d’injustices que j’ai vu tout au long de mon existence, la misogynie court toujours les rues et j’ai voulu transmettre le sentiment que ressentent ces femmes, qui pour certaines d’entre elles finissent par cultiver bien malgré elles, de la rancœur et de la haine envers les hommes, des hommes qui ne se rendent pas forcément compte de leurs actes et des répercussions qu’ils peuvent avoir. J’ai voulu créer pour ces femmes, des plus démunies, une héroïne qui osera se révolter contre un system truffé d’abus en tout genre.
Votre film est en compétition officielle du festival du court métrage méditerranéen de Tanger ; comment vous avez mené les étapes de sa réalisation surtout du point de vue de l’écriture et de la mis en scène ?
Je suis très honoré et heureux que ce court-métrage soit sélectionné dans un des festivals les plus prestigieux au Maroc et je suis tout autant satisfait que les gens puissent le découvrir, c’est le fruit de plusieurs années de réflexion et de travail d’équipe, une équipe qui a tout donné pour la réussite du projet, un court-métrage trouve difficilement du financement, tout au long de l’écriture, j’ai eu des promesses d’aide et de financement, mais aucune n’a été concluante. Mon ambition m’a poussé à puiser de mes propres fonds avec l’aide de deux grands amis producteurs qui ne sont autres que Hicham Hajji et Othman Benzakour pour mener le projet à bon port.
C’est aussi grâce à David Villemin qui s’est joint à l’aventure en tant que coscénariste et avec qui on a eu de longues discussions autour du sujet. Le scénario n’aura pas moins de 18 versions, chacune plus controversée que la précédente, on a eu un réel plaisir à écrire et réécrire ensemble pour enfin aboutir à cette version.
Initialement, le court-métrage allait être tourné à Ifrane, mais après des repérages à Ouarzazate, j’étais stupéfait par la beauté des décors et du paysage, c’était tranché, Ifrane pouvait attendre le prochain projet.
On a aussi pris le temps de faire une bonne préparation afin de pouvoir créer certains costumes et accessoires, mais aussi pour faire de bonnes répétitions avec les comédiens. L’avantage d’avoir des comédiens aussi généreux et attentifs, est qu’il suffit de donner les intentions puis de les regarder à l’œuvre, chacun y apportait son intensité, mais surtout son naturel, j’ai voulu laisser une certaine liberté aux acteurs afin qu’il puisse user de leurs propres vécus, expériences et sensibilités pour servir au mieux les personnages de l’histoire. Spontanéité, sincérité et énergie, tel était les moteurs pour le jeu des comédiens. J’ai aussi voulu une image très esthétique et réaliste à la fois. Pour moi, assister à un assemblage de différents styles de mise en scène nous aide à appuyer ce creux entre avant et après l’incident. Tantôt par des mouvements de caméra brutaux instrumentalisés par un support sonore strident, tantôt présentés sous sa forme la plus douce et mécanique aux résultats glaciaux. Afin d’embarquer le public dans un élan de stress, un montage dynamique, rythmé et déstructuré était évident à mes yeux. La structure du film a été d’une telle complexité à l’écriture et au montage que certains techniciens pouvaient s’y perdre, on a donc écrit une version chronologique de l’histoire avant le tournage. Au bout du compte, j’étais fier du travail de tous ces gens qui ont donné de leurs personnes pour concrétiser une idée qui leur tenait à cœur tout autant que moi.
Que constitue pour vous la présence à Tanger au sein de vos collègues méditerranéens ? Et quelle est la prochaine étape de votre parcours ?
Ma présence à Tanger au sein de mes collègues méditerranéens constitue un premier accomplissement, le but ici est que des sentiments et des idées puissent être partagé, un plaisir pareil ne peut être égalé aux yeux d’un artiste.
La prochaine étape… Des idées, des films et encore des films… Je suis actuellement en post-production de «Frère II Sang» un court-métrage sur le terrorisme. Une histoire que je développe aussi en long-métrage.
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Trois questions à Asmae Elmoudir
Il faut laisser parler le plan
Asmae Elmoudir est à Tanger pour son film Bout à bout
Qu’est ce vous pourriez nous dire sur votre parcours en termes de cinéphilie, de formation et de rapports avec le court métrage ?
Réalisatrice et monteuse professionnelle, je suis une jeune Marocaine qui se plaît à retranscrire, avec un regard artistique, les problèmes de société que connait mon pays.
Après avoir décroché mon sésame pour l’Université d’été de la Fondation Européenne des Métiers de l’Image et du Son (FEMIS), déjà titulaire d’une licence professionnelle, dans les études cinématographiques et Audiovisuelles, je cumule avec une maîtrise en réalisation de films documentaires, puis un diplôme de technicien spécialisé dans la conception et la production en communication audiovisuelle, obtenu à ISCA de Rabat au Maroc…
Mon rapport avec le court métrage est éternel, je ne considère par ce denier un pont pour passer au long, mais au contraire le court métrage est un genre unique, qui ne manque ni de galons… ni de passion !
Toute jeune déjà, je me passionne pour l’univers de l’image. J’avais en permanence un appareil photo sur moi, avec lequel, je photographiais des paysages, des fleurs, de la végétation. Je regarde dès lors toutes sortes de films, mes préférés, les productions du cinéma coréen et iranien. De cet amour est née une vocation. A la passion, j’ajoute la formation. en 2007, j’intègre donc l’ISCA, une école cinématographique, à Rabat. En 2010, je reçois le titre de lauréate, grâce à mon film PFE, « La dernière balle », qui traite de la marginalisation des jeunes et avec lequel je me fais remarquer soit disant. Ce titre m’ ouvre les portes de nombreux festivals dont celui du cinéma national de Tanger, en 2011 et me vaut plusieurs prix internationaux. En 2013, je présente mon film « les Couleurs du silence », aux plusieurs festivals en Europe , pays de golf et en Afrique. Encore un grand pas pour moi en tant que jeune femme, qui compte quelques courts-métrages dont « Mer(e) 2012 » et « Mémoires anachroniques ou le couscous du vendredi midi », 2014.
J’ai également, réalisé une quinzaine de documentaires destinés entre autres, à Al Jazeera ou des maisons de production à Londres et au Maroc.
Pour moi Faire du cinéma est un choix que j’assume absolument, car j’ai toujours rêvé de raconter des histoires qui me fascinent, je travaille avec un regard subjectif avec une envie de casser le conventionnel ; être devant la caméra est une chose, certes, qui fait rêver beaucoup de femmes, mais raconter l’histoire de ceux et celles qui jouent est un autre plaisir, L’important pour moi c’est que, tout ce que je fais je le ressens.Et ms courts métrages ce sont mes bébés je veille sur eux.
Votre film est en compétition officielle du festival du court métrage méditerranéen de Tanger ; comment vous avez mené les étapes de sa réalisation surtout du point de vue de l’écriture et de la mis en scène ?
Avec le problème des salles qui ne cesse de fermer et le nombre qui diminue. Les gens vont à la rencontre de cet art dans des festivals et défient cette absence, on ne peut pas dire qu’ils remplacent les salles, mais jouent un rôle important dans la promotion du cinéma national, pour les festivals internationaux c’est aussi très important, car il y a l’opportunité de voir des films étrangers qu’on aura peut être jamais l’occasion de voir, il y a aussi la présence des professionnels du cinéma qui rentrent en contact avec nous, un échange bénéfique au niveaux des expériences de tout le monde.
Mon film Bout À Bout va dans ce sens la, c’est une métaphore naïve (point de vue d’un enfant) qui essaye de voir ce fluo celui de la fermeture des salles de son propre angle .
L’écriture de Bout À Bout m’a pris en général 14 mois séparés. Le scénario au début était adapté à la ville, mais des mon premier repérage j’ai du tout bouleversé et décider de récrire mon scénario et de l’adapter à l imaginaire à la compagne. Grâce à des séances de script Doctoring.
Même si on a jamais vu une salle de cinéma dans la compagne de Maroc et peut importe ce que la vraisemblance impose, je voulais juste appuyer sur le problème de la fermeture des salles ,et le ré provoquer parcequ il est en veille. le sujet est très consommé , c’est un clicher si on peut dire, c’est du déjà vu aussi , mais le nouveau dans ce film c’est qu’il est vu autrement un nouveau regard. C’est mon propre regard et ma propre lecture que j’ai essayer d’ accorder à ce sujet.
J’étais en sommer school de Columbia collège Chicago et c’est là où j’ai décidé de travailler le storyboard de mon film, j’ai essayé de raconter mon film a travers des plans, je dessinais des plans plutôt que des séquences. Chaque plan ramène une nouvelle information. En évitant toute sorte de découpage ordinaire. J’ai essayé de mélanger plusieurs techniques qui dépendent de point de vu de chaque personnage ( images de drones, plans fixes , plans séquences etc)
Le choix du rural était primordial pour moi, cette beauté naturelle m’a ouvert des perspectives
Que constitue pour vous la présence à Tanger au sein de vos collègues méditerranéens ? Et quelle est la prochaine étape de votre parcours ?
Ma présence à Tanger et surtout pour le festival méditerranéen constitue un vrai tremplin pour le film puisqu il était sélectionné parmi plusieurs courts métrage Marocains, j ai déjà été sélectionné pour ce festival l année dernière avec mon film mémoires anachroniques , mais cette année est unique parceque je suis la seule femme qui représente le Maroc dans ce festival .
Bien sur je suis fière de représenter mon pays et être en compétition avec des amis de la Méditerranée et du Maroc, on échange des idées on discute nos films, on partage des nouveautés, et je crois que c’est le bute de ce festival. D’ailleurs je remercie le ccm pour l intérêt qui porte au court métrage en organisant ce festival.
Mon parcours vient de commencer, je pense développer mieux mon long métrage avant de passer à la production. Je sens que je n’ai plus le droit à l’erreur , Je suis entrain de finaliser le scénario de mon prochain film qui marie entre le documentaire et la fiction.
C’est un projet developper entre la ruche documentaire de Agadir (fidadoc) et la résidence de Saint Louis ( Africadoc).
Je pense que le défi au Maroc aujourd’hui hui ce n est plus la technique ou les moyens , les salles non plus. Mais le vrai challenge du cinéma Marocain est l écriture. C’est pourquoi les résidences d écritures sont très intéressantes, c’est une sorte de brainstorming qui m aide beaucoup a développer mes projets.
Aujourd’hui je suis très attachée au réel , le documentaire me fascine . C’est un autre cinéma. L’école du documentaire m’a appris tant de choses. J’y ai appris à laisser le temps au plan. A laisser respirer le cadre, en temps réel, on ne coupe pas un plan. J’ai compris que le cinéma se passe et se vit dans le silence, cela a entièrement changé mon rapport à l’image. Il faut laisser parler les plans. Et aujourd’hui, je sais que je veux aller vers ce réel, m’en imprégner pour mieux le révéler.