A des moments de la fin du mois écoulé, la communauté du Grand Souss se serait souvenue du cataclysme du 29 février 1960 qui a quasiment démoli la cité et fait périr plus de 4000 ménages, en quelques secondes. Un réel carnage dont les dépouilles sont ensevelies en fosse commune dans les lieux lugubres, au cœur des hameaux et des vestiges de l’ancienne médina d’Agadir endeuillée.
Depuis, la capitale du Souss s’est vite urbanisée, après des périodes de tergiversation, car, au lendemain de ce séisme ravageant, les quelques 3000 familles rescapées hésitaient de résider encore dans ces surfaces en décombres.
Aujourd’hui, la ville s’érige à fortes cadences, avec un certain branle-bas de réminiscence qui surgit, à l’approche du fameux février de chaque année, du moins pour les survivants dont un parent avait succombé sous les ruines. Et si, pour les préoccupations quotidiennes, on omettait de se rappeler cette date hideuse de la mémoire collective, il y a toujours cette brave association qu’on a baptisée «Izorane», version amazighe qui veut dire tout simplement «Racines», et dont la symbolique se passe de tout commentaire. En effet, cette structure associative, composée d’une pléiade de relayeurs de ce syntagme ancestral, se veut un fervent dépositaire de cette histoire indélébile.
Toujours fidèle à sa tradition, elle se met en recueillement sur le promontoire où sont inhumées, en vrac, des dépouilles, en présence d’une flopée de personnages, toutes confessions confondues. Un rassemblement pathétique qui fait côtoyer, dans la communion extrême, l’Imam, le Prêtre et le Rabbin, psalmodiant, en leur oraison respective, les litanies théologiques à l’adresse des cadavres enfouis sous la terre bénite dont l’épitaphe, plantée à la devanture,constitue le geôlier éternel. On retiendra, en fait, ce sublime brassage religieux qui réchauffe les cœurs et dont le message est porteur de noblesse et de chasteté humaine.
Il est bien vrai que cette mémorisation d’une période sombre de l’histoire de la ville fait penser à ces milliers de morts, une nuit de ramadan de février 1960. Cependant, elle fait renaitre également des sentiments précieux de solidarité dont l’humanité locale, toutes sensibilités réunies, a besoin, en ces moments de perte des origines et de repères. Jeter un coup d’œil dans le rétroviseur, quels que soient ses circonstances, est toujours loisible pour se retrouver et se ressourcer pour les enjeux du présent et de l’avenir.