Imaginez qu’un jour les cigarettes disparaissent de nos marchés. Difficile à croire, pourtant c’est possible ! Après avoir réussi à imposer la cigarette comme un art de vivre sur tous les continents, les mastodontes mondiaux de tabac ont vu leurs produits, trop nocifs, se retourner contre eux.
Dès lors, ils ambitionnent depuis quelques temps déjà d’abandonner les cigarettes conventionnelles pour des produits alternatifs dits «potentiellement moins nocifs». C’est le cas d’ailleurs du leader mondial du marché du tabac Philip Morris International. «Le moment viendra où nous pourrons commencer à envisager l’élimination des cigarettes», déclarait pourtant André Calantzopoulos fin 2016 à Londres. Un pas qui a été rapidement emboité par Japan Tobacco International et British American Tobacco qui ont également décidé de se tourner vers les produits potentiellement à risque réduit. Il s’agit en effet, d’un revirement stratégique qu’on peut qualifier à première vue de paradoxale puisque ces opérateurs réalisent des bénéfices faramineux grâce à la vente des cigarettes conventionnelles puisqu’ils disposent des marques les plus connues et commercialisées dans le monde (respectivement, Marlboro, Winston et Dunhill).
Cependant pour mieux comprendre la vision long-termiste des opérateurs, il est important de savoir qu’en dépit des progrès enregistrés dans la plupart des pays depuis 1990 en matière de lutte contre le tabac, cette guerre est loin d’être gagnée puisque le nombre des fumeurs est en augmentation. Preuve en est, aujourd’hui un homme sur quatre et une femme sur 20 sont des fumeurs quotidiens, soit près d’un milliard, selon le rapport Global Burden of Diseases, établi par un consortium de centaines de scientifiques en 2015. Par conséquent, le nombre de décès attribués au tabac – plus de 6,4 millions en 2015 – a augmenté de 4,7 % depuis les années 90. Cette situation n’a laissé aucune partie indifférente dans ce dossier y compris les tabatiers eux-mêmes, qui ont décidé d’innover et de développer des produits potentiellement à risque réduit.
Désormais, des produits à base de tabac et moins nocif existent
Actuellement, ces produits sont déjà commercialisés sur les marchés internationaux et ont réussi à satisfaire de nombreux fumeurs adultes voulant continuer à fumer.Imperial Tobacco, à travers leur filiale de produits de consommation sans tabac,Fontem Ventures, a lancé la marque Blu d’e-cigarette. Les ventes de blu sont axées sur quatre marchés qui représentent entre eux plus de 70 pour cent du marché mondial de la cigarette électronique (les États-Unis, le Royaume-Uni, l’Italie et la France).
Japan Tobacco International (JTI) a ainsi lancé la Ploom, un appareil en forme de stylo qui chauffe des petites capsules de tabac à usage unique, commercialisé au Japon, en France et depuis quelques mois en Suisse. British American Tobacco (BAT) quant à eux testent depuis décembre 2016 au Japon et depuis avril en Suisse une «chaufferette» rectangulaire baptisée Glo, dans laquelle on insère des bâtonnets de tabac. En revanche, le groupe le plus avancé sur ce nouveau marché est Philip Morris, présent dans 26 pays dont le Japon, le Royaume-Uni et la Suisse avec sa marque IQOS, là aussi une sorte de stylo, avec des recharges en forme de cigarettes et une «lame chauffante contrôlée électroniquement».
Le principe du tabac chauffé développé par PMI, repose sur l’idée que c’est la combustion qui entraine inévitablement la production d’une multitude d’agents très toxiques pour l’organisme. Parmi les milliers de substances contenues dans la fumée, on comptera, par exemple, une bonne soixantaine de cancérigènes avérés, faisant du tabagisme la première cause de mortalité prématurée au monde. Pour éviter la combustion du tabac, les scientifiques du cigarettiers suisse Philip Morris International (PMI) ont développé une nouvelle mixture de tabac, qui permet à l’aide d’un appareil électronique de dégager un aérosol nicotiné à relativement basse température. C’est dans cette optique que le premier industriel mondial du tabac a créé l’IQOS. «L’élaboration de produits à la fois innovants et capables de réduire les risques pour les fumeurs et les effets nocifs globaux sur la population est tout autant utile qu’essentielle au développement des activités de Philip Morris International sur le long terme.
PMI s’engage, par conséquent, à mettre au point des produits innovants qui entraîneraient des bénéfices en matière de santé publique et transformeront l’industrie du tabac», affirme le management du groupe mondial sur leur site officiel. Toujours selon le site officiel du tabatier, ce nouveau produit réduit également le risque pour les fumeurs passifs puisque «l’aérosol généré par ce produit alternatif est de 90 à 95 % moins toxique que la fumée d’une cigarette». Déjà plus de deux millions de fumeurs adultes ont été convertis à ce type de produit. Pour développer ce produit Philip Morris a déjà investi pas moins de trois milliards de dollars dans la Recherche&développement depuis 2008, ceci en mobilisant quelque 400 scientifiques pour mettre sur pied son alternative à la cigarette conventionnelle.
Conciliation, une stratégie gagnante
Contrairement à l’idée reçue depuis plus d’une quarantaine d’années, l’intelligence et la virulence des industriels du tabac ne se limitent pas à l’aspect marketing du métier. Ces derniers ont prouvé être capables de mettre en place des stratégies conciliantes à même de les rendre alliées du premier rang des gouvernements et des organismes anti-tabac, alors qu’ils étaient leurs pires ennemies. Par exemple, le gouvernement du Royaume-Uni vient d’intégrer ces produits potentiellement à risque réduit dans «le plan de lutte anti-tabac»du pays pour la période 2017-2022,comme étant des alternatifs sûrs et basés sur la science, mais surtout acceptables par les fumeurs. Dans son document publié le 17 juillet sur son site officiel, le gouvernement a souligné que «il y a eu le développement et l’introduction très récente de nouveaux produits du tabac qui prétendent réduire le préjudice du tabagisme.
«Nous nous félicitons de l’innovation qui réduira les préjudices causés par le tabagisme et évaluera si certains produits ont un rôle à jouer pour réduire le risque de nuire aux fumeurs». Il en est de même pour l’agence américaine des produits alimentaires et médicamenteux, la «Food and Drug Administration» (FDA), qui a annoncé le 28 juillet 2017 un plan complet pour améliorer la santé publique en décourageant davantage l’utilisation des cigarettes et en encourageant les fumeurs adultes à passer à des alternatives moins risquées. Sur ce volet, il est important de préciser que l’enjeu de ces produits n’est pas que scientifique.
En d’autre terme, c’est la partie réglementation qui représente le plus grand challenge des tabatiers. Et pour cause, à en croire leurs arguments avancés dans la presse internationale, le développement de ces nouveaux produits alternatifs a nécessité d’importants investissements en recherches et développement ainsi qu’en processus industriel. Ainsi le coût de revient de ces produits spécialement en cette période de lancement reste très élevé en comparaison à celui de la cigarette conventionnelle. D’ailleurs, à titre d’information, pour pouvoir produire ses «HEETS», PMI a investi dans la reconversion de quatre usines (en Grèce, en Italie, en Germanie et en Romanie). Alors pour pouvoir commercialiser ces produits à un prix acceptable par le consommateur, ils doivent être intégrés à la catégorie des produits à risque réduit, afin de permettre aux industriels du tabac d’avoir une taxation adaptée. C’est en effet ce à quoi ont réussi les cigarettiers dans les pays où leurs produits sont déjà lancés. Une démarche logique, puisque cette taxation faible leur permettra de compenser le coût de production élevé de ces produits, mais surtout au gouvernement de réduire le budget de santé qui ne cessent d’augmenter à cause des maladies dues au tabagisme passif et actif.
En revanche, si l’industrie défend un système de taxation adapté à ces produits, Philip Morris poussent les limites encore plus loin. Le leader mondial défend une réglementation qui encadre et met en place des normes spécifiques aux produits alternatifs, innovants et surtout scientifiquement approuvés. D’ailleurs, ce dernier a même vu son dossier accepté auprès de la Food and Drug Administration (FDA) aux Etats-Unis, en vue d’approuver la commercialisation de ses produits en tant qu’alternatifs. Somme toute, bien que le débat sur les produits alternatifs au tabac n’est pas encore lancé au Maroc, l’importance qu’il accapare à l’international prouve que le développement et la généralisation de ces produits est chose imminente, y compris dans notre pays qui reste l’un des plus avancé dans la région et dans le continent africain en matière de lutte anti-tabac.
Ismail Harizi