Tout l’Hexagone a fait, samedi dernier aux Champs Élysées, ses ultimes adieux à Johnny Hallyday, le sublime panthéon qui fut porté au pinacle, dans un moment d’intense pathétisme. Le chantre racé qui a, durant plus de six décennies, fasciné des générations entières, par sa passion de fervent mélomane universel, rivalisant avec les ténors du blues et du rock’n roll de l’oncle Sam. Tout au long du cortège obséquieux, les larmes du lyrisme d’un million de Parisiens fendaient les cœurs brisés, au rythme des éternels sons du corbillard funeste.
«Le tombeau des morts est le cœur des vivants», disait un jour François Mauriac et que traduisaient, non sans émotion, ces contingents jovialement abattus par le sarcophage blanc de la dépouille, au seuil de la Madeleine. En dépit de la vive peine qui pesait atrocement, on scandait le nom du défunt chanteur et comblait les funérailles d’ovations ininterrompues. La France pleurait Johnny, un artiste de talent, comme elle avait pleuré De Gaulle, un politique de renom. L’art et la culture occupent, bel et bien, une place de choix, dans le pays des lumières, au même titre que les fondements de la nation, depuis qu’André Malraux, en tant que ministre des affaires culturelles pour la première fois dans les annales de la renaissance, plaçait le relèvement de la pensée et de la création dans les tréfonds de la ressource humaine, au cœur de l’édification de la nation.
Le glamour poignant que les tricolores, tous horizons confondus, ont fait rejaillir dans les diverses icônes patrimoniales de la capitale française, semait la compassion et forçait aussi l’admiration au sein non seulement des compatriotes du regretté, mais également chez les adeptes des valeurs de l’humanisme, partout dans les quatre parties du monde. Un instant somptueux qui dégageait un profond sentiment de ferveur et de gloire. Certes, comme confiait la sagesse d’Aristote, en menant un exercice de Catharsis dans l’esprit de la communauté, à travers l’art dans son emprise la plus noble, cette image de la cérémonie chevaleresque où se mêlaient l’oraison funèbre et la genèse admirable, revigorait l’âme pour un seul et unique concept qui n’est autre que la vie, car Johnny ne mourrait jamais dans les mémoires de ses fans.
Cette éducation de la reconnaissance que la France voulait, encore une fois, afficher au monde, par cette messe enivrée de majesté et de grâce, n’est que le message d’une nation, forte de ses enfants et de leurs legs, dans l’art et la culture, socles majeurs de l’édifice humain. Un bel enseignement qui s’offre à nos yeux, nécessaire au parcours d’un pays émergent comme le nôtre qui devrait être aussi fier et reconnaissant des siens, en magnifiant, de la manière la plus fastueuse, leur vie comme leur mort. C’est avant tout une question de dignité qu’il va falloir valoriser dans la vie quotidienne des citoyens qui grelottent du gel de la montagne, souffrent le dénuement de la campagne et endurent les monstruosités de la ville.