Mais pourquoi donc la grâce «humanitaire» accordée par l’actuel Président Péruvien à un vieil homme malade qui a même demandé pardon à ses compatriotes suscite-t-elle autant de controverses alors qu’il y a quelques mois à peine, 60% de la population avait applaudi quand Pedro Pablo Kuczynski avait déclaré sur les colonnes du magazine britannique «Time», en évoquant l’incarcération de l’ancien président Alberto Fujimori, que «le temps du pardon était venu»? Pourquoi donc, dès le lendemain de la libération de ce dernier, 5000 personnes sont-elles descendues dans les rues de Lima pour dénoncer cet élargissement?
Pour comprendre les faits, il faut revenir au 21 décembre dernier quand le président Kuczynski avait été entendu par la justice péruvienne après que «La Republica» ait révélé que le grand groupe brésilien de BTP, Odebrecht a déclaré avoir versé, entre 2004 et 2014 près de 4,8 millions de dollars de pots-de-vins à deux sociétés de conseil qui lui sont liées, à savoir, Westfield Capital et First Capital en contrepartie de contrats de marchés publics. Ayant d’abord nié les faits qui lui sont reprochés, le Président Kuczynski a fini par tout reconnaître et une procédure visant sa destitution a immédiatement été mise en route par le Congrès.
Il y a lieu de rappeler, au passage, que celui que le quotidien économique mexicain «El Economista» appelle le «gouffre Odebrecht» en a fait tomber plus d’un avant de faire courir ce risque à l’actuel président péruvien. En effet, ses prédécesseurs Alejandro Toledo (2001-2006), en fuite à l’heure actuelle, Alan Garcia (2006-2011) et OllantaHumala (2011-2016) encore emprisonnés, sont tous tombés dans ce fameux «gouffre». D’autres présidents sud-américains, dont les plus en vue sont bien entendu les anciens présidents du Brésil Lulla et DilmaRoussef, ont été également happés « par le tourbillon des alliances douteuses et rémunératrices du géant brésilien du BTP».
Aussi, pour contrecarrer la procédure visant sa destitution, le Président Kuczynski s’est trouvé contraint de chercher le soutien des partisans du vieux président Alberto Fujimori qui purge, depuis 2007, une peine de 25 années d’emprisonnement pour corruption et crimes contre l’humanité.
En conséquence, même si la majorité des péruviens n’est pas contre la libération d’un vieil homme malade alors même que cet élargissement contrevient aux promesses de campagne du Président Pedro Pablo Kuczynski, ce qui est clairement reproché à ce dernier c’est d’avoir «négocié» cette mesure avec les partisans de Fujimori dans le seul but de faire barrage à la procédure de destitution qui le menace.
Nabil El Bousaadi