Après quelques mois de mutisme, une flopée de la société civile à Agadir descend dans la rue, encore une fois, pour vomir son ire. Elle arbore à qui veut l’entendre, sa colère exponentielle face aux griefs de la cité qui s’offrent à ses yeux.
Cette manif pacifique s’est récemment produite sans incident ni regret. Ce sont des jeunes, toutes sensibilités confondues, qui ont jugé bon de s’atteler, comme son appellation l’indique, à «sauver» la ville de la négligence. Le message qu’elle brandit, haut et fort, s’adresse, non seulement aux décideurs locaux, mais également et surtout aux responsables centraux. Le réquisitoire appuyé qu’elle ne cesse d’infliger à cette nonchalance, aussi bien locale que centrale, traduit bel et bien, un profond sentiment de malaise, au sein des citoyens. Leur slogan aussi acerbe soit-il, n’est ni le désir de se dérober de son appartenance nationale ni l’envie de déserter vers d’autres cieux, comme son homologue du nord.
Cette crème de la ville n’est non plus ni rebelle ni insurgée contre le régime en place. Elle revendique, dans les règles de l’art, la justice spatiale dans son terroir, réclame l’intérêt tangible à son égard, sollicite l’investissement public dans son territoire…Cette flamme de la cité ne comprend toujours pas pourquoi le Pouvoir s’entête à tourner le dos à sa contrée dont le potentiel, tant naturel qu’économique, n’est pas un secret pour personne.
Au lendemain du séisme qui avait démoli la ville en 1960, on s’est pressé de la rebâtir, encore sous les décombres, avec l’idée d’en faire une station balnéaire de premier ordre, de la doter d’une destination halieutique de haute facture, de l’ériger en centre urbain de grande envergure…Quelques années plus tard, le tourisme peine à émerger, avec une capacité litière modique, la pêche à queue de poisson, le manque de ressources accaparée dans les eaux du Sud par les prédateurs de l’océan; l’urbanisation s’effectue dans la spéculation et l’anarchie déconcertantes, animées par des promoteurs immobiliers inciviques et voraces…
L’image qu’on avait promise à la ville était finalement un bluff, un quolibet, un subterfuge…Une cité si prisée et attractive est encore au stade de la collecte des ordures qui empestent ses recoins, en phase de traitement des artères jetées dans la pénombre, en étape de maintenance de la promenade côtière laissée pour compte… Aucun mégaprojet auquel l’Etat injecte un gros budget, alimenté par l’apport étranger, n’est encore prévu dans les lieux, à l’instar des métropoles du royaume. Un grand projet qui branlerait la physionomie d’une ville en léthargie et qui servirait d’un réel levier de développement. Certes, nombre de projets voient le jour, par-ci, par-là, sans grand impact sur la ville.
Des efforts louables sont déployés pour raviver un statu quo indolent dans le tissu socio-économique de la ville. Toutefois, sans jamais minimiser ces tentatives de redressement, Agadir a besoin d’un sérieux sursaut qui secouerait son cocotier mûr et dépoussièrerait son gisement fécond. C’est à ses instances locales de le faire, mais aussi à l’Etat de se rappeler qu’il avait promis monts et merveilles à cette ville martyre ! C’est ce qui fait marcher les jeunes dans la rue et les fait brandir les slogans de la sauvegarde, de la dignité et de l’équité!