Aïd Mouhoub: talent et humilité à équidistance

A quoi ressemblerait le théâtre marocain si Aïd Mouhoub n’avait pas existé? Les planches auraient été certainement sombres et ennuyeuses. Pourtant, ce grand comédien, au parcours exceptionnel, qui nous a quittés il y a 8 ans à l’âge de 81 ans, est tombé dans les oubliettes… malheureusement.

Mouhoub était l’une des figures de proue ayant préparé le terrain pour une nouvelle génération d’artistes et de comédiens. Il a, avec une poignée d’artistes, œuvré pendant des décennies en silence et dans l’ombre pour une scène artistique créative et engagée.

C’est en 1930 à Casablanca, que le comédien est né. La ville connaissait à l’époque des mutations sur tous les plans y compris artistique. A vrai dire,  faire du théâtre à ce moment  était une véritable aventure à risque. Rien n’était garanti… mais la passion guidait les gens.  Dès son jeune âge, Aïd fit son choix: devenir un célèbre comédien.

Pour ce faire, il lui fallut d’abord achever ses études primaires, découvrir un peu la vie et ses contraintes en  fréquentant une société où il avait  exercé le métier de menuisier avant de se jeter dans les bras de son premier amour : le théâtre. Dans ses débuts, il fréquenta les troupes de «théâtre d’art espagnol» avant d’entamer une carrière professionnelle au sein de la troupe de théâtre  «Noujoum Al Atlas» qui était sous la direction du dramaturge et acteur, Mohamed Hassan Al Joundi.

Le comédien, guidé par sa passion, parvint à se faire une place non seulement dans la troupe, mais aussi dans le paysage artistique et le théâtral national. La quête de soi et de son propre style le poussèrent à chercher d’autres expériences artistiques plus riches et épanouies. Ce n’était qu’une question de temps.  Après quelques années, Aïd fit un beau passage à la «maison de théâtre». Une période fleurissante où  l’acteur entra par la grande porte dans le professionnalisme.

Le théâtre avait vu ainsi naître l’un de ses enfants prodiges et artistes talentueux qui maîtrisait parfaitement ses rôles. Dans les années 60, le comédien tenta le petit écran. Il n’était pas le seul à participer aux productions télévisuelles à cette époque. Car, un bon nombre d’acteurs et de comédiens de sa génération participaient à ces productions. C’était un peu la tendance du temps.

Une passion pour le cinéma…

Les lumières et les projecteurs du cinéma séduisaient les comédiens et les artistes de l’époque.  Des années plus tard, des cinéastes sollicitaient Aïd pour des rôles. C’était une occasion à ne pas rater. Mais, en contrepartie,  l’artiste était prudent dans le choix de ses rôles et ses personnages qu’il incarnait dans  les films. L’image comptait beaucoup pour lui. Son talent s’est confirmé au fil du temps sur la scène artistique et cinématographique. Fidèle aux planches, Mouhoub retourna aux origines, au théâtre où il avait fait ses premiers pas, pour se lancer dans  la réalisation en travaillant sur plusieurs projets pour la troupe de théâtre «El Wafaâ» de Marrakech.

Un parcours qui défie l’amnésie

Le public des années 80 se souviendra de la pièce à succès «Le mariage d’Abderraouf» qu’il avait mise en scène pour le comédien, Abderrahim Tounsi, alias Abderraouf. Une pièce qui a fait rire aux éclats les Marocains. Après ce succès, le comédien commença à jouer dans des films marocains. Son premier rôle était dans le long métrage de Hakim Nouri «Le marteau et l’enclume» qui lui valut le Prix de la meilleure interprétation masculine au 3e Festival du film national de Meknès en 1991. En revanche, malgré tous ces succès et consécrations dans le 7e art, le théâtre circulait dans ses veines. Mouhoub était de retour encore une autre fois sur les planches pour jouer des rôles dans les pièces «Abbas et Belkas à Las Vegas» et «Attahouna».

L’artiste consacra et sacrifia sa vie à l’art et la création et aux rôles joués dans le théâtre, la télévision en passant par le cinéma. Il a laissé une marque indélébile dans le monde théâtral qui défie l’amnésie et l’oubli.

Mohamed Nait Youssef

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