Mohamed Oueld Alfadel Ezzahou
Avec la pandémie du virus Corona, et à l’instar des toutes les épidémies ou maladies graves facilement transmissibles et dont la contamination est très difficile à contenir, le risque infectieux est particulièrement élevé dans les lieux de travail.
Au Maroc, le nombre de cas atteints de Covid 19 enregistré au niveau des sites de production ne cesse d’augmenter jour après jour ainsi le nombre de foyers épidémiques au milieu de travail est très inquiétants. Tout l’effort, très applaudi, consenti par l’Etat et les citoyens pour limiter les effets de cette pandémie pourrait tomber à l’eau avec la négligence de certains chefs d’entreprises et la passivité des structures chargées de la prévention, la sensibilisation et du contrôle des mesures de sécurité aux milieux de travail.
Après l’incendie de l’usine de Rosamor à Lissasfa, survenu en avril 2008 et qui avait fait 55 morts et plusieurs blessés, notre pays, a bien retenu le message du rôle «vital» du respect strict des règles de sécurité d’hygiène et de santé au milieu de travail ainsi que de la protection individuelle avec la mise en place d’une organisation de travail adaptée . Ces mesures permettent, sans nul doute, de limiter le risque épidémique ou pandémique au sein de l’entreprise et par conséquent sauver la vie économique de l’entreprise et de notre pays.
Cette tragédie de 2008, a donné naissance, entre autre, à l’Institut National des Conditions de Vie au Travail (INCVT), qui était une des recommandations de la commission interministérielle présidée par le M. le Ministre de l‘Industrie du Commerce et des Nouvelles Technologies mise en place, sur Hautes Instructions Royales, après cet incendie.
Ladite commission a été chargée de la mise en œuvre des mesures réglementaires et des dispositifs nécessaires pour renforcer la sécurité et la prévention des risques au milieu de travail et ce depuis sa création. D’ailleurs, en ce moment de crise, son rôle devrait être plus accru vu que la santé et la sécurité des salariés et par conséquence de la population est une priorité nationale. Dans cet article, nous allons poser la question sur ce rôle justement et comprendre que fait l’institut concrètement maintenant?
INCVT : Création, composition et missions
Crée en 19 Mai 2010, dans le cadre des recommandations de la commission suscitée, par arrêté conjoint du Ministre de l’Industrie et de Commerce et du Ministre de l’Economie et des Finances, sous forme d’un Groupement d’Intérêt Public (GIP) doté de la personnalité morale et de l’autonomie financière, l’INCVT, après sa récupération par le Ministère du travail en 2018 du Ministère du commerce et de l’industrie, compte parmi ses membres fondateurs : l’État, représenté par douze Départements Ministériels et l’Agence Nationale pour la Promotion de la PME. Ils sont représentés au sein du Conseil d’Administration, actuellement présidé par le Ministre du Travail, qui décide de l’organisation et du fonctionnement de l’INCVT, oriente sa politique, élabore sa stratégie et adoptent son plan d’action et son budget.
L’INCVT a pour mission la promotion de la sécurité et la santé sur les lieux de travail. Son activité est censée s’étendre sur l’ensemble du territoire national. Il travaille en collaboration étroite avec l’ensemble des acteurs de la prévention, nationaux et internationaux. Il dispose d’une structure qui se compose de trois départements avec des entités telles que : Epidémiologie observatoire, sécurité au travail et équipement de protection, assistance médicale et techniques, communication et développement de la prévention, hygiène et toxicologie industriel, ergonomie et organisation de travail.
COVID 19 au Milieu de Travail : l’INCVT le grand absent !
Avec un budget de fonctionnement de de 3Mdhs en 2019 et 2.5Mdhs en 2020 et un budget d’investissement en 2020 qui atteint 3Mdh[1], et une structure dont la raison d’être est la prévention et la sensibilisation et l’accompagnement des entreprises dans le domaine de la santé et sécurité au milieu de travail . L’INCVT se trouve Hors-jeu de la mobilisation nationale. Aucune action n’a été entamée. Son nom n’est cité nulle part, pas même par le département de tutelle. Le budget a été consacré à l’achat de la voiture pour Le Directeur et la location d’une villa luxueuse au quartier le plus huppé de Rabat.
Au niveau de la communication, tous les sites nationaux contiennent des appels à la mobilisation nationale et donnent des consignes pour la protection de la pandémie coronavirus, sauf le site de l’INCVT (incvt.ma) qui affiche les photos de son CA et des Salons des dernières années. AUCUN mot sur la pandémie. L’Institut n’est-il pas concerné ou se trouve- t-il sur une autre planète ?
Une structure publique avec de telles missions, de tels moyens, crée suite à une tragédie nationale, ne doit-elle pas faire l’objet d’un questionnement et reddition de compte en ce moment de crise sur son vrai rôle ? Ne doit-il pas se réveiller de cette léthargie dans laquelle il baigne depuis des années ? Et son Ministre de tutelle, ne doit il pas lui aussi se réveiller pour faire les contrôles et inspections à cet institut?
Dans le cadre de sa mission préventive, ne doit–il pas participer à la lutte contre la propagation du Covid-19, au moins par:
– la diffusion, à l’attention des employeurs et des salariés, de messages de prévention contre le risque de contagion ;
– l’appui aux entreprises dans la définition et la mise en œuvre des mesures de prévention adéquates contre ce risque ;
– l’accompagnement des entreprises amenées, par l’effet de la crise sanitaire, à accroître ou adapter leur activité.
Dans ces contextes de crise, les entités publiques en lien avec la santé et la sécurité au travail, ont un rôle très primordial. L’exercer activement leur permettra, sans doute, de contribuer à la confiance tant au sein de l’entreprise que dans le pays.