Nabil El Bousaadi
Dix-neuf marins tués, une quinzaine d’autres blessés et le «Konarak», un navire de soutien logistique de 447 tonnes et 47 mètres de long équipé de quatre missiles de croisière, sérieusement endommagé après avoir été atteint «accidentellement» par un missile tiré depuis la frégate «Jamaran», un des fleurons de la flotte iranienne déployé en mer depuis 2010 et le premier destroyer entièrement fait maison.
L’incident a eu lieu dans une zone de tensions récurrentes, au moment où, d’après un communiqué de l’état major des armées, le navire «déplaçait une cible d’exercice vers sa destination sans créer suffisamment de distance…». Tel est le résultat de l’exercice mené, ce dimanche, par la marine iranienne, au large de la ville de Bandar-e Jaskdans dans le Golfe d’Oman qui abrite une base navale et un aéroport militaire.
Mais si les causes exactes de cet accident demeurent encore inconnues, force est de reconnaître que les visées de l’exercice lui-même restent floues. Or, qu’il s’agisse d’un test effectué sur un nouveau missile de croisière anti-navire comme l’évoque certains médias iraniens ou du fameux missile «Nour» dont la frégate est déjà équipée, ceci est, sans conteste, un sérieux revers pour les forces armées iraniennes qui, après avoir connu certains succès opérationnels et technologiques, dont la récente mise en orbite d’un satellite militaire, semblent multiplier les échecs et les déboires au moment où les tensions avec Washington sont à leur paroxysme.
La plus grosse bourde a été effectuée le 8 Janvier dernier – cinq jours après l’assassinat du général iranien Qassem Soleimani par les forces américaines stationnées en Irak – lorsqu’un missile tiré par la force aérospatiale des Gardiens de la révolution avait détruit, juste après son décollage de l’aéroport de Téhéran, un Boeing 737 des lignes aériennes ukrainiennes ayant à son bord 176 passagers, pour la plupart de nationalité iranienne.
Peu auparavant, un sérieux affrontement avait failli dégénérer entre Washington et Téhéran lorsque les forces iraniennes avaient abattu un drone de surveillance américain au motif qu’il aurait violé leur espace aérien ; ce qu’à l’époque le Pentagone avait formellement démenti.
Plus récemment, le 15 Avril dernier, dénonçant le harcèlement que des bateaux iraniens avaient fait subir à des navires américains dans la voie navigable, le président américain Donald Trump avait, dans un Tweet, ordonné à l’US Navy de «tuer et détruire toutes les canonnières iraniennes si elles harcelaient des navires US en mer»; ce à quoi le président Hassan Rohani avait répondu que Washington «ne devrait pas comploter contre la nation iranienne (qui) protège cette voie navigable depuis des milliers d’années».
Mais au-delà des conséquences internes pour la marine iranienne qui s’est elle-même «sabordé», l’accident de ce dimanche préoccupe bon nombre de pays dans la mesure où plus d’un tiers du pétrole consommé dans le monde transite par la mer d’Oman qui constitue une porte de sortie du golfe Persique vers l’océan Indien et qu’à ce titre les forces navales de toutes les puissances y sont présentes. Ainsi, on peut y croiser des bâtiments américains, européens, britanniques, russes voire même chinois puisqu’en décembre dernier ceux-ci avaient participé à un exercice conjoint avec les forces armées iraniennes. L’endroit étant donc une véritable poudrière et une déflagration n’étant pas à écarter, attendons pour voir…