Le spleen de Mohamed Belmou…

Mohamed Nait Youssef

La poésie sert-elle à quelque chose en ces temps fragiles et froids ? La voix du poète tombera-t-elle, désormais, dans des oreilles intelligentes, attentives d’une humanité ayant avalé sa langue? Que valent-elles alors, toutes ces paroles qui raisonnent dans le ventre d’un poème à venir, qui troublent dans les tripes d’un vers orphelin et errant? Solitaire.

Le poète porte ses maux un peu plus loin d’ici. Là-bas, où les mots donnent des ailes à l’imaginaire et pansent les plaies  de l’âme. Ainsi, certaines poésies sont portées par les vents alizés à la quête des nouveaux territoires ensoleillés et vastes. Telle la poésie de Mohamed Belmou: profonde, médiatrice et actuelle.

 «Taânate fi Dahri Al Hawae», littéralement «Coups durs dans le dos de l’air», est l’intitulé de  son dernier recueil de poésies paru aux Editions «RVB».

Le titre choisit par le poète est d’une profondeur poétique donnant à méditer un univers fragmenté entre des thématiques fondamentales, à savoir la trahison, la vie, la liberté, la création et la continuité.

Le poète est habité par un chagrin creusant des puits infinis dans sa verve. Ainsi, depuis le départ définitif de sa petite-fille «Arij», les mots de Belmou puisent dans  son spleen interminable et ses émotions déchirées. A vrai dire, les paroles ont leurs  raisons que la poésie elle-même ignore! Or, dans ce florilège de 15 poèmes, le poète voyage par le truchement du langage poétique à l’autre rive, à l’autre monde, son monde… loin de la noirceur et des bonheurs factices de son vécu.

D’un poème à l’autre, un fil d’Ariane se tisse avec un espoir tant attendu et recherché. «La poésie est ma demeure éternelle ! Et mes mots se nourrissent de ma solitude, de  mon étrangeté», confie le poète. Les mots ont toujours la peau dure un peu comme les temps résistant aux vents et marées de la vie.

«La poétique du tragédien dans son nouvel recueil «Taânate fi Dahri Al Hawae» ne nous expose pas face à un ego miné par la douleur et épuisé par la perdition, les tristesses et les malheurs, mais nous place devant un corps «sisyphique» très attaché à l’univers et fort enclin à contrecarrer le mal et les destins haïssables», écrivait l’universitaire et chercheur esthète, Mohammed Chiguer dans la  préface du livre.

Dans «Taânate fi Dahri Al Hawae», le poète interroge le sens de l’existence et celui de la poésie. Rien alors ne pourra traduire cet attachement à la vie avec ses hauts et ses bas sans cette poétisation du monde, du vecu.

Belmou compte à son actif trois recueils dont «Hamaqat Assalmoune» (Les folies du saumon), un recueil sorti en de poésies en 2007 avec la collaboration de Abdelaati Jamil, «Sawt Attourab» (Son de la poussière) paru en 2011 aux éditions de l’Union des écrivains du Maroc (UEM), «Ramad Al Yaqine» (Cendres de la conviction) et la pièce de théâtre «Âne malgré lui» (2018) écrite en coopération avec le scénariste et écrivain marocain Abdelilah Benhadar.

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