Enseignement et Darija: Les enjeux sont ailleurs…

L’on assiste, les réseaux sociaux aidant, à une polémique sur l’introduction d’expressions du dialecte marocain dans certains manuels scolaires du Primaire.

Car à défaut de réforme profonde et utile du système éducatif et d’enseignement au Maroc, l’on se rabat sur l’introduction de la darija dans certains manuels scolaires, alors que le pragmatisme veut que l’on discute la problématique en termes d’utilité pour l’apprenant, demain sur le marché du travail, surtout que ce n’est pas la darija qui va le sauver, est-on tenté de répondre…

La toile, étant immense et hautement plurielle, l’on recourt au vrai et au faux pour revenir à un débat vieux de près d’un demi-siècle, repris aujourd’hui par certains experts et pédagogues. Des internautes, de tous bords, s’y mêlent, en grands connaisseurs et donneurs de leçons.

La problématique semble plus simple et se situe au niveau de savoir quelle place, aujourd’hui et demain, la langue maternelle doit-elle occuper dans l’apprentissage du bas âge. Et uniquement à ce niveau, car il ne s’agit pas d’instaurer le dialectal au collège, lycée ou encore moins à l’Université.

Et si des experts établissent que les enfants qui n’apprennent pas, à l’école maternelle ou durant les premières années du primaire, par la langue maternelle, sont sujets à marginalisation ou à échec. Ils estiment que la langue d’enseignement et celle maternelle doivent être les mêmes sinon assez proches.

C’est une vieille histoire qui fait que la langue familiale rapproche de l’entourage et le contact est plus aisé avec l’héritage culturel.

Mais elle éloigne de l’environnement global et de la globalisation en cours dans le monde moderne d’aujourd’hui.

Le multilinguisme, impérativement…

Il est vrai que l’apprentissage de la langue arabe classique éloigne, un peu, du dialecte populaire et du savoir culturel séculaire.

Certes l’introduction du dialecte maternel dans le système éducatif peut représenter quelques avantages et un plus. Mais à côté de l’impératif d’un début scolaire avec l’apprentissage de plusieurs langues étrangères, utiles pour l’avenir, est sans nul doute crucial.

Il est vrai aussi qu’à bas âges, les bambins apprennent mieux, vite et beaucoup. Et l’introduction, dans l’enseignement préscolaire d’un système d’enseignement multilingue peut apporter de la qualité aux cursus scolaires et universitaires.

Cela dit, peut-être qu’il faudra penser à un enseignement, basé essentiellement, sur la langue maternelle et destiné aux régions les plus reculées et marginalisées, sans toutefois, les priver du multilinguisme, comme base fondamentale de l’apprentissage.

Et si, déjà, le dialecte marocain (lequel ? il y en a plusieurs) s’avère en conflit avec la langue officielle qu’est l’arabe, il n’en demeure pas moins que le débat mérite d’être posé. Mais pas de la même manière que posé sur les réseaux sociaux ou par le Ministère de tutelle.

Je crois que l’urgence, aujourd’hui pour le Maroc, est de poser le jalon d’un enseignement qui répond à la conjoncture, actuelle et future du monde. Car, l’enseignement et l’éducation ne sont que des moyens pour assurer la prospérité de soi, celle du pays et de l’environnement immédiat.

Une volonté politique inébranlable et des moyens

Aussi, le fait de déplacer le débat sur la réforme globale et profonde du système éducatif, qui exige, non seulement une volonté politique inébranlable, mais surtout des moyens adéquats à sa réalisation, en matières de coûts, de recrutement, de formation, d’encadrement et d’adaptation au nouveau système souhaité.

Il est clair que nos enfants et nos jeunes, à cause d’énormes hésitations du pouvoir politique qui a chamboulé tout le système à la fin de la décennie 1970, paient, aujourd’hui, lourdement ces choix jugés, depuis, d’un autre âge.

Le coup de grâce a été donné et ses conséquences néfastes pour le développement multiforme de notre pays sont palpables et causent de véritables freins au progrès général, l’efficacité du système éducatif étant la base du développement de la société et de ses avancées.

Car l’on ne peut introduire, même à petites doses, une quelconque «innovation» sans la formation des enseignants à la didactique du dialecte introduit.

Dans la réponse gouvernementale, il y a lieu de constater la bourde commise en présentant une nomenclature de la darija, qui est en fait d’origine turque ou étrangère. Dès lors, qu’est ce qui nous empêcherait de recourir à tous ces mots de la darija qui sont issus d’étapes historiques liées à la colonisation ou à sa proximité (l’empire ottoman en Algérie)…

Engager une réflexion et des recherches sérieuses

Cela dit, il faudra avouer qu’il est assez délicat de mettre en place des programmes d’apprentissage en dialecte marocain. Cela nécessite beaucoup de temps et de réflexions et de recherches linguistiques et pédagogiques.

Aujourd’hui, le marocain moyen ne maitrise ni une langue ni une autre. Allez regarder les copies des examens à l’Université ou même le niveau linguistique de certaines thèses universitaires… pour vous rendre compte de la réalité linguistique dans notre pays…

Il y a un décalage indélébile entre la langue de l’enseignement, généralement l’arabe et parfois le français, et la langue de travail qui est souvent le français et, de plus en plus, l’anglais.

Je crois que la balle est dans le camp des politiques, des spécialistes et experts de l’éducation et des systèmes éducatifs pour nous éclairer sur cette problématique.

Il faudra, attendre, des réponses prioritaires sur la réforme générale du système éducatif, loin des jeux politiciens et exclusifs des nombreuses populations qui rappellent le fameux «Maroc inutile».

Mohamed Khalil

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