Entre le coût social et l’inefficience

par Mustapha Labraimi

Comme partout ailleurs, le besoin de réformes est patent dans notre société. Ici, son exigence s’exprime dans tous les discours qui meublent la vie quotidienne de la population. Il traduit ses aspirations et exprime ses doléances.On le retrouve aussi dans les promesses électorales et à plus forte raison dans les déclarations gouvernementales.

Ce besoin de mettre à niveau les relations sociales par la réglementation provient de la transformation de notre société elle-même sous l’effet de son ouverture au brassage international des échanges, des idées et des personnes. Si certaines actions dans ce sens sont entreprises,au risque parfois de s’étaler sur des années, pour aboutir à une loi dont l’application n’est pas toujours mise en œuvre ; d’autres, comme la généralisation de la facturation numérique, entre autres, seront remises à plus tard.

Il se réalise parfois sans trop de difficultés et arriveà vaincre les résistances, alors que dans certains cas, il perdure, se transforme et se réalise sous une forme plus « acceptable », gardant l’idée, mais perdant l’essentiel pour qu’elle se réalise concrètement.

Depuis les années 80du siècle précédent, le désengagement de l’Etat au profit du privé se continue ; des réformes des institutions publiques sont entreprises dans ce sens avec une continuité remarquable.

Que l’on soit d’accord ou non avec ce processus ; on remarque que sur le papier, l’approche est argumentée et l’équilibre entre les exigences de « la poursuite des politiques de privatisation et de libéralisation » et celles du maintien de la cohésion sociale par « le renforcement de l’action sociale au profit des populations défavorisées » est considéré.

Toutefois dans la réalité, c’est autre chose.Des effets pervers de la marchandisation menée tous azimuts compromettent la réussite des réformes entreprises et créent des rétrogradations dans la société.

Si cela est reconnu d’une manière ou d’une autre, aussi bien par les décideurs que par leurs opposants, le recours à des cataplasmes ne fait qu’augmenter l’inefficience du changement prometteur envisagé. L’histoire du « Nouveau Modèle de développement » et du rapport de le Commission spéciale désignée à cet effet constitue une illustration de cette action caractérisée par l’expression populaire « Mes yeux le convoitent, mais je n’arrive pas à l’accomplir ».

On pourra rétorquer que les temps sont durs ; sauf que c’est en ces moments de crise, semble-t-il, que la réussite de la réforme est propice ; à condition qu’elle soit comprise et entreprise comme une amélioration des relations et des activités sociales et non comme une réponse à une injonction idéologique issue d’un ajustement structurel ne visant que le profit plus que le développement humain.

De ce fait, sans vouloir prétendre à l’exhaustivité des réformes entreprises dans le pays et des conséquences de leur gouvernance sur la population, les systèmes de l’enseignement et de la santé se sont fragilisés beaucoup plus qu’auparavant.L’inadéquation de l’éducation et de la formation avec le marché de l’emploi reste toujours beaucoup plus un élément du discours qu’une transformation réelle de notre système éducatif.La dégradation du service rendu dans le domaine de la santé publique est ressentie par la population qui commence à croire fermement que les « hôpitaux vont être vendus ». D’autres exemples peuvent être cités à l’instar du nombre de faillites des entreprises qui augmente, du chômage qui s’accroît, des dysfonctionnements que connaît le commerce intérieur, de l’informel qui sévit, de la mauvaise gestion de la ressource hydrique, de l’environnement littoral qui se dégrade …etc.

Notre société se trouve par cela agitée par ce courant néolibéral sans qu’elle adhère à ses objectifs inégalitaires.  Le coût social qui en résulte s’aggrave par son impact sur le politique et affaiblit la consolidation du processus démocratique. L’argent devient absolu et érode les valeurs humanitaires.

Pour le bien de tous, il est temps detransformer complètement notre façon de penser la réforme, afin que le changement devienne progrès pour l’ensemble de la société.

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