Formation-emploi, un difficile mariage

Mongo Beti, Achille Mbembe, Patrice Nganang… le Cameroun compte plusieurs intellectuels célèbres, purs produits ou produits partiels de son système éducatif. Toutefois, ce système, hérité de la colonisation, est aujourd’hui l’objet de plusieurs critiques. Avec la montée du chômage des diplômés dans le pays, élèves, étudiants, enseignants, pédagogues tirent à boulets rouges sur un système décrié entre autres pour l’inadéquation entre la formation et l’emploi qui pèse lourd sur l’avenir des jeunes et inévitablement sur l’économie du pays. De nombreux étudiants camerounais, notamment ceux du public, nourrissent chaque jour le rêve de franchir le campus d’une université européenne… Les détails.

Etudier garantit-il vraiment un emploi dans le futur ? Cette question et bien d’autres connexes taraudent l’esprit de plusieurs jeunes Camerounais. Au vu des résultats d’une enquête du Fonds national de l’emploi (FNE), ce n’est pas le marché de l’emploi camerounais qui serait le seul à blâmer, mais aussi le système éducatif. En effet, selon le FNE, 65% des diplômés du pays ont des ressources disproportionnées aux besoins en qualité et en quantité du monde de l’emploi. Mieux encore, à l’issu de leurs formations, leurs diplômes ne leur confèrent pas une certaine technicité ou des compétences pratiques pour satisfaire les besoins des entreprises. L’enquête nationale sur l’emploi de 2014 révèle parallèlement que le manque de qualifications constitue l’une des contraintes majeures à la création d’emplois dans l’industrie chimique et métallurgique, les infrastructures, les travaux publics, la finance et les télécommunications dans le pays. Bien plus, le secteur agricole, maillon clé de l’économie nationale, souffre d’un manque d’ingénieurs agronomes et d’experts pour innover, notamment en matière de techniques de cultures.

A dire qu’il existe un fossé entre les attentes des recruteurs et le profil des candidats. Sachant que plus de 90% des étudiants se tournent vers les universités et facultés classiques publiques (presque gratuites) où sont dispensées généralement des matières fondamentales et traditionnelles inadaptées aux besoins du marché, et que seulement 6% optent pour les facultés et instituts de technologies, il faut dire que l’économie du pays et l’avenir des étudiants sont mis à mal. Par ailleurs, l’enseignement technique et professionnel a généralement été le parent-pauvre du système éducatif du pays. Celui-ci souffre de préjugés défavorables qui le cantonnent au travail manuel. D’ailleurs sont orientés systématiquement vers l’enseignement technique, les élèves n’ayant pas un parcours brillant ; ceux évoluant dans l’enseignement général étant considérés comme les plus doués. Il y’a quelques années encore, les élèves de l’enseignement technique ne pouvaient accéder aux universités du pays.

Même si c’est le système LMD qui valorise le rapport entre la formation, la recherche et le monde de l’emploi, est en vigueur au Cameroun, celui-ci a du mal à décoller. Plusieurs facteurs intrinsèques au système éducatif du pays sont pointés du doigt, entre autres le contenu des formations. Bien que dans plusieurs instituts universitaires de technologies et instituts de formations, la renommée des licences professionnelles gagne en terrain, surtout dans le privé, les contenus des formations ne sont pas toujours au rendez-vous. D’aucuns épinglent les problèmes de gouvernance. Selon une étude de la Banque mondiale sur l’éducation au Cameroun, l’un des problèmes serait l’insuffisance des capacités de gestion aux différents niveaux de décision. Il y’aurait un manque d’outils de gestion axés sur les résultats des formations et un manque de transparence au niveau des établissements scolaires. Ce qui obstruerait toute amélioration du fonctionnement du système et de la qualité de l’enseignement. D’aucuns dénoncent le manque d’infrastructures. A l’ère de la mondialisation et des avancées technologiques, le pays ne compte que deux universités d’ingénierie et de technologie et deux universités d’agronomie…, ce qui est inadapté aux besoins professionnels du pays. Sans compter le break qui existe entre l’université et l’entreprise et qui empêche un travail cohérent pour satisfaire les attentes des différentes parties prenantes.

La population camerounaise étant essentiellement jeune, le défi d’une formation adaptée aux besoins du marché de l’emploi se pose avec acuité.  Plusieurs en appellent à une réforme urgente de l’enseignement technique et de la formation professionnelle, pour doter le marché de techniciens qualifiés et compétents afin de répondre aux exigences du développement technologique. Sans oublier de mettre en place des mesures pour booster l’auto-employabilité formelle des jeunes, une alternative au sous-emploi qui gangrène dans le pays. Et développer des partenariats public-privé en vue d’une meilleure gouvernance, gestion et financement des établissements de formation professionnelle.

En effet, le système éducatif camerounais comporte trois types d’enseignement : enseignement de base, secondaire et supérieur. L’éducation y est encadrée par l’enseignement public qui relève de l’Etat et l’enseignement privé constitué du privé laïc et religieux. L’une des particularités du système éducatif camerounais est le bilinguisme. On peut y étudier en français et en anglais et obtenir des diplômes équivalents.

Danielle Engolo

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