Réglementation des banques participatives au Maroc

Entretien avec l’avocate Maître Kaltoum Jiddi

Al Bayane: Quels sont les principes sur lesquels reposent la finance participative ?

Maître Kaltoum Jiddi: La finance participative est fondée essentiellement sur cinq principes qui trouvent leurs sources dans la Chariaa, il s’agit de :

La prohibition de riba ou intérêt : l’interdiction concerne l’application de tous types d’intérêt, qu’il soit simple ou composé, utilisé dans un but productif ou à la consommation.

L’interdiction du Gharar et du Maysir  : qui signifie  l’incertitude, le hasard et l’ambiguïté. En effet, est interdite toute forme de contrat dans lequel le droit des parties contractantes dépend d’un événement aléatoire. Ainsi, chaque contrat doit avoir tous les termes fondamentaux (tels que l’objet, le prix, les délais d’exécution et l’identité des parties) clairement définis, sans ambiguïtés au jour de sa conclusion.

L’interdiction des activités illicites : le système financier participatif proscrit tout investissement dans les activités illicites. Certains secteurs d’investissement sont totalement interdits, tels que les activités en relation avec l’industrie de l’alcool et du vin, les jeux du hasard, l’armement, l’industrie porcine….

Le partage des profits et des pertes (PPP) : Dans le cadre d’un système financier participatif, les profits et pertes engendrés par un projet doivent équitablement être répartis. Ce système permet d’associer le capital financier au capital humain, et exige que la participation doit être fixé dans une proportion et non par un bénéfice à la signature du contrat. 

L’asset-backing : cela signifie que toute transaction financière doit être adossée à un actif tangible, réel, matériel et identifiable. Le système financier participatif favorise l’investissement dans l’économie réelle qui est productive de richesse palpable.

Quel cadre juridique pour les banques participatives au Maroc ?

Le Maroc s’est doté en mars 2015 d’une nouvelle loi bancaire , c’est la loi n°103.12 relative aux établissements de crédit et organismes assimilés, cette loi a consacré toute une partie aux banques participatives.  Le législateur marocain a donc choisi d’intégrer le cadre juridique des banques participatives au sein de la loi bancaire et a aussi opter pour la dénomination de banque participative ou de manière plus général finance participative au lieu de « islamique », et ce, dans un souci de cohérence avec les banques classiques dite conventionnelles et aussi afin d’éviter de porter atteinte à leurs intérêts.

Quant à la configuration des banques participatives au Maroc, différentes options sont proposées, à savoir des fenêtres islamiques qui sont des entités au niveau des banques conventionnelles offrant des produits bancaires participatifs conformes à la Chariaa, comme est le cas de Dar Al -Amane créé par la Société générale Maroc; et les banques participatives qui représentent une filiale de banque islamique étrangère qui généralement prend la forme d’un partenariat entre les banques locales et les banques islamique étrangères, comme est le cas de Umnia Bank lancée par CIH Bank en partenariat avec Qatar International Islamic Bank .

Quels sont les services et  produits participatifs proposés par les banques participatives ?

Des techniques alternatives au financement basé sur l’intérêt ont été développées par les banques participatives.  Ainsi, outre les opérations bancaires classique (les services et opérations d’investissement, de gestion d’instruments financiers …), les banques participatives proposent  à leurs clients des produits et services  participatifs  conformes aux règles de la Chariaa,   notamment :

La Murabaha : c’est le produit participatif le plus utilisé, et est commercialisé par les banques participatives marocaines. En effet, c’est un contrat par lequel une banque participative vend à son client un bien meuble ou immeuble déterminé et propriété de cette banque à son coût d’acquisition augmenté d’une marge bénéficiaire, convenus d’avance entre les parties .la banque supporte donc les risques liés à la détention de l’actif et ceci constitue la principale justification de sa marge. D’un autre côté́, il n’y a pas de référence explicite à un taux d’intérêt, puisque la banque se rémunère par le biais d’une majoration du prix d’achat du bien et non par un taux d’intérêt et par ailleurs le montant de la marge bénéficiaire ne varie pas dans le temps : il est fixé au préalable et ne varie pas pendant la durée du financement.

Par ailleurs, trois formes de Murabaha sont proposées par les banques et fenêtres participatives marocaines à savoir : Murabaha immobilière, Murabaha automobile et Murabaha équipement. 

Ijara : C’est un contrat de location de bien meuble et immeuble entre la banque participative et son client. L’Ijara prend l’une des deux formes suivantes : soit  Ijara tachghilia, lorsqu’il s’agit d’une location simple  ou  Ijara Montahia bi-tamlik, lorsqu’au terme de la location, la propriété du bien, meuble ou immeuble, loué est transférée au client selon les modalités convenues entre les parties.

La Musharaka : La Musharaka désigne tout contrat ayant pour objet laprise de participation, par la banque participative , dans le capital d ’ une   société existante ou en création, afin de réaliser un profit. Les parties supportent les pertes à hauteur de leur participation et partagent les profits selon un pourcentage prédéterminé.

La Mudaraba : Tout contrat mettant en relation une ou plusieurs banques participatives ( apporteurs de fonds)  qui fournissent le capital a  un ou plusieurs entrepreneurs qui apportent leur travail en vue de réaliser un projet générant des bénéfices . Ces bénéfices sont partagés entre les parties , tandis que les pertes sont supportées exclusivement par la banque participative sauf en cas de négligence ou mauvaise gestion de l’entrepreneur.

Salam : c’est un produit dont l’objectif est de de permettre aux entreprises de disposer de la liquidité nécessaire à leur production, en finançant leur besoin en fonds de roulement. En effet, c’est un contrat en vertu du quel duquel l’une des deux parties, banque participative ou client, verse d’avance le prix intégral d’une marchandise dont les caractéristiques sont définies au contrat, à l’autre partie qui s’engage à livrer une quantité déterminée de  ladite marchandise dans un délai convenu. Bank Al Yousr est la première banque participative au Maroc à lancer la commercialisation du  produit Salam .

Istisnaa : C’est un contrat d’entreprise par lequel une partie demande à une autre partie de lui fabriquer ou construire un ouvrage moyennant une rémunération payable d’avance de manière fractionnée ou à terme .

Quelle garantie ou protection pour les déposants des banques participatives ?

En effet , la loi bancaire a créé un fonds spécifique pour les banques participatives , dénommé «fonds de garantie des dépôts des banques participatives », gérés par la société marocaine de gestion des fonds de garantie des dépôts bancaire, et qui a pour objectif d’assurer une protection pour les déposants des banques participatives en les indemnisant en cas d’indisponibilité de leurs dépôts et detous autres fonds remboursables.

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