Abdallah Zrika
Mohamed Nait Youssef
Abdallah Zrika est l’un des poètes marocains et arabes contemporains les plus importants. En effet, sa poésie puissante et son écriture incisive n’ont pas pris une seule ride. Né en 1953 à Casablanca, Zrika est à la fois poète, romancier et performeur ayant travaillé et collaboré avec de nombreux artistes mondiaux dans les domaines de la musique, du théâtre, du chant et de l’art vidéo. Figure majeure de l’écriture, le poète fut arrêté en 1978 et condamné à deux ans de prison pour ses écrits accusés d’avoir porté atteinte aux valeurs sacrées du pays. Ainsi, Abdallah Zrika ayant passé son enfance dans le bidonville du quartier populaire casablancais, Ben Msik, développe, très tôt, une passion pour l’écriture, notamment poétique en écrivant ses premiers poèmes, à l’âge de douze ans. A l’époque, l’écriture ce fut un désir, une nécessité voire une urgence pour faire entendre sa voix. Après deux ans d’emprisonnement, le poète a été libéré en 1980. Un nouveau départ ! Par la suite, il se consacre entièrement à l’écriture poétique et littéraire dont l’œuvre considérable et majeure le place sur le podium, parmi les grandes voix poétiques les plus lues et écoutées au Maroc et dans le monde arabe. Titulaire d’une licence de Sociologie, le poète aborde par le biais de l’écriture son vécu, son expérience carcérale, mais aussi la répression, ainsi que d’autres thèmes tels que la vie, l’espoir, la mort et la place de l’homme dans le monde.
La langue poétique d’Abdallah Zrika est puissante, elle est également inspirée dans le quotidien, dans l’univers des bidonvilles, de la détresse, de la précarité et dans la vie d’une manière générale. Sa poésie moderne et son écriture fragmentaire, osée et puisée dans de nombreuses sources universelles : philosophique, historique, soufie…ont dépassé les frontières géographiques marocaines pour s’ouvrir sur d’autres lecteurs et horizons.
Le poète a en outre sa propre touche en travaillant et retravaillant le corps de sa langue poétique regorgeant de signes, de significations et de sens profonds. Dans ses premiers recueils, on y voit Abdallah Zrika ; le militant qui défend ses positions, ses idéaux dans une langue d’écriture engagée et puissante. Dans les années 80 du siècle dernier, le poète a marqué les jeunes de son temps. La preuve : ses poèmes sont écoutés et lus par les étudiants dans les universités. À l’époque, son premier recueil de poèmes édité à compte d’auteur en 1977, avec un tirage de 3000 exemplaires, «Danse de la tête et de la rose», a réalisé un grand succès.
D’autres publications viendront par la suite dont «La pomme du triangle » (1998), «Bougies noires», poèmes traduits par Abdellatif Laâbi aux Éditions « La Différence » en 1998, «Insecte de l’infini», poèmes traduits par Bernard Noël et l’auteur aux Éditions « La Différence » en 2007, «La Colombe du texte», traduit de l’Arabe par l’auteur, coll. « Le Refuge », CIPM, aux Éditions Spectres Familiers, 2003, «Échelles de la métaphysique», traduit de l’arabe par Bernard Noël et l’auteur, aux Éditions L’Escampette en 2000, «Petites proses», traduit de l’arabe par l’auteur aux Éditions L’Escampette en 1998 et «Rires de l’arbre à palabre», poèmes traduits par Abdellatif Laâbi, paru aux Éditions L’Harmattan, en 1982. De la poésie au roman, Abdallah Zrika a sorti deux œuvres romanesques aux Éditions Le Fennec, à Casablanca. Il s’agit notamment de «La femme aux deux chevaux» et «Cimetière du bonheur». Le théâtre n’est pas en reste des préoccupations de Zrika. Il a écrit notamment «Il est comment le théâtre», un inédit, où il livre sa vision sur le père des arts. Sa passion et générosité d’écrivain l’ont poussé à signer d’autres textes pour des revues internationales, entre autres, «Autrement», «Refuge», «Le croquant», «Esprit» et autres.