«La procédure de l’Anapec reste en vigueur pour les étrangers non-résidents»

Anass Doukkali, Directeur Général de l’ANAPEC

Pour Anass Doukkali, directeur général de l’agence nationale de promotion de l’emploi et des compétences (Anapec), les immigrés en situation régulière bénéficient désormais de l’égalité de chances en matière d’emploi au Maroc, conformément à la politique migratoire adoptée par le Royaume. Pourtant, la procédure de recrutement jusque-là imposée aux employeurs d’étrangers, reste en vigueur pour les étrangers non résidents, souligne t-il en substance. Récemment, des rumeurs faisaient état de la suspension de cette procédure en janvier 2016, suite à une déclaration d’Ahmed Benzhirou, directeur de l’Anapec d’El Jadida, en juillet 2015 selon laquelle «dès janvier 2016, l’égalité des chances serait une règle et les employeurs ne seraient plus soumis aux exigences actuelles qui consacrent le privilège du national sur l’étranger». Pour le directeur de l’Anapec, ladite procédure vise aujourd’hui à «protéger le marché de l’emploi marocain et donner la priorité dans le recrutement aux compétences nationales». Ainsi, en 2015, l’agence aura inséré dans le marché de l’emploi plus de 70 000 personnes. Les détails.

Al Bayane : Récemment, le Maroc a adopté une nouvelle politique migratoire en faveur des étrangers, pourtant l’intégration réussie ne peut s’effectuer sans un réel accès aux droits et services de base, dont l’emploi. Qu’est-ce qui est fait en matière d’insertion des étrangers via l’emploi par l’Anapec ? Quelques chiffres ?

Anass Doukkali : Dans le cadre du projet Sharaka, qui vise l’intégration économique des immigrés régularisés au Maroc, et en partenariat avec le Bureau international du travail (BIT) et l’Union européenne, une offre d’accompagnement vient d’être finalisée pour faire bénéficier cette catégorie d’immigrés des mêmes prestations et conditions que les Marocains.

L’opération vise à expérimenter, dans cinq sites pilotes (Casablanca, Rabat, Tanger, Oujda et Fès), une offre de services dédiée à cette population et d’identifier les bonnes pratiques et les axes d’amélioration avant la généralisation du dispositif à l’ensemble du pays.

Le bilan de cette opération, qui a eu lieu durant les trois derniers mois de 2015, enregistre l’accueil et l’orientation de 219 personnes et l’inscription de 176 personnes à l’Anapec. L’opération a également connu l’organisation d’ateliers de recherche d’emploi au profit de 232 personnes, auxquels s’ajoutent 100 personnes bénéficiaires des entretiens d’orientation professionnelle. Plusieurs candidats ont déjà été insérés dans le marché de l’emploi, suite à cette expérimentation, ce qui représente un début prometteur pour ce programme.

Quelles différences peut-on faire entre le cas des immigrés régularisés et les étrangers non-résidents au Maroc concernant le recrutement et l’insertion dans le marché de l’emploi ?

Comme expliqué précédemment, les immigrés régularisés bénéficient désormais de l’accès au marché de l’emploi marocain au même titre que les citoyens marocains. Par contre, concernant les étrangers non-résidents au Maroc, la procédure de leur recrutement reste toujours en vigueur.

En effet, tout employeur qui souhaite recruter un étranger doit prouver l’absence de profils répondant aux critères demandés sur le marché national avant l’envoi au Ministère de l’Emploi et des Affaires sociales d’une demande de contrat de travail dit «étranger». L’Anapec accompagne alors l’employeur dans cette procédure et délivre l’attestation d’activité qui certifie l’absence de candidats nationaux pouvant occuper le poste proposé au salarié étranger.

A l’instar de la plupart des pays dans le monde, la procédure de recrutement des étrangers au Maroc a été instaurée dans le but de protéger le marché de l’emploi marocain et donner la priorité dans le recrutement aux compétences nationales.

Cependant, dans le cadre des accords bilatéraux relatifs à la migration de la main-d’œuvre, les citoyens de certains pays comme le Sénégal, la Tunisie et l’Algérie sont dispensés de la demande de l’attestation d’activité délivrée par l’Anapec.

Quel bilan faites-vous aujourd’hui de l’Anapec en termes de résorption du chômage au Maroc, un an après votre nomination?

L’Anapec ne peut prétendre résoudre à elle seule la question du chômage, qui revient davantage à la capacité de notre économie à créer des emplois suffisants à même d’absorber les nouveaux entrants sur le marché.

L’agence a développé son offre de service pour faciliter l’accès au premier emploi pour les jeunes diplômés et améliorer l’employabilité des diplômés en chômage de longue durée, tout en adaptant ses services aux personnes à bas niveau scolaire, aux personnes en situation de handicap et les immigrés régularisés.

En ce qui concerne le bilan de notre plan d’action pour l’année 2015, l’agence a pu insérer 70123 chercheurs d’emploi dans la vie active, dépassant ainsi son objectif de 17% et marquant une évolution de 11% comparativement à l’année 2014. L’agence a aussi fait bénéficier 1945 personnes de la formation qualifiante ou de reconversion pour améliorer leur employabilité et 2183 personnes de la formation contractualisée pour l’emploi. En ce qui concerne l’accompagnement des secteurs émergents à travers la formation, à savoir l’offshoring, l’automobile, l’aéronautique et l’électronique, l’action a bénéficié à 8892 personnes.

En plus, 78682 chercheurs d’emploi ont bénéficié des entretiens d’orientation professionnelle et 40784 personnes des différents ateliers de recherche d’emploi.

En outre, nous avons lancé le chantier d’élaboration de la vision future de l’agence à l’horizon 2020 pour lui permettre d’être plus ouverte sur son environnement et plus proche des chercheurs d’emploi, des porteurs de projets d’auto-emploi, des entreprises et des institutions partenaires.

Sur le même registre, l’agence a continué en 2015 à lancer des initiatives locales pour l’emploi dans six nouvelles provinces, à savoir Khémisset, Errachidia, Al Hoceïma, Al Haouz, Safi et Taounat, et a signé plusieurs conventions de partenariat avec des acteurs du secteur public, secteur privé et de la société civile ayant comme objectifs la création d’opportunités d’emploi et la promotion de l’entrepreneuriat dans ces provinces.

L’année 2015 a également connu l’organisation de la semaine emploi pour l’étudiant, qui a connu la visite de plus de 300 établissements d’enseignement supérieur et de formation professionnelle au grand profit des étudiants, et a marqué la tenue de l’étude prospective pour l’emploi servant à identifier les secteurs porteurs en matière d’emploi par région et les besoins en emploi à court et moyen termes.

Selon le dernier rapport du HCP sur l’emploi au Maroc, le taux de chômage a fait un bond de 8,7% à 10,1% entre le 2e trimestre et le 3e trimestre 2015. Comment expliquez-vous un tel recul ?

D’après le rapport de l’HCP sur la situation du marché du travail au quatrième trimestre de l’année 2015, l’économie marocaine a créé 29.000 postes d’emploi entre le quatrième trimestre de l’année 2014 et la même période de 2015.

Dans ce contexte, entre les deux périodes, le nombre de chômeurs au Maroc a enregistré une diminution de 69.000 personnes, ce qui a engendré la baisse du taux de chômage de 0,5 point au niveau national, passant de 9,7% à 9,2%. Pourtant, hormis la destruction de certains emplois sur le plan quantitatif, l’économie nationale a créé plus d’emplois décents et de qualité, ce qui explique aussi la tendance ainsi observée du taux de chômage.

Récemment, un think tank initié par l’Université Al Akhawayn a dressé le constat selon lequel les grandes sociétés marocaines peinaient à recruter des profils nationaux compétents adaptés aux nouveaux challenges de l’entreprise. Partagez-vous ce constat aujourd’hui ?

Il arrive que des employeurs aient du mal à trouver des profils qui correspondent exactement aux exigences des postes à pourvoir, surtout quand il s’agit de profils pointus et de secteurs à haute technologie.

Pour répondre à ce type de besoin spécifique, l’agence a développé l’offre de service «Kafaat» (compétences) qui est voué exclusivement au recrutement de cadres diplômés de grandes écoles de commerce ou d’ingénieurs et d’autres établissements d’enseignement supérieur. Le service prévoit un accompagnement personnalisé et de qualité, depuis l’identification des besoins en compétences jusqu’à la présélection des candidats et la mise en relation effective. Pour ce faire, l’agence recourt au sourcing des candidats à travers son réseau de 75 agences locales en plus des réseaux sociaux professionnels et des partenariats avec les établissements de formation supérieure et les universités.

Dans l’éventualité où l’entreprise ne trouverait pas les compétences qu’elle cherche, elle peut bénéficier dans le cadre du programme Taehil des formations à la carte financées par l’Anapec à hauteur de 10.000 DH par candidat. La prime peut même aller jusqu’à 24.000 DH par candidat, dans le cas des entreprises nouvellement créées ou des projets d’investissement, et jusqu’à 66.000 DH par candidat en ce qui concerne les secteurs émergents comme l’automobile, l’aéronautique, l’électronique et l’offshoring.

Danielle Engolo

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