Les enjeux géopolitiques des céréales
Par Abdelouahad Ghayate*
2.790 millions de tonnes (MT) de céréales, seront produites cette année 2020 (blé orge et maïs, essentiellement), dont 370 MT[ (hors riz) seraient destinées à l’exportation durant cette campagne 2019-2020. Neuf pays et l’Union européenne se partagent 85% des exportations mondiales en cette denrée. Les Etats-Unis, sont leaders des pays exportateurs à l’échelle mondiale. Cette structure traduit la dépendance d’une grande majorité des pays dans le monde vis-à-vis de ces puissances agricoles.
Si le coronavirus a eu une vertu, c’est celle de montrer l’importance de la préservation de certaines souverainetés[ qui sont de l’ordre de quatre : se vêtir, se soigner, se défendre et se nourrir.
Les firmes multinationales (FMN) sont parmi les acteurs les plus puissants dans ce domaine au niveau mondial. Leur développement est à la fois la conséquence et l’un des moteurs essentiels de la mondialisation. Face à leurs stratégies globales et à leurs modes de fonctionnement transnationaux, les États peinent à instaurer un système de gouvernance qui permettrait de pallier les conséquences sociales et environnementales des activités de ces FMN.
Monsanto est la pure incarnation de ces firmes, considérée, par François Hulot, «comme la pire firme du monde».
La manière de produire (intrants), de consommer est remise en cause depuis des années, l’idéologie productiviste est contestée depuis des décennies. Une alternative à cette idéologie doit être recherchée et pensée…
Les enjeux géopolitiques entre pays producteurs et/ou exportateurs et pays importateurs/consommateurs doit être posée.
Le Maroc en tant qu’importateur, en raison d’un déficit (agricole) structurel, doit se rappeler qu’il est toujours dépendant de l’étranger pour un produit stratégique : les céréales.
- Comment se présente la situation au niveau de la production mondiale?
- Quelles sont les puissances qui dominent ce marché?
- Quelle est l’idéologie et la culture qui sous-tend cette domination (idéologie productiviste)?
- Quels sont les moyens et les conditions de pérennisation de cette domination?
- Comment la situation se présente au Maroc a cette question cruciale a savoir l’indépendance alimentaire?
Si les céréales les plus connues sont celles du petit-déjeuner, on oublie parfois que le mot « céréales » désigne avant tout des plantes à graines et qu’il en existe une grande variété sur terre. A la base de notre alimentation, les grandes civilisations se sont créées autour des céréales : la Chine avec le riz, l’Amérique du Sud avec le maïs, ou encore l’Europe avec le blé, etc….
Elément-phare de la sécurité alimentaire mondiale, les céréales se situent depuis toujours au cœur de l’Histoire et des jeux de puissance. «Plus discrètes que le pétrole, moins brillantes que l’or et nullement controversées comme l’uranium, elles ne sont pas une matière première comme une autre». Il s’agit d’un produit vital, dont la culture a tout simplement transformé le paysage physique, démographique et politique de la planète. Sans céréales, point de sécurité. Pour un État, en posséder, c’est contrôler sa stabilité et détenir un atout stratégique majeur pour son influence internationale s’il exporte une partie de ses récoltes. À l’inverse, manquer de blé face à ses besoins domestiques, c’est déjà révéler une faiblesse et dévoiler un point de forte vulnérabilité.
Production mondiale des céréales
Le (CIC) Conseil international des céréales[ (de son sigle anglais IGC) a, récemment, annoncé une production mondiale record de céréales au cours de la saison 2020/2021 : elle s’élèverait à 2,22 milliards de tonnes (hors riz), en hausse de 2% par rapport à la campagne 2019/2020. Ces prévisions s’avèrent, cependant tributaires de la progression et de la durée de la pandémie de Covid-19 qui pourrait restreindre les transports et entraver la fourniture de semences, d’engrais ainsi que la préparation des terres.
Les stocks mondiaux de céréales seraient en légère baisse malgré cette production record attendue. Cette baisse s’expliquerait par une augmentation de la consommation qui s’élèverait à 2,23 milliards de tonnes contre 2,19 milliards durant cette campagne. Le Conseil prévoit une forte demande d’aliments de base notamment le riz et le blé et un affaiblissement des produits industriels tels que l’éthanol, réalisé à base de maïs et d’amidon.
En 2018, 700 millions d’hectares de céréales ont été cultivés dans le monde, soit 49% des terres arables, 14% de la surface agricole mondiale et 5% des terres émergées du monde.
Puissances dominantes
Les 9 pays et régions qui dominent les ventes des céréales sur le marché mondial sont les Etats-Unis, la Russie, l’Ukraine, l’Argentine, le Brésil, le Kazakhstan, l’Australie, le Canada et l’Union européenne. L’Inde et la Chine, deux principaux pays producteurs de céréales, sont cependant «des nains commerciaux» à l’échelle de la planète, aussi bien à l’export qu’à l’import. Ils récolteront 458 Mt de grains (hors riz) tout au long de l’actuelle campagne céréalière.
En fait, la Chine et l’Inde produisent avant tout des céréales pour nourrir leur population. Les importations de grains sont marginales comparées aux quantités produites même si elles portent en Chine sur des volumes significatifs (15,6 Mt de grains). Cependant ces deux pays plus la Russie ont suspendu, durant cette campagne, leur exportation de céréales en vue de garder leur stock afin de subvenir au besoin national menacé par l’impact économique du corona virus.
Commerce mondial des céréales entre pays du nord et pays du sud
Le commerce mondial de céréales équivaut à 21% de la production mondiale. Parmi les pays exportateurs de céréales, les Etats-Unis sont en tête malgré la baisse du volume d’exportation, cette année, ils vont exporter 81Mt de grains, soit 22% des ventes mondiales, contre 92 Mt trois ans auparavant.
La campagne 2019-2020 confirme l’ascension commerciale de l’Argentine sur la scène mondiale. Elle est devenue le deuxième pays exportateur de grains (50 Mt seront vendues pour la seconde campagne consécutive). En écoulant 11 à 12 Mt par ans de plus depuis 2017, ce pays a détrôné la Russie et l’Ukraine, rétrogradées à la troisième et à la quatrième place des pays exportateurs majeurs de grains.
Situé dans l’hémisphère sud, l’Argentine écoule en effet chaque année ses céréales durant la seconde partie de la campagne céréalière, au début de l’été austral, à partir des mois de décembre et de janvier, ce qui la protège relativement de la concurrence de la Russie et de l’Ukraine.
Dans le bassin de la Mer Noire, l’Ukraine (48 Mt) et la Russie (44 Mt) font quasiment jeu égal. La Russie vend essentiellement du blé et de l’orge tandis que l’Ukraine expédie surtout du maïs (24,5 Mt).
Les autres pays exportateurs majeurs de céréales écouleront quasiment les mêmes volumes de grains que la campagne passée. L’Union européenne, cinquième puissance exportatrice, vendra 36 Mt de grains durant la campagne 2019-2020. Elle est suivie par le Canada (31 Mt) et l’Australie (20 Mt) qui se remet difficilement d’un des plus terribles épisodes de sécheresse de son histoire.
Enfin, les marchés mondiaux peuvent compter tous les ans sur les 9 à 10 Mt de grains (essentiellement du blé) récoltées au Kazakhstan. Le pays profite commercialement de sa situation géopolitique. Il est à la fois aux portes du bassin de la Mer Noire, du Moyen Orient (via la mer Caspienne) et de la Chine avec laquelle il partage une frontière commune.
Les neuf puissances exportatrices de céréales référencées par le CIC n’occupent pas toutes un rôle majeur sur chacun des marchés céréaliers qu’elles approvisionnent. La Russie est la première puissance agricole exportatrice de blé (34,7 Mt en 2019-2020) et les Etats-Unis sont en tête des pays exportateurs de maïs (52 Mt). Mais c’est l’Union européenne qui vendra encore, cette année, le plus d’orge dans le monde (9 Mt).
A l’autre bout de la chaine, on trouve les pays en voie de développement (PVD) et les pays les moins avancés, (PMA) qui n’ont pas pu échapper au piège de la dépendance absolue et de la pauvreté, étant dans leur majorité importateurs nets de denrées alimentaires. Les effets nocifs de la flambée des prix des produits des grains viennent perturber leur équilibre macroéconomique et celui de leur balance des paiements. Cela crée un environnement extérieur défavorable qui ne cesse de saper les efforts de développement et de réduction de la pauvreté, le commerce avec des régions du monde plus prospères et en pleine expansion ne pouvant plus agir comme moteur de croissance dans les PMA.
Les politiques de domination (idéologie productiviste)
Qu’est-ce que le « Productivisme Agricole » ? Ce concept est d’autant plus difficile à définir qu’il nous semble que la seule recherche du rendement maximum des produits de la culture et de l’élevage ne saurait suffire à caractériser cette forme d’agriculture. Il ne faudrait pas confondre «productivité» et «productivisme». De même, l’utilisation massive d’énergie fossile, d’engrais synthétiques, de pesticides, de machines ou autres techniques destinées à accroître les rendements signale l’intensification du mode de production sans pour autant constituer un indicateur fiable de productivisme pour l’exploitation agricole considérée. L’agriculture productiviste se caractérise par le fait qu’elle ne se soucie pas des conséquences que peuvent occasionner ses pratiques. Produire abondamment et à tout prix : telle pourrait être sa devise.
Les animaux élevés et les plantes cultivées sont alors considérés comme des machines productives qu’il convient d’exploiter au mieux grâce aux techniques mises au point par les ingénieurs œuvrant pour les organismes para-agricoles. Et la privatisation des semences suscite une marchandisation des plantes, autrefois conçues comme patrimoine commun de l’humanité
Cette idéologie, iconoclaste, favorise la soumission de l’agriculture aux firmes chimiques et alimentaires qui encadrent, en amont et en aval, l’activité agricole. Conformément à la logique productiviste, les grandes entreprises, pour mieux contrôler leurs clients ou leurs fournisseurs, cherchent à accroître les rendements ou à accélérer la maturation des animaux et des végétaux tout en imprimant au monde agricole la marque de la technoscience. La création de céréales hybrides et d’OGM, impliquant de nouvelles contraintes pour les agriculteurs, permet ainsi une consolidation du pouvoir qu’exercent les industries semencières et agrochimiques sur l’agriculture mondiale.
Les produits issus de la transgénèse sont souvent présentés comme la troisième révolution agricole[. Les plantes OGM cultivées dans le monde sont les principales concernées à savoir le soja, le maïs et le colza. Les premières cultures commerciales ont débuté en 1996 et concernent 114 millions d’hectares, soit 13% des surfaces mondiales cultivées en grains. Cette diffusion agricole la plus rapide de l’histoire est la conséquence de la mondialisation de l’économie et de l’essor de la firme Monsanto, étroitement liée à l’administration américaine et considérée dans ce registre comme l’archétype.
Monsanto, le géant des pesticides et de l’agrobusiness, du Soja et du maïs OGM, est placée sur le banc des accusés, elle est de plus en plus critiquée pour ses pratiques douteuses et ses scandales judiciaires à répétition. A l’instar des autres multinationales qui se disputent le marché florissant de l’agrochimie, la firme américaine est aujourd’hui pointée du doigt pour les risques alimentaires et environnementales que ses produits provoquent.
Cependant, cette firme, par sa capacité d’influence et son lobbying musclé, a bénéficié du soutien des décideurs politiques américains et de leur démission face à ses agissements. F. Hulot, dans un entretien au Journal Du Dimanche (JDD), a dénoncé avec vigueur l’idéologie productiviste de Monsanto en disant «Je ressens une profonde colère face à l’indulgence dont bénéficie Monsanto : toutes les portes lui sont ouvertes dans la plupart des institutions. Ce lobbying musclé est intense».
Les questions d’environnement doivent être abordées
Une inquiétude fréquemment exprimée est que la production supplémentaire requise pour satisfaire la demande mondiale ne sera pas durable, car elle aggravera les dommages causés à l’environnement et sapera la base des ressources naturelles.
Dans les pays développés, cette inquiétude concerne principalement l’utilisation accrue d’engrais et autres intrants chimiques qui ont conduit à de sérieux problèmes de pollution de l’eau et de l’air, et il en sera de même à l’avenir à moins que des mesures défensives ne soient prises.
Bien que l’emploi excessif de pesticides et autres intrants chimiques soit un problème dans certaines régions à fort potentiel agricole, augmenter la production dans les pays en développement entraînera surtout, pour l’environnement, des risques d’une nature différente :
- Dans les systèmes extensifs d’agriculture et d’élevage, les risques principaux sont l’érosion des sols, leur épuisement et la déforestation, ceci conduisant à une baisse des rendements et à la désertification.
- Dans les systèmes de culture irriguée intensive, les risques principaux sont la salinisation, l’engorgement des sols par l’eau et la pénurie d’eau.
Des méthodes visant à accroître et à maintenir la production végétale tout en minimisant les dommages causés à l’environnement sont déjà connues et mises en application dans certaines régions. De telles méthodes doivent faire l’objet de recherches et de vulgarisation pour tous les milieux. En outre, elles devront s’accompagner de politiques appropriées favorisant leur expansion rapide.
La situation agricole du Maroc :
Au Maroc, l’agriculture constitue un secteur économique très important. Il génère environ 14% du produit intérieur brut (PIB), mais avec des variations importantes (11 à 18%) selon les années en fonction des conditions climatiques. Ses performances conditionnent même celles de l’économie tout entière : le taux de croissance du pays est fortement corrélé à celui de la production agricole. L’agriculture demeure par ailleurs le premier pourvoyeur d’emplois du pays, loin devant les autres secteurs économiques, 40% de la population active vivant de ce secteur.
Cependant, la politique agricole marocaine est tournée vers l’exportation plutôt que sur l’autosuffisance, ce qui génère une forte pression sur les ressources en eau[. A noter que la cartographie agricole, dans plusieurs régions du Maroc, a été témoin d’un bouleversement des surfaces cultivables, et les cultures de céréales et légumineuses ont cédé la place à l’arboriculture fruitière. Ainsi Le développement de l’irrigation, en faveur des cultures vivrières et de celles destinées à l’exportation, a contribué à la surexploitation de la plupart de ressources en eaux souterraines et à la baisse alarmante des niveaux de la nappe, ainsi qu’à la dégradation de la qualité de l’eau.
Le Maroc est structurellement déficitaire dans les principaux produits de base que sont les céréales, le sucre, les oléagineux (huiles alimentaires et corps gras) et dans une moindre mesure le lait et ses dérivés. Les céréales constituent de très loin le premier poste d’importation : En 2017, le Maroc a importé 6,45 millions de tonnes de céréales pour une valeur de 1,4 milliard de dollars, celles-ci représentent la fraction la plus importante de la facture des importations agricoles. De ce fait la balance commerciale du Maroc pour les produits agroalimentaires demeure toujours déficitaire.
La crise financière de 2007 et la pandémie du coronavirus ont clairement formulé cette situation.
Le Maroc et la crise de 2007
La crise de 2007/2008, est l’une des crises alimentaires les plus dramatiques des dernières décennies, causée par l’augmentation des prix internationaux des céréales et les stocks ont baissé au plus bas niveau depuis plus de deux décennies.
Cette crise est la meilleure iconographie de la domination des grandes puissances agricoles. Durant cette campagne agricole éclata le marché mondial sous toutes ses formes énergétique, financière, immobilière et agricole. On constata une flambée des prix de la plupart des produits alimentaires. Nombres de pays en voie de développement (PVD) et pays moins avancés (PMA) se trouvèrent face à une crise qui allait toucher leurs équilibres économique et financier. Résultat, une dépendance alimentaire de plus en plus massive envers les puissances agricoles.
Le Maroc, de son côté, n’a pas échappé à ce scenario de dépendance alimentaire massive vis-à-vis des grandes puissances du marché des produits alimentaires. Selon les statistiques du Ministère de l’Agriculture, on peut relever que, durant ces cinq dernières années, notre pays dépend, en moyenne, de plus de 80% de l’étranger en matière de denrée alimentaire de base (hors riz).
L’adage qui dit «qu’un malheur n’arrive jamais tout seul» s’applique pleinement à la présente campagne agricole (2019/2020) qui, au-delà de l’exceptionnel bas niveau de son rendement, sévèrement touché par la sécheresse, s’invite dans un climat de pandémie sans précédent.
La conjugaison des deux fléaux vient lourdement peser sur la situation agricole et financière du Maroc. La modicité de la production céréalière pousse le Maroc à élever significativement son niveau d’importation de céréales pour combler son déficit alimentaire auprès des grands pays producteurs et/ou exportateurs de céréales avec toutes les conséquences prévues sur la balance des paiements, sur les réserves de change, sur le pouvoir d’achat de la population et sur le déficit budgétaire via les départements chargés de la compensation.
Que faire ?
Le secteur agricole au Maroc a toujours été stratégique pour le développement socio-économique du pays. C’est ainsi qu’il a connu de nombreux programmes de développement et de réformes structurelles qui visent à assurer la sécurité alimentaire et à contribuer à la croissance économique. Cependant, il dépend énormément de la pluie, et la raréfaction des ressources hydriques se fait sentir avec acuité dans plusieurs zones notamment dans le Sud, le Tensift et l’Oriental, laissant ces zones arides à la merci des aléas climatiques.
En ce qui concerne les céréales, de lourdes contraintes viennent freiner le développement du secteur, il y va du mode de production à faible productivité, au faible accès au foncier, aux infrastructures insuffisantes, aux intrants agricoles de mauvaise qualité ou inappropriés. Résultat une production nationale relativement moyenne voire faible, parfois de mauvaise qualité poussant les industries de transformation à coupler la production locale avec celle d’importation pour fabriquer un produit fini acceptable.
Sur ces éléments précis, les pouvoirs publics doivent revoir leur stratégie de politique agricole, notamment à travers les déclinaisons suivantes :
- Changer de stratégie d’approvisionnement sur les marchés mondiaux des céréales, en diversifiant les points d’achat pour diluer le risque de dépendance des mêmes pays exportateurs;
- Pratiquer une politique de contingentement afin de protéger l’économie nationale et échapper à la domination des puissances agricoles;
- Penser à reconstituer le stock de sécurité dont les normes, malheureusement, ne sont guère respectées, pour éviter toute pénurie, de nature à engendrer des situations de blocage et de tensions sociales y afférentes;
- Renforcer la sécurité alimentaire par l’adaptation des priorités en conférant davantage d’importance aux céréales et légumineuses qui restent la base du mode de consommation des Marocains;
- Revenir à la politique de l’autosuffisance, car la politique tournée vers l’exportation génère une forte pression sur les ressources en eau[7]
- Tirer les enseignements nécessaires des alertes suscitées par les crises mondiales;
- Faciliter l’accès au foncier agricole;
- Construire les infrastructures nécessaires facilitant l’accès aux zones arables ;
- Octroyer des subventions en amont c’est-à-dire à la production non seulement à la consommation;
- Elaborer une vision plus claire de la politique agricole Marocaine.
Conclusion
Selon un rapport publié par l’INRA (français) «La situation pourrait se dégrader davantage au cours des prochaines décennies», en raison, entre autres, de trois causes principales.
Primo, la croissance démographique mondiale qui malgré la baisse de la moyenne de la fécondité dans le monde (surtout occidental), continue d’augmenter, on retient ainsi très habituellement le chiffre de 9 à 10 milliards d’habitants d’ici l’an 2050;
Secundo on assistera à une recrudescence de la demande alimentaire en raison de l’accroissement démographique. Les projections à l’horizon 2030[ indiquent que le déficit du commerce agricole des pays en développement va encore s’intensifier. En particulier, les importations nettes de céréales et autres produits agricoles vont continuer d’augmenter assez rapidement.
Tertio, le réchauffement climatique, qui à son tour, pourrait faire chuter les rendements agricoles de 10% à 20%, et accroître les problèmes d’eau à un niveau critique.
A cet effet, Les experts internationaux estiment que la dépendance alimentaire pourrait atteindre en moyenne 68% au Maghreb en 2050, 67% au Proche-Orient et 64% au Moyen-Orient.
Il va sans dire que cette problématique reste étroitement liée à la répartition des ressources hydriques dans le monde, selon les chiffres de l’ONU[, près de 60% des ressources naturelles renouvelables d’eau douce du monde sont partagés par 9 pays géants dont : Brésil, Russie, Indonésie, Chine, Canada, Etats-Unis, Colombie, Pérou et Inde. A l’autre extrémité, un certain nombre de pays disposent de ressources extrêmement faibles voire quasi nulles : Koweït, Bahreïn, Emirats Arabes Unis, Malte, Libye, Singapour, Jordanie Israël et Chypre. Du coup, les guerres à venir seront probablement des guerres autour des ressources en eau.
Il ne faut pas oublier que l’agriculture est un secteur fort consommateur d’eau douce. Une tonne de céréales nécessite en moyenne 1 000 tonnes d’eau.
Selon une étude de l’université d’Utrecht, des pénuries d’eau sont donc à prévoir dans de nombreux pays dans le monde, dont les trois plus grands pays producteurs de céréales au monde que sont la Chine, les États-Unis, et l’Inde, ainsi que dans des pays dont la proportion d’eau d’irrigation d’origine non renouvelable est importante : Arabie saoudite, Pakistan, Iran, Mexique, notamment.
Ces véritables enjeux sont des défis pour demain auxquels l’humanité s’efforce de répondre. Au-delà du perfectionnement des méthodes de traitements de l’eau (dessalement…), le stockage fait partie des moyens utilisés afin d’économiser l’eau (réservoirs, citerne souple).
Aussi, pour notre pays, dorénavant caractérisée par une pluviométrie instable, la conquête de nouvelles ressources hydriques devrait être placée au centre des préoccupations stratégiques.
Toutes les études ont révélé les faiblesses de l’économie agricole marocaine, selon le président de la COMADER, Mohamed OUAYACH, le Maroc ne peut pas produire de céréales car elles dépendent considérablement de la pluviométrie.
Enfin, il ne faut pas se leurrer, le risque de «pénurie alimentaire» existe avec acuité, sur le marché mondial à cause des perturbations liées au Covid-19 dans le commerce international et les chaînes d’approvisionnement alimentaire.
Reste à savoir si le Maroc saura se réinventer par des stratégies innovantes afin de concrétiser sa souveraineté alimentaire ?
*Chercheur en Science politique et Géopolitique