La trilogie de Tanger

Une importante rétrospective consacrée à l’auteur cinéaste marocain Moumen Smihi est organisée à Rennes (France) du 8 au 11 février. Une programmation autour de «La trilogie de Tanger» : Le gosse de Tanger, Les hirondelles, Tanjaoui; une trilogie qui s’inscrit dans une démarche d’autofiction. Sont également au programme le documentaire «Avec Matisse à Tanger» et une master classe. A cette occasion, je présente un extrait d’un long et brillant entretien que Moumen Smihi m’avait accordé (à paraître dans son intégralité dans un prochain livre) :

«A Berkeley, aux U.S.A Youssef Blal, étudiant doctorant, m’a fait la remarque que “Tanjaoui” idéalisait l’Autre, idéalisait la francité qu’il dépeignait (les profs français, la culture française, littérature, musique, cinéma…). J’ai dit qu’il fallait projeter le court-métrage “Si-Moh Pas-de-Chance” après (et non avant selon la tradition commerciale) le long-métrage “Tanjaoui”: le dur réel de l’immigration est-il une dé-idéalisation, une démystification? Ce n’est pas en tout cas le réel d’un “Portrait de l’artiste en jeune homme” pour reprendre le titre de James Joyce.

Parce que l’autofiction de «La Trilogie de Tanger» («El Ayel», «Al Khouttaïf», «Tanjaoui») n’est pas un reportage autobiographique, c’est plutôt un documentaire (au sens de la notion de «documentarité» qui m’intéresse beaucoup), un docu-menteur disait le critique Serge Daney (qui a pointé par ailleurs comment la rhétorique cinématographique peut-être idéologisée, un travelling aérien sur un bidonville par exemple a quelque chose de fasciste, aurait-il pu dire).

Enfin, l’altérité est la découverte de ce qui en l’autre est moi et donc que je dois défendre : le siècle des Lumières, les libertés, les sciences et les arts, la société démocratique, sont l’aboutissement de l’histoire occidentale bien sûr, mais l’un des points de départ de cette histoire est la culture arabe justement, l’Antiquité arabe, on pourrait l’appeler aussi la Première Renaissance (9-11° siècles) qui est arabe, sa littérature, ses sciences, ses arts, sa musique. Alors dans l’altérité aussi il y a ce jeu infini des miroirs : qui est vraiment l’autre, s’il est déjà moi ?».

Mohammed Bakrim

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