Vaccin contre le Covid-19
Pendant une journée jeudi, en direct sur internet, une vingtaine d’experts américains indépendants vont examiner les données du vaccin contre le Covid-19 du duo américano-allemand Pfizer/BioNTech afin de recommander ou non son autorisation, un exercice de transparence inédit dans le monde et dont le revers est qu’il a empêché les Etats-Unis d’être les premiers à vacciner leurs citoyens.
A la fin de la journée, le comité consultatif votera sa recommandation à l’Agence des médicaments (FDA), dont le feu vert devrait arriver dans les jours suivants. L’issue ne laisse aucun doute: la FDA a déjà jugé le vaccin sûr et efficace dans une synthèse des données mardi.
Fedex, UPS et d’autres transporteurs sont prêts à distribuer le vaccin aux hôpitaux et autres sites publics et privés de vaccination.
Donald Trump aurait aimé aller plus vite. Les fabricants ont annoncé le 18 novembre que leur vaccin était efficace à 95%, et ils ont déposé leur dossier à la FDA le 20 novembre. Depuis, le Royaume-Uni, Bahreïn et le Canada voisin ont autorisé la mise sur le marché. Les premiers Britanniques dont un certain William Shakespeare ont été vaccinés mardi.
Mais l’agence américaine, accusée d’avoir autorisé en urgence des traitements douteux dont l’hydroxychloroquine sous pression de Donald Trump au printemps et à l’été, a tenu à ne pas donner l’image d’une procédure bâclée ni soumise à autre chose que la plus grande rigueur scientifique, consciente que potentiellement des centaines de millions de personnes recevront dans le bras un produit inventé il y a moins de neuf mois.
La FDA et Pfizer ont publié 145 pages de données issues d’un essai clinique sur 44.000 volontaires, offrant des détails d’une finesse incomparable avec ce que l’on sait des vaccins russe et chinois, déjà administrés à grande échelle dans leurs pays.
« La transparence a été excellente, à la fois dans ce qu’a donné Pfizer et dans la synthèse de la FDA », dit à l’AFP Eric Rubin, professeur de microbiologie à Harvard et l’un des 23 membres qui voteront.
Que disent les données? D’abord que le vaccin marche mieux qu’espéré. La première dose commence à protéger dix jours après, et le rappel au 21e jour réduit le risque de 95% de développer le Covid-19, par rapport à une personne non vaccinée.
La meilleure nouvelle, a dit à l’AFP Saad Omer, de Yale, est qu’il prévient bien les formes graves de Covid-19.
Ensuite, le vaccin provoque bien des effets indésirables, souvent pénibles, mais sans danger: 80% des vaccinés ont eu mal autour du point d’injection, beaucoup ont ressenti de la fatigue, des maux de tête ou des courbatures. Mais sur deux mois de suivi en moyenne, le seul effet indésirable potentiellement inquiétant fut quatre cas de paralysie faciale a frigore (de Bell), sur 18.000 vaccinés: c’est souvent temporaire, statistiquement la causalité n’est pas établie, mais la FDA a recommandé une surveillance accrue pour la suite.
Il y a aussi le risque de réactions allergiques, après deux cas au Royaume-Uni. Qu’ignore-t-on sur le vaccin? La durée de protection, d’abord: des mois, des années? Le temps le dira.
On ne sait pas non plus si le vaccin empêche l’infection par SARS-CoV-2 et sa transmission, en plus d’empêcher de développer des symptômes, pointe Ralph Tripp, de l’université de Géorgie, et membre du comité.
Ofer Levy, de l’hôpital pour enfants de Boston et un autre membre, dit à l’AFP qu’il soulèvera la question des femmes enceintes et des enfants, exclus des essais cliniques, sauf dans une phase récente pour les plus de 12 ans.
Restera à distribuer le vaccin, tâche coordonnée par le gouvernement fédéral et confiée au secteur privé.
La première vague sera d’environ trois millions de doses, qui partiront de l’usine Pfizer de Kalamazoo (Michigan), conditionnées dans des cartons contenant jusqu’à 4.725 doses chacun et maintenus à -70°C par de la glace carbonique.
Rien d’exceptionnel pour les transporteurs: « N’oubliez pas que c’est une période de pic pour nous, Fedex et UPS. Hier, on a expédié 34 millions de colis », a dit un dirigeant de Fedex.
Mais l’approvisionnement futur n’est pas garanti: les Etats-Unis n’ont, à ce jour, commandé à Pfizer que de quoi vacciner 50 millions de personnes.