Par Hicham Louraoui (MAP)
Bien qu’ils soient fortement pénalisés par la propagation de la pandémie du nouveau coronavirus (Covid-19), les camionneurs continuent à circuler dans des villes fantômes et sur des routes désertes pour faire parvenir, courageusement, biens et marchandises vers leur destination finale.
Face à la fermeture notamment des cafés, des restaurants et des mosquées, même dans les aires de repos, en raison de l’état d’urgence sanitaire, ces chauffeurs n’ont guère le choix que de s’adapter à une situation exceptionnelle, pour le moins que l’on puisse dire. Ils se doivent de s’accommoder avec des conditions de travail plus rudes que jamais et passer outre toutes leurs petites habitudes.
S’arrêter après des heures de route pour demander un thé, un café ou encore un petit plat fait partie du passé. Rien n’est plus servi en ce temps du coronavirus. Ces hommes se retrouvent dans l’obligation d’emmener avec eux leurs propres vivres et de « voler » quelques minutes pour préparer leur bouffe.
Pour s’y faire, ils ont équipé leurs camions du matériel nécessaire (ustensiles, aliments, épices, bonbonne, etc.). Certains ont aménagé un espace de couchage et un autre pour cuisiner en toute sécurité, mais dans le strict respect des règles d’hygiène.
« Nous nous sommes efforcés pour nous adapter avec cette nouvelle situation, en vue de pouvoir poursuivre nos activités d’une manière normale. Nos clients nous sollicitent toujours pour transporter leurs marchandises vers d’autres villes », confie à la MAP Mohamed H., camionneur en provenance de la ville d’Agadir.
Ce
quinquagénaire s’est dit conscient des risques qu’il prend en sortant de chez
lui durant cette période confinement, mais, en même temps, il n’a pas le choix
pour se tirer d’affaire et continuer d’entretenir sa famille.
« Dès la déclaration de l’état d’urgence sanitaire, vendredi d’avant, un
changement radical est survenu dans mes conditions de travail. D’abord,
j’accorde plus de temps à la préparation de la ration alimentaire à porter
durant le trajet et je ne cesse de désinfecter mon camion à chaque arrêt »,
a-t-il soutenu.
Et d’ajouter: « L’unique problème dont nous souffrons actuellement est la fermeture des mécaniciens, puisque les camions nécessitent un entretien régulier ».
Cette crise sanitaire, même gérée par ces camionneurs avec fatalisme et un brin d’optimisme, ne manque pas de peser considérablement sur les revenus et, par conséquent, sur le pouvoir d’achat. La majeure partie des routiers puise désormais dans la tirelire.
C’est le cas notamment pour Mouloud B., un autre chauffeur d’Agadir, qui révèle que les revenus perçus en cette période permettent à peine de couvrir les dépenses du carburant. « Cette conjoncture est un peu délicate. Je transporte les marchandises avec une fréquence d’un voyage par semaine », a-t-il poursuivi.
« Je reste parfois jusqu’à cinq jours, voire plus, à Casablanca, dans l’attente de clients pour le voyage retour. Mon quotidien a complètement changé que ça soit au niveau professionnel ou personnel », a raconté Mouloud, désarmé.
Pour ce qui est du contrôle sur les routes, il se dit rassuré de constater la forte mobilisation des forces de l’ordre pour garantir le bon déroulement de l’état d’urgence sanitaire. Pour lui, il ne rencontre aucun problème avec les barrages, puisqu’il a collé son attestation exceptionnelle de circulation sur le pare-brise du camion.
Face à cette situation, force est de constater que ces camionneurs vivent une double peine. Il s’agit de l’isolement de leurs familles par crainte pour leur santé et du marasme de l’activité économique.
« Les revenus sont faibles par rapport à la période normale. Au lieu d’acheminer les livraisons deux ou trois fois par semaine comme auparavant, je suis contraint d’attendre en croisant les doigts dix jours, sinon plus », regrette M’hamed E., transporteur à Casablanca.
« Nous, les camionneurs, ne pouvons pas nous permettre le luxe de rester chez soi, quoique les clients se fassent rares, du fait que les sociétés ne disposant pas de leur propre flotte n’acheminent plus leurs produits vers Casablanca et que les grossistes de Derb Omar ont baissé les rideaux jusqu’à la fin du confinement », déplore-t-il encore.
Dans l’attente de jours meilleurs, M’hamed s’est reconverti dans la livraison des caisses de légumes et fruits aux détaillants de Benjdia et de la Gironde, histoire de rester proche de sa zone de prédilection en temps normal à Derb Omar et Garage Allal, les deux hauts-lieux du commerce de gros dans la métropole.
Pour autant, les camionneurs rencontrés disent vouloir continuer leurs activités dans l’intérêt général et pour le bien de leurs familles, en dépit des contraintes et défis qui ne cessent de s’accentuer avec l’augmentation du nombre des cas confirmés de Covid-19. Un sacrifice qui qui s’ajoute honorablement à leur actif.