Mohamed Nabil Benabdallah : « Il n’y a pas d’autres formes possibles pour l’humanité que celle de l’expression démocratique »

 Colloque international à Assilah: «quel avenir pour la démocratie électorale?»

DNES à Assilah Mohamed Nait Youssef

Le colloque placé sous le thème «quel avenir pour la démocratie électorale?» s’est ouvert, mercredi 3 novembre, à la bibliothèque prince Bandar Bin Sultan, dans le cadre du 42ème Moussem culturel international d’Assilah. 

En effet, le thème de cette deuxième conférence du programme de l’Université ouverte a Al Moutamid Ibn Abbad (35ème session), souligne Mohamed Benaissa, secrétaire Général de la Fondation du Forum d’Assilah, dans son mont inaugural à l’occasion, est au cœur des préoccupations des acteurs, des analystes politiques et des académiciens soit dans les sociétés anciennes ou modernes en matière de la démocratie. Ce sujet de la conférence, dit-il, constitue une source à la fois d’inquiétude et même d’intérêt pour ceux qui rejettent la démocratie et n’y croient pas à son utilité.  «Le sentiment du rejet de la démocratie ayant vu le jour au milieu de la première décennie du siècle actuel a été influencé par les crises financières et économiques successives, ainsi que les nombreux scandales relatifs notamment à la corruption et aux crises politiques qui s’enchaînent. », a-t-il affirmé.

Mohamed Nabil Benabdallah :

« Il n’y a pas d’autres formes possibles pour l’humanité que celle de l’expression démocratique »

Pour le Secrétaire général du Parti du Progrès et du Socialisme (PPS), Mohamed Nabil Benabdallah,  il n’y a pas d’autres formes possibles pour l’humanité que celle de l’expression démocratique. Aujourd’hui, dit-il, nous nous posons tous et toutes des questions de ce qui demeure de cet être que nous avons vécus et de ce qui s’ouvre l’humanité.  Selon lui, la crise que nous avons vécue a montré que l’être humain est fragile. «Au début de la Covid, beaucoup disaient que le monde ne sera plus comme avant, beaucoup disaient que les paradigmes et les paramètres de nos situations diverses ont changé. Donc à partir de là, désormais, nous allons trouver de nouvelles approches, mais quand on revient à la situation normale, ce sont de vieux reflexes et de vieux modèles qui reviennent. », a-t-il affirmé. Et d’ajouter : «on a l’impression que l’être humain ne relève pas suffisamment les conclusions qu’il a eues à tirer pour faire en sorte qu’on puisse aborder un monde nouveau avec une vision plurielle. Et c’est de cela qu’il s’agit aujourd’hui.»

Au centre de tout cela, poursuit,  il y a un tas de questions : comment la décision se prend-elle? Quelle forme démocratique adoptée pour faire en sorte que la décision puisse être forte, partagée, acceptée par la population un peu partout dans le monde ? «On aura beau réfléchir ; il n’y a pas d’autres moyens d’aborder le présent et l’avenir que de conjuguer ces différences que nous représentons. », a-t-il rappelé.  Pour lui, la démocratie représentative est aujourd’hui en crise parce qu’il y a une crise du politique.  «Tout parti à travers le monde, nous nous cherchons et nous cherchons comment parler aux gens et comment les convaincre notamment face à d’autres formes d’expressions qui deviennent plus importantes et plus directes : l’utilisation des réseaux sociaux et du monde de l’internet, a-t- il souligné. Or, d’après lui toujours, il faut repenser chez nous comme ailleurs, cette forme de représentations directes.

Aujourd’hui, explique le Secrétaire général du PPS,  il y a la nécessité de considérer que cette forme de représentation est nécessaire, mais il ne peut pas continuer comme elle est parce qu’elle est en danger un peu partout dans le monde. «Elle est en danger parce qu’elle est menacée par les visions, les idées, les idéologies populistes, extrémistes qui utilisent ces moyens de représentations directes, mais également des moyens d’expression sur les réseaux pour développer au final  du n’importe quoi. », a-t-il fait savoir.  Et d’ajouter : «il n’y a pas d’autres formes  possibles pour l’humanité que celle de l’expression démocratique et de la construction d’un système démocratique formé, revu, corrigé qui puisse améliorer l’existence. Parallèlement, il s’agit de revoir et de donner encore plus de vie, plus de corps à la démocratie participative et de la verser dans une forme de complémentarité avec la démocratie représentative. »

 Pour que ça tienne la route, poursuit-il, il faut que cette démocratie soit réfléchie dans son approche globale à savoir le respect des droits humains,  des égalités (homme-femme), de la justice sociale, et de la dignité afin de garantir la stabilité des systèmes démocratiques et aspirer à une meilleure répartition des richesses produites. Pour ce faire, il faut que les gens croient en leurs institutions et  avoir des formes de gestion transparente, conclut-il. 

Abdellatif Ouahbi :

«La démocratie électorale vit une crise dans les sociétés modernes »

Le ministre de la justice, Abdellatif Ouahbi a souligné que le choix du thème de « la démocratie électorale » est toujours d’actualité, notamment avec le développement des réseaux sociaux qui sont devenus un acteur politique que nous ne pouvons pas nous en passer facilement. Aujourd’hui, les doutes sur la démocratie sont forts, soit dans les anciennes démocraties ou encore dans les sociétés en voie de développement, a-t-il fait savoir. D’après lui, la démocratie électorale vit une crise dans les sociétés modernes suite à la crise économique et sociale marquée par la pauvreté et la vulnérabilité. Sans oublier le grand fossé existant entre les riches et les pauvres et la montée en puissance du populisme culturel et religieux. A cela s’aoute, le discours politique des élus qui ne représente plus les intérêts sociaux, mais il gère uniquement l’économie face à une mondialisation incontrôlable, poursuit-il. «Quand aux jeunes et intellectuels, ils ont tourné le dos à la politique. En d’autres termes, les partis politiques et les syndicats sont devenus de simples mécanismes qui ont élargi le fossé entre l’individu et l’Etat. », a-t-il affirmé. Par ailleurs, les raisons poussant à produire une crise démocratie électorale sont liées aux grands  changements sociaux et politiques créés par la révolution industrielle, et qui a donné les changements des mondes social et politique, a-t-il expliqué. Et pour que la démocratie électorale soit développée et prospère, il doit y a voir des forces sociales et des institutions libres ainsi qu’une opinion publique critique et tolérante. 

Luis Amado :

«Le renforcement de l’Etat est incontournable »

Selon Luis Amado, ancien ministre d’Etat, ministre des Affaires étrangères (Portugal), il s’agit d’une crise du politique et des capacités sur tous les plans à savoir économique, social et culturel. « La crise du monde est une crise de la démocratie, du politique et de la relation avec la société et la nature.», a-t-il indiqué. L’intervenant a mis l’accent sur la crise de la pandémie qui a compliqué, d’après ses dires, la réponse institutionnelle et politique. «Il faut réfléchir la crise de la pandémie, de la peur, de la peur de l’autre. Car, quand la peur s’installe sur le plan politique, il serait difficile de trouver quasiment la réponse.», a-t-il signalé. Pour lui, la globalisation génère les inégalités qui sont difficiles à gérer par les gouvernements. A cela s’ajoute, le réchauffement climatique, la digitalisation et une transition vers une nouvelle économie. Or, le renforcement de l’Etat, a-t-il affirmé, est incontournable quand la peur est là. Par ailleurs, cette crise est une crise existentielle qui s’impose sur l’humanité, sur nous, a-t-il fait savoir.

Miguel Angel Moratinos :

«La covid-19 a révélé la contradiction entre le modèle autoritaire et le modèle démocratique»

Miguel Angel Moratinos, haut représentant des Nations unions pour l’alliance des civilisations et ancien ministre espagnol des Affaires étrangères et de la coopération, a souligné quant à lui que le monde change et se transforme. Car, la Covid-19, dit-il, nous a montrés cette contradiction entre le modèle autoritaire et le modèle démocratique. «Il y a un malaise général qui se manifeste dans nos sociétés. », a-t-il fait savoir, tout en mettant les lumières sur les révoltes des citoyens qui se mobilisent dans la rue pour sauver la planète.» D’après lui, les élections sont un élément qui fait partie du système démocratique.

Luis Gonzales-Posada :

«Chaque système démocratique doit reposer sur le principe de séparation des pouvoirs »

Pour Luis Gonzales-Posada, ancien président de la république et ancien ministre (Pérou), nous sommes dans un monde meilleur que celui qu’on avait auparavant. «Il y a un progrès qui a été fait dans divers domaines, surtout la médecine. Les choses ne vont pas vers le pire malgré les guerres, la corruption, les conflits… Car, tous ces problèmes du passé on les voit de moins en moins », a il rappelé. L’intervenant a souligné que chaque système démocratique doit reposer sur le principe de séparation des pouvoirs. Le monde fait face à de nombreux défis sur plusieurs plans : économique, écologique, social. D’où l’orientation, entre autres, des moyens technologiques dans le bon sens pour sauver la planète.

El Mostafa Higazy :

«il faut repenser la démocratie d’une manière objective »

El Mostafa Higazy, fondateur du groupe socio-politique « Nasaq» et ancien conseiller politique à la présidence (Egypte) s’est interrogé sur les raisons de faiblesse des partis politiques dont certains appartiennent, selon ses dires, à des époques passées et des idéologies dépassées.  Aujourd’hui, poursuit-il, il y a le pouvoir du citoyen et de la foule. «Le changement climatique est une forme de rébellion contre nous. C’est le cas des gens qui disent non quand ils se sont écrasés, mais il faut toujours les écouter.», a-t-il fait savoir. Selon El Mostafa Higazy, la démocratie de représentativité est devenue une comédie. Les peuples avec l’influence des réseaux sociaux, a-t-il ajouté, ont exprimé leur mécontentement face à la chose. Alors, il faut repenser la démocratie d’une manière objective, tout en se reposant sur les choix et la liberté et de  ne pas se limiter uniquement aux urnes. 

Driss Guerraoui :

«Le besoin de réinventer une démocratie pour réussir les transitions »

Pour Driss Guerraoui, président de l’université ouverte de Dakhla, la démocratie semble être en danger partout dans le monde. Elle est installée sans une crise profonde, a-t-il souligné. Selon l’intervenant, les menaces qui ont conduit la démocratie à cet état sont, entre autres ; l’alliance entre le monde politique et le monde des affaires, le divorce entre les élites et les citoyens, la montée vertigineuse de la droite et l’incapacité de produire des idées nouvelles et d’un rêve nouveau et commun. Or, il y a un besoin de réinventer une démocratie pour réussir les transitions numériques, économiques, énergétiques. Sans oublier bien entendu cette nécessité de changer les paradigmes de développement.

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