«Nous ne voulons pas que notre festival soit un Moussem annuel»

Al Bayane : Le festival international du théâtre universitaire de Casablanca (FITUC) a atteint son âge de maturité. En tant que président du festival et doyen de la faculté des Lettres et des Sciences humaines de Ben M’sik, que pouvez-vous nous dire sur ce festival et spécifiquement sur sa 28e édition?

Abdelkader Gonegai : La 28e édition du festival international du théâtre universitaire de Casablanca s’inscrit dans le processus de continuité de projets culturels de la Faculté des Lettres et des Sciences Humaines de Ben M’Sik. A travers cette édition,  le festival se positionne comme le plus grand et le plus ancien festival universitaire du monde, ce qui est très intéressant non seulement pour l’université mais aussi pour tout le Maroc. Avoir un projet de cette envergure est très important. Cette édition vient couronner tout un processus évolutif visant à hisser ce festival à la stature de la grande métropole qu’est Casablanca et dont le festival porte le nom.

L’un des éléments majeurs de ce processus évolutif est le choix cette année de la chine, première force économique et stratégique du monde, en tant qu’invité d’honneur. Notre objectif était de démontrer que le festival est conscient  de ce qu’il est et de la maturité qu’il a acquise en 28 ans d’existence.  Ce festival couronne un certain nombre d’activités organisées tout au long de l’année au sein de la Faculté de Lettres et des Sciences Humaines de Ben M’sik, mais se positionne aussi en tant que projet culturel  marocain.

Nous ne voulons pas que notre festival soit un «Moussem» annuel ou une simple date où l’on se réunit uniquement. J’insiste sur l’expression -projet culturel-, parce qu’elle relève de l’Université et c’est par cette casquette universitaire que le Festival a cette identité.

Quelle est la particularité de ce festival?

Ce festival a ses particularités. Les orientations de ce festival depuis sa création étaient basées sur quatre dimensions. Premièrement, une dimension pédagogique à travers les formations que nous offrons aux jeunes du monde entier dans le cadre d’un certain nombre d’ateliers de formation que nous organisons toutes les matinées du festival. Nous bénéficions de l’intervention des professionnels qui viennent de différents coins du monde. Actuellement, nous avons  des animateurs de Chine, de France, d’Allemagne, l’Italie, des Etats-Unis et bien sûr du Maroc. Il est à noter que ce sont des formations gratuites et certifiées, ouvertes au grand public après inscription sur le site de la Faculté. Actuellement, ce sont 130 personnes qui prennent part à ces séances de formation du festival.

La deuxième dimension est scientifique. En effet, chaque édition porte sur un thème précis. Dans ce cadre, nous organisons des tables-rondes pendant le festival et auxquelles participent un certain nombre d’artistes, d’universitaires, de sociologues, d’anthropologues qui viennent débattre autour du thème de l’édition.

La troisième dimension du festival est artistique : c’est là où il y’a le spectacle. Nous choisissons un certain nombre de spectacles parmi des propositions que nous recevons du monde entier. Nous avons reçu pour cette édition plus de 80 demandes de participation. Nous en avons sélectionné 14 de différents pays tels que : l’Algérie, la Tunisie, l’Egypte, la France, l’Allemagne, l’Italie, la Chine, le Mexique et bien évidemment le Maroc. Les États-Unis ne sont pas représentés cette année par un spectacle mais plutôt par un «workshop» ou «un masterclass». De cette dimension artistique naît une certaine convivialité entre les jeunes des différents pays qui viennent présenter et échanger leurs expériences, idées et réflexions autour du théâtre.

La quatrième dimension est  humaine car nous recevons toutes les nationalités. Le  rapport humain existe, et c’est là où le festival lance son message d’ouverture et de tolérance du Maroc. L’objectif est également de montrer ce qu’est l’université marocaine, et dire que ce n’est pas un espace figé mais un espace ouvert. Les troupes viennent présenter leurs œuvres dans leurs propres langues sans qu’il n’y ait de traduction ou de sous titrages, pour montrer que l’art n’a pas de langue.

Toutes ces nationalités présentes, que ce soit du monde arabe, de l’Asie, de l’Europe ou des Etats-Unis viennent au FITUC pour s’exprimer avec l’autre, échanger avec lui indépendamment de ce qu’il est, de sa couleur, de ses convictions, de sa religion ou de sa culture.

Nous sommes un pays qui reçoit toutes les expériences. C’est une dimension humaine que nous ne cessons de défendre au niveau international. À travers ce festival, nous cherchons à promouvoir et à vendre le Maroc. Nous sommes conscients qu’un festival peut être un médiateur et un acteur dans le cadre d’une diplomatie culturelle et artistique universitaire. Dans cette dimension humaine aussi, nous illustrons notre principe de reconnaissance, en rendant  hommage à une personnalité ou en lui dédiant l’édition du festival.

En parlant de l’humain, le FITUC a dédié sa 28e édition à Lahcen Zinoun. Parlez-nous de cet hommage.

Cette année, le comité d’organisation a choisi Lahcen Zinoun pour plusieurs raisons. C’est quelqu’un qui a une carrière de plus de quarante ans et qui a marqué l’histoire artistique du Maroc par sa particularité.

Il a également été choisi pour sa diversité artistique. C’est un homme de danse et de théâtre. Il est notamment acteur, metteur en scène et cinéaste. Cette dimension n’est pas à la portée de n’importe qui et c’est là où on voit le gabarit de la personne.  Lahcen Zinoun, en plus de ses qualités artistiques, a une qualité académique. Il a toujours été encadrant, formateur, membre du jury dans de nombreux festivals.

Au sein de notre université, il ne cesse de former les jeunes dans des ateliers de danses et de chorégraphie. Il s’est toujours exprimé dans les cycles de masters pour parler de son expérience afin d’orienter les jeunes. Il a aussi siégé en tant que membre du jury de doctorat sous la casquette d’expert dans le domaine artistique. Ce sont ces éléments qui ont fait que nous lui avons dédié cette 28e édition.

Pourquoi la Chine en tant qu’invité d’honneur de cette édition?

Pour la 28e édition, il fallait que le pays soit à la hauteur de la 28e édition. Dans nos recherches, nous nous sommes rendus compte que le numéro «28» est très apprécié par les Chinois. C’est un porte bonheur pour eux. Et effectivement, pour cette édition nous cherchions un pays d’ampleur et le hasard a voulu que ce soit la Chine, surtout que les pays asiatiques sont très connus par tout ce qui est artistique et spirituel. De plus, comme cette édition porte pour thème le «Silence», le choix de la chine était évident.

Justement,  pourquoi «le silence» en tant que thème?

Le silence est une composante principale de l’expression artistique asiatique et particulièrement chinoise. Si nous avons choisi  le thème « silence» c’est tout simplement parce qu’il est strictement lié à la culture du pays invité.

Omayma Khtib

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