SIEL sans sport

Point de vue

Dr Abderrazak EL AKARI

Au salon international du livre (SIEL), les visiteurs passionnés du sport seront surpris de l’absence de produit culturel ayant rapport avec le sport. Ce qui rend légitime de s’interroger sur les raisons de cette indigence flagrante du livre sportif.

Durant la semaine écoulée, deux événements phares, de dimension internationale, ont défrayé la chronique. Le premier la belle victoire du WAC qui a remporté, pour la 3ème fois, la coupe de la Ligue des champions africaine. Quant au deuxième événement, c’est l’organisation de la 28ème édition du salon international du livre (SIEL) à Rabat.

Outre ses retombées sportives, la victoire du WAC arrive en un temps opportun, notamment en une conjoncture économique délicate, caractérisée, principalement, par la flambée des prix, qui a touché en plein fouet les conditions de vie du simple citoyen, obligé de subir les affres des mesures d’austérité prescrites. Une victoire, tant attendue, faisant renaître une lueur d’espoir pour le sport marocain, en dégageant une image très positive, émise fidèlement par la presse internationale.

Cependant, la question qui s’impose avec pertinence, est de savoir s’il existe un lien entre les deux événements susmentionnés?

En effet, en sillonnant les différents pavillons du SIEL, les visiteurs passionnés du sport pourraient bien être sidérés par l’absence de produit culturel ayant rapport avec le sport. Certes, les couloirs regorgent de livres dans divers domaines intellectuels, en particulier, la poésie, l’histoire et le roman, mais le sport demeure le domaine qui fait défaut aux rayons des maisons d’édition.

Nul besoin de rappeler, que le livre constitue un outil de communication entre l’écrivain et l’opinion publique, cherchant à sonder les différents états d’âme du citoyen: les moments  de joie, de frustration et d’attentes, et le sport comme phénomène sociétal englobe, interagit et reflète les différentes ramifications de la société marocaine.

C’est dans ce sens, qu’il nous parait important de rappeler les effets bénéfiques du sport, qui dépasse le périmètre de la santé et le bien-être, pour générer un ensemble de valeurs essentielles à même de consolider le corps social, de renforcer l’esprit d’appartenance au groupe et de développer la pensée positive au service de la communauté.

Aujourd’hui, à travers le monde, et durant un laps de temps, le sport s’est métamorphosé, devenu au centre de convoitise de multitudes d’acteurs socio-économique et politique. Il est devenu un enjeu des relations internationales, et le nouveau terrain d’affrontement –pacifique et régulé – des États. C’est la façon la plus visible de montrer le drapeau, d’exister aux yeux des autres et d’être présent sur la carte du monde, selon les termes déployés par le politologue Boniface.

Le lecteur marocain, soit pratiquant ou adhérent dans le mouvement sportif et olympique, a le plein droit de revendiquer des livres traitant le domaine sportif sous différentes approches : diplomatique, éducative, économique, historique, politique, sociologique et scientifique…

Malheureusement, aujourd’hui, ce lecteur serait certainement déçu de son parcours tout au long des pavillons du SIEL, lesquelles n’affichent aucune production culturelle intellectuelle qui répond à ses attentes et aspirations. Ce qui, de ce fait, rend légitime pour ce même lecteur de s’interroger sur les raisons de cette indigence flagrante du livre sportif, et sur le(s) prétendu (s) responsable(s).

D’autant plus, qu’un parcours de plus de trente ans, en suivant de plus près l’actualité du domaine de l’édition et du livre, nous permet de confirmer que le problème ne réside pas dans la rareté des écrits et des recherches sur le sport. Heureusement, nos instituts, et facultés disposant de filière ayant rapport avec le sport, produisent, de manière régulière des travaux de recherche importante et sérieuse selon différentes approches scientifiques. Néanmoins, ces travaux restent entassés dans les bibliothèques, avec, en parallèle un désintérêt absolu de la part des éditeurs. Ces derniers, avancent, souvent, comme prétextes, à qualifier de péjoratif : «le sport tout dans les pieds rien dans la tête» «personne ne lit le livre sportif », «le public sportif est désintéressé par la lecture et le livre »…

Ces préjugés, reflètent la persistance d’une perception réductrice des rôles du sport dans la société.

Aussi, les personnes porteuses d’un projet éditorial sportif, trouvent d’immenses difficultés à convaincre les éditeurs marocains de l’importance d’investir dans le domaine sportif. Ils sont souvent confrontés à de multiples obstacles et d’embûches, créer de toute pièce qui les poussent à renoncer à leur projet, ou d’entamer l’aventure risquée de payer de leur propre argent!

Ce qui peut expliquer un phénomène couramment connu, en matière d’édition de livre, à savoir celui que vit la grande majorité des écrivains: ne pas dépasser le seuil d’un ou deux livres édités. Tout simplement, ces écrivains ont expérimenté l’amère aventure de rédiger un livre, pleine de risque, et qui finissent par l’abandonner à mi-chemin. Ainsi, découle la légitimité de cette question : n’est –il pas temps de revoir, de fond en comble, la politique publique de l’édition et du livre, notamment la manière et les procédures de débloquer les subventions publiques, qui apparemment, n’ont pas permis d’atteindre l’objectif stratégique de «promouvoir la culture nationale et en garantir les spécificités et la préservation et la mise en valeur du patrimoine culturel national».

En attendant de répondre à ces questions, le sport brillera par son absence des pavillons du SIEL de cette année.

Étiquettes
Top