Un second sommet pour booster l’intégration africaine

Otmane Elmibrak et Mohamed Bouzakri (MAP)

Dans les annales de l’Union africaine (UA), il y aura certainement un avant et un après Niamey. La capitale nigérienne vient d’abriter deux Sommets décisifs pour l’aboutissement du processus laborieux d’intégration que le continent s’emploie, autant que faire se peut, à boucler.

Dimanche, un Sommet extraordinaire des chefs d’Etat et de gouvernement s’est tenu à l’effet de lancer la phase opérationnelle de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECA), projet phare de l’Agenda 2063 de l’UA.

Bien que partielle car plusieurs autres instruments restent à activer, l’opérationnalisation de la ZLECA marque un pas de géant pour un continent qui caresse le rêve d’un marché unique depuis la création de l’Organisation de l’Unité africaine, en 1963.

Et le rêve est tout à fait légitime. En effet, avec cette zone de libre-échange, l’Afrique deviendra le plus grand bloc économique au monde en termes de nombre des pays membres, avec un giga-marché continental de plus de 1,2 milliards de personnes et un produit intérieur brut (PIB) cumulé de plus de 3.400 milliards de dollars USD, selon l’UA.

En vertu de l’accord l’instituant, les pays signataires de la ZLECA s’engagent particulièrement à supprimer les droits sur 90 % des biens et à éliminer les nombreux obstacles au niveau de 84.000 kilomètres de frontières africaines.

Avec la mise en œuvre totale de l’Accord sur cette zone de libre-échange, le commerce intra africain devrait s’accroître annuellement de 52,3%.

Les instruments de la ZLECA lancés ont trait aux « règles d’origine », au « portail en ligne pour les offres tarifaires », à la « notification, au suivi et à l’élimination de barrières non tarifaires », au « système panafricain de paiement et de règlement numérique » et, enfin, à « l’Observatoire du commerce africain ».

Le clou de la cérémonie d’ouverture du Sommet extraordinaire de l’UA: le Nigéria, poids lourd du continent, et la Bénin, deux des pays qui n’avaient pas encore adhéré à la ZLECA, ont signé l’accord instituant ce bloc commercial et douanier.

Après ces deux signatures, qui ont suscité un tonnerre d’applaudissement dans l’auditorium archi-comble du Palais des congrès de Niamey, seule l’Erythrée n’a pas encore adhéré à la ZLECA.

A noter que la capitale ghanéenne, Accra, a été désignée par les leaders africains pour abriter le siège du secrétariat permanent de la ZLECA.

Le lendemain du Sommet fondateur de Niamey, un autre Sommet dit « de coordination » a réuni, toujours dans la capitale nigérienne, les hauts responsables de l’Union africaine et les représentants des huit communautés économiques régionales que compte l’Afrique.

A l’image du Sommet extraordinaire, ce conclave a lui aussi marqué, comme souligné par le Président du Niger, Isoufou Mahamadou, champion de l’UA pour la ZLECA, l’amorce d’un processus désormais institué de concertation et de coordination entre l’UA et les groupements économiques régionaux.

Ce sommet de coordination, le premier de son genre, devrait asseoir les fondements d’une synergie novatrice à même de faciliter les divers processus et initiatives engagés afin de promouvoir le développement économique et social des pays africains et transformer qualitativement le continent.

Les réunions semestrielles de coordination réaffirment le rôle des communautés économiques régionales dans l’avancement global du processus d’intégration du continent. Elles constituent les piliers sur lesquels le continent doit pouvoir construire l’Afrique de l’agenda 2063, a relevé le chef de l’Etat nigérien, notant qu’il s’agit aussi de plateformes d’harmonisation des politiques entre les Etats membres au niveau régional et continental.

Lors de ce Sommet, le président de la Commission de l’Union africaine, Moussa Faki Mahamat, a dressé un état des lieux de l’intégration économique au niveau régional.

Topo détaillé à l’appui, Faki Mahamat a fait état d’un bilan mi-figue mi-raison. Les huit CER reconnues par l’UA doivent, en effet, faire face à des défis de taille en termes de financement et de ressources humaines, de chevauchement des adhésions, de mise en œuvre « médiocre » de programmes et de projets d’intégration régionales clés.

La Commission de l’UA a aussi pointé du doigt le manque d’alignement institutionnel, soulignant que les conflits persistants, l’insécurité et les goulots d’étranglement des infrastructures restent des obstacles majeurs à une intégration plus poussée.

C’est dire, somme toute, qu’à la faveur des deux Sommets de Niamey, l’intégration africaine a incontestablement franchi un nouveau palier et pas n’importe lequel car la ZLECA, de par sa vocation foncièrement intégrationniste et ses retombées salutaires, vise à asseoir un cadre pérenne qui permettra au continent d’acter son émancipation économique et d’entrevoir son avenir en toute sérénité et confiance.

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