Une tradition ancestrale qui ne fait plus l’unanimité

Tanger : Polémique autour des tambourineurs du Sohour

Karim Ben Amar

Peu avant le « Sohour », le passage du tambourineur est une partie intégrante du mois de Ramadan dans toute la perle du Détroit à l’instar de tout le Royaume. Durant tout le mois sacré, le tambour est l’instrument phare qui sert à réveiller les habitants du quartier à l’heure du « Sohour ». Mais voilà que cette tradition est mise à mal. De nombreuses voix se sont élevées pour condamner cette pratique pourtant ancestrale, qui est qualifiée par une minorité d’indécente et dérangeante.

Les détracteurs de cette pratique chère aux tangéroises et tangérois avancent  que l’utilisation des tambours  trouble la quiétude des habitants pendant les heures tardives de la nuit, importunant ainsi les enfants, leur causant peur et anxiété. À ce sujet, l’équipe d’Al Bayane a rencontré Mehdi.G, un farouche détracteur de cette tradition. D’après le père de famille, la passage du tambourineur met fin au sommeil de sa fille âgée de 3 ans. « Après le passage du « tabal », impossible que ma fille retrouve le sommeil. Arrachée au bras de Morphé après quelques heures de sommeil, elle passe une très mauvaise journée ».

Cette situation est décriée par un bon nombre d’habitants. Certains  appellent les autorités locales à prendre des mesures et mettre fin à cette pratique. D’autres estiment en revanche que le mécontentement d’une poignée de personnes ne devrait pas sonner le glas de cette belle tradition qui traverse les générations.

De son côté, le militant associatif Reda Khayrouni a confié à l’équipe d’Al Bayane que « cette culture existe dans tout le Royaume et cette dernière doit continuer à s’imposer car il s’agit-là d’une tradition. De plus, cette pratique ancestrale se transmet de génération en génération ».

Il ajoute que « nos parents et grands-parents, bien qu’ils possèdent des téléphones portables, ne mettent pas le réveil. À titre d’exemple, mon père me demande chaque soir si le tambourineur est passé. Son passage fait aussi partie de la magie du mois de Ramadan. Sans la mélodie du tambour, l’ambiance du Ramadan ne serait pas la même ».

Le président de l’association « Sanad » pour les activités écologiques et le développement durable avance que « nous sommes reconnaissants. Les habitants des quartiers lors du passage du tambourineur, se pressent pour lui donner de l’eau et de la nourriture, c’est une véritable preuve de solidarité. Ma mère, à titre d’exemple, prépare tous les soirs le plateau repas du tambourineur ».

« Pour la gouverne des détracteurs de nos coutumes, les habitants de mon quartier (Char Bendibane) demandent au tambourineur de pas y aller de mains molle afin qu’il puisse se faire entendre par tout le monde.  Il faut prendre conscience que tout le monde n’a pas la culture du réveil à l’heure du « Sohour » mais celle du tambourineur. C’est un fait ».

Quant au jour de l’Aïd al Fitr, le tambourineur du quartier est la grande star. « Le jour de l’Aïd, les jeunes et moins jeunes se prennent en photo avec le tambourineur. De plus, en guise de remerciement pour service rendu durant tout le mois sacré, certains habitants lui offrent de l’argent, d’autres du blé, de la farine ou encore des gâteaux ». Et de tonner, « les détracteurs sont en croisade contre nos traditions et coutumes. Mais il se trouve que les habitudes ont la peau dure et nous ne sommes pas prêts de renoncer à notre culture et à celle de nos aïeux. Nous encourageons d’ailleurs les tambourineurs à opter pour une tenue unique pour marquer encore plus les esprits et faire ainsi rayonner notre tradition   ».

« Au sein de notre association, nous pensons à rendre hommage au tambourineur du quartier Char Bendibane, car ce monsieur a fait un grand effort tout le mois durant, et c’est le même chaque année. Il faut savoir que  cette fonction s’hérite de père en fils et dans le cas où sa descendance ne veut pas reprendre le flambeau, c’est un habitant du quartier qui prend le relais. Avant de prendre la relève, pour se faire connaître de tous, il sort deux ou trois jours avant le début du Ramadan pour s’annoncer au voisinage. Le mécanisme est rodé depuis des siècles, comment pouvons-nous y renoncer ? Impossible ».

Bien que les détracteurs se soient fait nombreux ce mois de Ramadan, tout semble indiquer que cette tradition ancestrale à encore de beaux jours devant-elle, n’en déplaise à la tranche « anti-tabal ».  

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