Une vie vouée au cinéma…

Noureddine Saïl 

Mohamed Nait Youssef

Ce fut une mémoire vivante et grande figure du 7ème art marocain et africain. Dynamique, lucide, irremplaçable, Noureddine Saïl (1948-2020) a joué un rôle déterminant dans la promotion du cinéma et de la culture non seulement au  Maroc, mais aussi et surtout dans le reste du continent africain. Il est inutile de le présenter en deux mots. Homme de culture et mémoire vivante, Saïl a fait  de l’image et du cinéma son cheval de bataille pour la transmission des valeurs universelles ; celles de la beauté, de l’engagement, de l’ouverture, du dialogue et de l’épanouissement. Ancien professeur de philosophie puis inspecteur général de philosophie à Rabat, Saïl était derrière la création de la Fédération nationale des ciné-clubs du Maroc, créée en 1973, qu’il avait en fait  présidé jusqu’à 1983. Son passage dans le monde des vivants était marquant et exceptionnel. Car, il a, incontestablement, marqué des générations de cinéphiles, de critiques de cinéma, de mordus de l’image et des amoureux des chefs-d’œuvre du cinéma mondial.

De l’amour de la philo et du cinéma…

De Baruch Spinoza à Friedrich Nietzsche, Saïl, homme sage au regard critique et analytique, était un grand amoureux de la philosophie qu’il avait d’abord enseigné, fin des années soixante, au lycée Moulay Youssef, à Rabat. En 1970, cet intellectuel et militant de gauche s’envole au Liban pour revenir en aide aux réfugiés palestiniens sous l’égide de l’ONU. Ses combats pour promouvoir la culture et éclairer les esprits ont été commencés ainsi.

Acteur clé de la scène culturelle et artistique marocaine et africaine,  Saïl a dirigé de 2003 à 2014 le Centre Cinématographique Marocain (CCM). Et c’est grâce à lui, il faut le rappeler, que le 7ème art a connu une véritable effervescence et évolution sur les plans esthétiques, thématiques et cinématographiques.

Son parcours dans les médias remonte à plusieurs années. Il a en effet partagé sa vie professionnelle entre la critique de cinéma dans la presse écrite, à la radio où il animait, à partir de 1979, la fameuse émission radiophonique hebdomadaire « Écran noir », diffusée à la RTM Chaîne Inter.

Il a été à la fois professeur, scénariste, chroniqueur, auteur, producteur de cinéma. Il a laissé son empreinte de scénariste en écrivant des scénarios tels que «Badis», « Le grand voyage », « Lalla Hobby » ou encore « Ibn Assabil » (Grand voyage) portés à l’écran par le réalisateur marocain, Mohamed Abderrahman Tazi. Saïl  a signé «L’Ombre du chroniqueur», où  il a pris le défi d’écrire un livre sans la lettre «a», un certain clin d’œil à «La Disparition», un roman en lipogramme de Georges Perec, édité en 1969.

Conférencier et homme de cinéma, cet infatigable ayant fondé, à partir de 1977, et dirigé pendant des années le festival du film de Khourigba (FCAK) a marqué une génération de cinéphiles, de réalisateurs et de critiques de cinéma. Intellectuel engagé et homme de médias averti, Saïl a laissé son empreinte sur le grand et petit écran dont il avait été directeur des programmes de la Télévision Marocaine (TVM) de 1984 à1986, directeur des programmes de Canal+Horizons de 1990 à 2000, dédié  à l’Afrique francophone, ou encore  directeur général de la chaîne  2M de 2000 à 2003.

L’homme a voué son existence aux débats, aux échanges sur l’avenir et le devenir de la création cinématographique et artistique dans son pays. Il portait certainement ce rêve africain  au-delà des frontières. C’est à Rabat que ce pionnier du septième art marocain s’est éteint dans la nuit du 15 au 16 décembre, à l’âge de 73 ans.

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