Zaynab Nefzaouia, la «sultane» de Marrakech

La ville de Marrakech doit son existence et son charme actuel à une femme, une visionnaire,  Zaynab Nefzaouia, épouse de Youssef Ibn Tachfin, fondateur et premier sultan de la dynastie almoravide au 11e siècle. Des siècles avant que Tripadvisor ou encore Trivago ne vantent les mérites, la beauté, l’attrait et le charme de la ville ocre, Zaynab Nefzaouia l’avait déjà fait, alors que la ville n’avait pas encore été véritablement érigée. Celle-là à qui revient le mérite d’avoir baptisé la ville ocre du nom de Marrakech, déclara : «Dans ce long espace de lumière, borné d’un côté par les neiges, de l’autre par le feu, tout se transforme en une seconde», comme le rapporte Zakya Daoud dans son ouvrage inédit publié en 2008 «Zaynab, la reine de Marrakech».

Si on associe généralement le nom de Zaynab Nefzaouia à la création de la ville de Marrakech en 1062, il faut dire que les prouesses de cette femme belle, intelligente et distinguée vont bien plus loin que ça. «Elle est une de ces femmes qui, à travers un destin commun, incarnent un lieu, une époque, un mythe. Elle est une Aliénor d’Aquitaine maghrébine en quelque sorte, et avec un siècle d’avance», n’a pu s’empêcher de dire Jean-Pierre Sérini à propos de cette reine au caractère audacieux et perspicace dans la quatrième de couverture de l’ouvrage de Zakya Daoud. Elle est notamment célèbre pour «son génie politique, sa capacité d’avoir plus que secondé son impérial époux dans ses conquêtes». Elle accompagna Youssef Ibn Tachfin dans l’édification de son empire. Grâce à ses conseils, il élargit les frontières de son empire de l’Atlantique à la Kabylie; de la Méditerranée au Sénégal en passant par le voisin andalou.

Zaynab Nefzaouia naquit à Aghmat en 2039, un petit village que l’on retrouve dans la vallée de l’Ourika, aux pieds de l’Atlas. En effet, son père, Ishaq Houari, qui était un riche marchand originaire de Kairouan, dans l’actuelle Tunisie, lui inculqua une éducation assez poussée pour l’époque. Il lui apprit à lire et à écrire. Elle prit aussitôt plaisir aux lectures. Elle manifesta très tôt une intelligence supérieure et une attirance hors pair pour les débats politiques et développa une soif de savoir jamais assouvie. Ce qui sera à l’origine de ses multiples déboires amoureux, avant la rencontre de Youssef Ibn Tachfin.

Mariée très jeune en premières noces à un chef de tribu, celui-ci ne tarde pas à la répudier, car jugée trop intelligente. Elle est aussitôt remariée, mais perd son deuxième mari. Butin de guerre, elle devient esclave dans le Harem d’un certain Abou Bakr qui la cède à son neveu Youssef Ibn Tachfin, fondateur de la dynastie almoravide.

Malgré une différence d’âge de 27 ans, Zaynab et Youssef Ibn Tachfin vivent le grand amour, mais celui-ci ne l’emporte pas sur la raison d’état.

Quand ils se rencontrent, le Maroc n’est qu’un petit royaume divisé. Le sultan né dans la tribu sanhadjienne, les Lemtouna, originaires de l’Adrar, dans l’actuelle Mauritanie, n’est qu’au début de sa vaste entreprise. Il ne rêve que des conquêtes. Grâce aux conseils de son épouse, redoutable stratège et conseillère avisée, il parvient par l’épée et le verbe à étendre son empire de l’Atlantique à la Kabylie, de la Méditerranée au Sénégal, en passant par l’Andalousie (Séville, Grenade, Almeira, Badajoz…). L’expansion est phénoménale.

En 1062, alors que son mari parti à la guerre, contrairement à Pénélope qui, dans la mythologie grecque, attendait patiemment le retour d’Ulysse, Zaynab établit son campement au lieu appelé Marrakech (Terre de Dieu), qu’elle gouverne avec fermeté et qui devient au fil du temps une cité prospère et la capitale du Sud marocain. Elle en conçoit même les plans et les attributions.

Sous le règne d’Ibn Tachfin et de Zaynab Zefnaouia, la civilisation almoravide connut son apogée. A mesure que le temps passait, la vieillesse arriva finalement. Youssef Ibn Tachfin transmit le pouvoir à l’un de ses fils, Ali Ben Youssef, en avant de mourir en 1106. Zaynab resta dans le chagrin et la solitude et mourut en 1117. Après les deux héros, l’empire déclina. «Nés du sable, les Almoravides retournent au sable, et à l’oubli. Seules se dégagent, pour la nuit des temps, de ce rêve brisé, les nobles figures de Youssef Ibn Tachfin et de Zaynab Nefzaouia», conclut Zakya Daoud dans son ouvrage.

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Dans le film «Zineb, la rose d’Aghmat» (2013), la réalisatrice marocaine Farida Bourquia revient sur la vie de Zaynab Nafzaouia. L’actrice marocaine Fatym Layachi campe le rôle de Zineb, épouse du Sultan Youssef Ibn Tachfin.

Danielle Engolo

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